Juillet et la course ne faiblit pas. Nostalgie des juillets (je vérifie, ça peut prendre un « s » même si c’est rare dit Robert : « des juillets torrides) d’enfance, d’adolescence. Chaleur écrasante, avions, bateaux, trains, torpeur, paresse, coups de soleil cuisants suivis de couches grasses de Biafine, le manque de délicatesse de ma mère qui me griffe les épaules en l’étalant (ou bien étais-je douillette à l’époque), lac artificiel, mer réelle, vert lassant de la campagne et jaune irritant du sable, bals du 14, feux d’artifice économes, une belle rouge, une belle bleue et c’est fini après un crachouillis comme une bouteille effervescente secouée puis ouverte trop rapidement en rentrant des courses, folie de ma grand-mère, sandwiches SNCF, films SNCM, BD Air France, passage terrorisé chez le coiffeur, jouer de l’orgue à la messe tous les dimanche (mais ça dispense d’hostie – du latin « hostia » : « victime »), Tour de France, cahiers de vacances. Non, finalement, aucune nostalgie de ces juillets-là. Mieux vaut l’épuisement et la course. Les maquettes qui partent les unes après les autres à l’imprimerie comme on met une pâte liquide dans le four, préalablement touillée avec amour, aux ingrédients soigneusement pesés, pour la voir ressortir sous forme de gâteau odorant. Pour la grande fête de « La Rentrée Littéraire ». Il y aura toujours quelques bulles dans la marée mousseuse. D’ailleurs, je lis le prochain Régis Jauffret, Lacrimosa, qui me plaît comme un beau concerto (il parle lui-même, ailleurs, d’« oreille absolue », ou ailleurs encore : « l’écriture n’est pas très éloignée de la musique. Je suis comme un violoniste : je joue, on m'enregistre, on me repasse la bande, et je sais que je n'ai pas fait de fausses notes. ») Concerto à deux voix dont une prosopopée qui existera d'ailleurs sur scène. Je relève cette lecture de l’auteur sur le net qui n’arrange pas mon humeur du jour, mais que je trouve « touchante », sans galvauder le mot, et puis il me semble que c’est bien de dire à des hommes qu’on trouve leurs lectures « touchantes » – en général, on réserve ça, avec un soupçon de mièvrerie, aux filles qui s’habillent en noir et qui en plus écrivent. Je la trouve touchante cette lecture car humaine trop humaine, épaules fléchies du poids de vivre, silhouette en contre-jour, léger accent marseillais loin du soleil de Pagnol, bruit des voitures en mer mécanique, lumière blafarde du néon sur une salle de bains encombrée, comme si l’armée de flacons dédoublée par le miroir était une image rassurante, en aubes et crépuscules.
(Image © Stéphane Trapier)