dimanche, mars 26, 2006

Cocain Cola

… Où l’on découvre l’enfance malheureuse de Marlon Brando (icône kitch à ses heures), le taux de cocaïne contenu dans le Coca Cola d’origine, le complexe d’Œdipe négatif de Sade, les origines de Winnie l’Ourson, les culottes de golf et les concours de poésie qu’appréciait l’Empereur Hiro-Hito, les talents de Nancy Reagan en matière de fellation, le fusil à deux coups de Burroughs, l’admiration de Mussolini pour Mae West, la résolution du dilemme « nourriture ou sexe ? » (ne pas choisir), la carrière de footballeur ratée de F. Scott Fitzgerald, la blondeur naturelle d’Elvis Presley dissimulée sous sa teinture noire de héros de Comics, l’appétit sexuel de Einstein…

Balayage rétrospectif de notre siècle & beyond à renfort d’intelligence acérée et d’humour traversant le ciselage précis de formules efficaces – façon « la chapelle Sixtine de la punkitude » (sur Mad Max) ou « … nombreux {sont} ceux qui considèrent déjà Joyce et Proust comme la meilleure approximation du Valium. » –, Millénaire mode d’emploi fait le tour des mythologies et des icônes de notre époque pour mettre à jour une série d’éléments récurrents, obsessionnels, pouvant agir comme l’exosquelette d’une autobiographie possible de J.G. Ballard. Une autobiographie comme une galerie de portraits, de sujets de fascination, d’objets de désirs et de répulsion. La vision du monde à la fois euphorique (l’engouement de l’émotion esthétique) et cruelle (la cruauté de l’Histoire) d’un honnête homme non pas contemporain mais futur car résolument tourné vers la science-fiction.

Partie intégrante de l’œuvre et de la vie de J. G. Ballard, la science-fiction apparaît, selon lui, comme le seul horizon possible pour la littérature : « … je crois fermement que la science-fiction est la littérature authentique du XXe siècle et qu’elle est probablement la dernière forme littéraire qui existe avant la mort du mot écrit et la domination de l’image visuelle. » (p. 25). En revanche, les réalisations cinématographiques de sciences-fiction le laissent en général perplexe sauf quelques exceptions parmi lesquelles on pourrait citer Alphaville de Jean-Luc Godard ou La Jetée de Chris Marker, donnant lieu à des articles aussi précis que subtiles. J. G. Ballard est ainsi souvent tourné vers des extrapolations futures, parfois fantasques, souvent irrésistibles : « Une littérature invisible prolifère autour de nous aujourd’hui – télécopies, courriers électroniques, communiqués de presse et notes de service, obscurs romans d’aérogares habillés de couvertures métallisées, que nous remarquons à peine sur le chemin de la boutique hors-taxes. Un jour, dans un futur proche, lorsque le dernier siège de société aura été démoli et que nous gagnerons tous notre vie devant nos terminaux domestiques, des anthologies de notes de services du vingtième siècle seront peut-être aussi recherchées que la correspondance de Virginia Woolf ou de T. S. Elliot. » (p. 96)

C’est à travers cet esprit d’un humour tranchant au vif des hypocrisies et du mauvais goût que J. G. Ballard recompose les jalons de notre culture qui se mue en défilé bariolé de mythes, de dictateurs, de catastrophes, de chef-d’œuvres, de nanards, de héros, de célébrations, de tristes sires, de souvenirs, de bouffons, d’innocents… Outre cette sélection d’articles, Millénaire mode d’emploi se compose également d’un texte à proprement parlé autobiographique, « La fin de ma guerre », narrant l’enfance de J. G. Ballard dans un Shanghai tout juste libéré, en ruines ; un passage sensible et analytique, d’une facture rappelant celle de ses romans, dévoilant la matrice de nombreuses obsessions (également développée dans l’article consacré aux « espaces intérieurs » des écrivains).

Cette cosmogonie ne serait pas complète sans un glossaire en célébrant les icônes = « CHAPLIN – La grande réussite de Chaplin a été de discréditer le corps et de ridiculiser tout concept de la dignité du geste. (…) PASOLINI – Le sociopathe comme saint. (…) PROTHÈSES – Le complexe de castration élevé au niveau d’une forme d’art. (…) RÉPONDEURS – Ils nous entraînent patiemment à penser dans une langue qu’il leur reste à inventer. »

On aura compris – on le savait sans doute déjà – que J. G. Ballard est un auteur majeur, et plus encore, en ce qu’il parvient à faire se rencontrer l’exigence de la littérature avec une thématique qu’elle a trop longtemps relégué au rang de para- ou d’infra- par snobisme suranné : la science-fiction. Il fait œuvre des stéréotypes qui nourrissent notre quotidien – la violence, la technologie, la culture de la célébrité… – en en mettant à nu les rouages dans une langue d’une beauté grinçante, magnétique.


Millénaire mode d’emploi de J. G. Ballard, Éditions Tristram.
Note publiée dans La Revue Littéraire.

samedi, mars 25, 2006

Come on baby


... timide ?

conscience chargée ?

révélation à faire ?

Valda à cracher ?...

Coming in!

lundi, mars 20, 2006

samedi, mars 18, 2006

Ouf !


... du ciel et du soleil...
Vidéo envoyée par laurelimongi

jeudi, mars 16, 2006

Gabbitas & Thring

« L’héroïne est absente.
Absente de Paris. Héroïne par défaut. En fuite. Disparue. Morte. (Peut-être). En tout cas non présente.
Le nom seul est resté.
Sur la tombe.
Gravé sur le marbre de la tombe.
Le nom seul subsiste.
Qui était cette personne ?
Que est cette personne ? Qui est cette femme ?
Mais qui était donc cette dame-là ?
Rose.
Voici un nom.
Rose.
Rose de Garance. Par exemple.
Ce n’est qu’un exemple. Puisqu’il faut un nom. Le nom tremblant. Le nom malhabile. Dans la pierre creuse. Le nom a demi effacé.
Par l’usure du temps.
Avec le temps. (Tout s’arrange ou tout s’évanouit.)
Née le. En fuite le. Partie pour. Le.
Date du départ. Date de l’arrivée. De quelle durée longue était le séjour ? (Combien longue ?)
Le nom est mystérieux. Comme la pierre muette et glacée.
Le nom est sommaire. Pour ainsi dire. D’une brève indication. Très insuffisant.
Et
Je n’en sais pas plus que vous.
Récitant sommaire d’une ténébreuse histoire.
Je ne sais pas grand-chose. Le sommaire des événements relatés sera bref.
Je ne sais rien ou si peu.
Sur le nom. Sur la tombe. Sur l’héroïne.
Ainsi nous irons au plus rapide. Conversation tôt éteinte. Faut d’arguments.
L’argument est pauvre.
Nous nous contenterons de peu.
Nous nous contenterons de la pauvreté. De l’exiguïté. Du vite vu.
Du vite achevé.
Ma plume sommaire non usée y pourvoira.
Mais si ce peu soulève des mondes en fusion.
Des mondes obscurs douloureux. Des mondes infinis en souffrance.
Alors peut-être est-ce mieux de ne pas prolonger la promenade. Au long des pages. Des esprits en déroute. Des hommes à la dérive.
Dans ce cas bien entendu le peu suffit. Il suffit de peu.
Le mot fin libérateur le terme du cauchemar se fait attendre.
Plus tôt il se présente. Mieux ce sera.
Voici ce que je sais.
Comment j’ai eu connaissance. Du cas. De l’histoire. Du roman. Par hasard sans doute.
Un concours de circonstances.
Un hasard de la vie.
Il y a de ces hasards…
(Mais mieux vaut ne pas en parler.)
Je ne sais pas tout.
À l’interlocuteur de questionner. De compléter. De supposer. D’imaginer. D’épiloguer.
Et de conclure.
La conversation est permise. Une certaine conversation de haut vol est permise.
Pas maintenant. Tout à l’heure. Après l’exposition méthodique et concise des faits. Il y aura entretien. Parole. Palabre. S’il le faut contradiction.
Réunion contradictoire pour finir.
Pour allonger. Si le récit se fait vraiment trop maigre. Trop clair.
Enfin… On verra…
Pas maintenant. Tout à l’heure.
Et qui sait ?
Au hasard des mots chancelants d’une chancelante conversation nous apprendrons ce que nous ne savons pas.
Ce que nous savons mal.
Ce que nous aimerions tant savoir.
Pour tenter d’élucider le mystère, la contradiction l’interrogation la discussion en fin de compte autorisées.
Vous êtes une personne.
Votre regard. Vos yeux. Votre bouche. Votre visage aux mille expressions.
Dessinent votre personne.
Donc je vous écouterai.
Je vous recevrai. De personne à personne. De personnage à personnage.
Sans distinction de classe. (Si je ne m’abuse.)
À égalité. En toute fraternité.
Vive la liberté. Les droits de la personne.
Premièrement celui de la Parole.
Celui de la conversation possible.
Par le grand mystère du langage… »

Garance rose, Hélène Bessette

mardi, mars 14, 2006

Urgence & rêve

… Mille petites claques ça finit quand même par faire une grosse baffe, et c’est tout l’effet des phrases heurtées, essoufflées, de Louise Desbrusses. L’argent, l’urgence (POL) ça fait comme un petit écho dont on n’est pas très fier. Non. Pas fier du tout. Mais tant de choses passent d’un clignement d’œil n’était-ce ce drôle de ronronnement sourd, intérieur, agaçant comme un moteur de vieux frigo… On a choisi des masques, on a choisi des vies, des prisons, des responsabilités, des excuses-pour-ne-pas. Répétition, divertissement, abrutissement, anesthésie. Parfois on se pleure victime – d’une histoire (la nôtre, avec conducteur aveugle). D’autres fois on se monte (le « je » ascendant, arboricole de l’échelle sociale) aux nues d’un bonheur vert amex. Toujours on se ment avec variantes. Car le vert porte malheur. On se lève le matin, on s’habille, on sourit. Le temps que le temps passe.
Reste le prix de tout ça – la note arrivera bien un jour.
En attendant, on peut. Toujours. Histoire d’amputer la douloureuse…

dimanche, mars 12, 2006

Cru & pileux



Ce qu’il y a de génial avec un outil statistique, c’est qu’on apprend que si on cherche dans un moteur de recherche quelconque : « couper sa longue natte », « odeur de culotte », « Elvis Presley est vivant le 10 mars 2006», « docile pour maîtresse », « on se calme et on boit frais », « périphrase du mot photographie », « trouver la bonne coupe de cheveux » (récurrent avec variantes), « Vénus à la fourrure photo », « Codoliprane », « blog fétichisme du pied et de la botte », « vécu quand le silence tue », « soumis c’était écrit », « oh lord won't you buy me », « personnage historique barbu + images », « Gigaro », « motarde en cuir », « Elvis et Laura », « notion transgenre queer », « pour qu'une oeuvre d'art soie vendue », « image de rose rouge sanglantes », « Chronos dévorant ses enfants de Goya », « agite boots », « pollen en pelotes », « traduire fétichisme pied », « romantisme femme rouge »… on tombe*, de près ou de loin, sur rougelarsenrose


{*d’après le résultat de deux jours d’observation}

Page 48

Page 48, un blog de Pierre Ménard qui donne envie de passer des heures à éplucher les pages 48 de sa bibliothèque... Et d'ailleurs :

« pas pratique lui reprocha-t-elle : d’accord !; en tout cas nos voix sautillaient joyeusement devant nous./“ Qu’est-ce que tu fais à l’usine ?” : “ Ben – ” elle dodelina songeuse “ Je rédige les offres ; que j’envoie avec des coupons.” À Osnabrück donc, y avait aussi fait ses études. “ Qu’aimes-tu lire ?”. Elle me regarda avec méfiance, cherchant visiblement ce qui serait le plus important ; hésita – – : “ Gustav Freytag, Le Manuscrit perdu.” Hm. Pas mal. Mais elle voulut à tout prix donner plus de poids à sa déclaration : “ Chez nous, il y en a un qui lit toujours Kant !” rapporta-t-elle avec dévotion : “ Il faut qu’il soit fou !” tranchai-je : “ Tu ne crois pas ?! : écoute bien :…” (et je fis aussitôt le vieux test : lequel de ces passages se trouve dans Kant, et qu’est-ce qui est de la foutaise ? : a.) “ Une unité de l’Idée doit même servir en tant que motif déterminant a priori d’une loi naturelle de la causalité à une (certaine) forme de la complexité” ; ou b.) “ La causalité d’une (certaine) forme de la complexité doit servir à une unité de l’Idée même en tant que motif déterminant a priori d’une loi naturelle ” ? Elle baissa le front et ne répondit plus). / Petits rires nerveux de 2 mandolines sur la terrasse. Le cornet à glace multicolore fut servi avec un nord-est frisquet, et la robe se mit aussitôt à la tirer vers moi avec fougue, très bien la robe ; mais la pâte à gaufre quadrillée crevait justement sous ses grandes dents, tandis qu’elle m’enlaçait des yeux, coite, la bouche pleine de friandises glacées. / Montée à cru sur la proue : Pocahontas aux fins cheveux collants, avec la fente bleue de ses lèvres. Lui donna une tape des 2 mains, s’arc-bouta, et me sourit encore une fois dans l’eau. Nuée madréporique »

Arno Schmidt, Roses & Poireau, Éditions Maurice Nadeau, 1994, traduction Claude Riehl = Rosen & Porree, Stahlberg Verlag, 1959.

vendredi, mars 10, 2006

Nine


« … Elle regrette de n'avoir jamais rencontré Elvis Presley, son idole et le producteur de la seule musique qu'elle supporte. Coquetterie de duchesse excentrique ? Debo a tout de même fait deux fois le pèlerinage à Graceland… »

{Deborah Devonshire}

mercredi, mars 08, 2006

« Elle ignorait qu’elle ne connaîtrait plus jamais cela. »

« … la loi est imparfaite de par l’œil. la loi(e) est avec paupières où elle accuse une impossibilité d’engendrement de l’un qui “regarde” au lieu “regardé” – non vu, le e est sa paupière et ainsi serait-elle applicable. dans la mémoire elle perd sa lumière ou sa précision, de même perd-elle peut-être certaines des applications de sa logique – disons “l’absence de l’absence” – qui manifeste, comme le cube aspire la sphère, l’incompatibilité de l’étranger avec la terre ou le lieu qui le désigne – mais que lui ne désigne pas. le lieu est assigné dans le livre et le livre assigne la fiction –
un mouvement permanent et de vitesse variable anime – à la fois extérieur et immédiat – dans un sens insécant – s’interfère le blanc, celui de la respiration, blanc en tant que métaphore, – blanc de la marge ou du souffle, en tant que discours
ainsi les positions du corps se réfèrent au nombre d’une mémoire dont le sang simplifie le symbole et l’œil la générescence. renvoyant la vision à la procréation – et tout objet à l’objet antérieur – et tout “autre” perçu au précédent qui a ainsi pu constater intimement l’absence : métaphore d’absence puisque déjà aliénée à sa propre forme, séparée d’une majuscule de l’identique, sacrifice apparent à l’apparent continuité du respect fictif de la loie. la majuscule s’absout, la métaphore se dénude et le nom s’absente, la fiction ne coïncide plus à la loi qui la désintègre en la semblant élaborer dans sa “déchirure” nécessaire… autant que nécessité il y ait si en terme de dynamique / respiration on veut simuler aborder l’œuvre d’alentour de périphérique mémoire, c’est-à-dire l’œuvre de la loie et celle de la loi, l’une, la seconde, ne s’élaborant dans son impossible préconisation que par la momentanée aliénation de la paupière qui nous a faits étrangers en constitution et astreints à l’amputation pour parvenir à la loi – aliénation sans point de relation, si insécable : tel “il” serait insécable en ses trois genres, s’il était conçu dans les termes d’une absence relationnelle et non propre, scandale de rejet – répétitif, et équation de toutes relations innommables ou imprononçables… d’où cette intimité de principe entre l’un et nous qui renouvelons les six termes d’un temps passé présent futur (d’une loi) doublés… d’où loie – au carré et au carré loi. carré faisant que la parole peut-être n’est pas prononçable. l’absence ne pourrait se concrétiser dans un volume d’une présence implicitement antérieure que relativement à une présence “déjà” – mais de par la loi du pronom “elle” dont le e propose l’aléatoire abstraction, la division en quatre (lettres) de son volume, l’absence abolit la première loi(e) connue et devient dans sa réitération plausible d’une possibilité de l’“écart” de la “mort” dans le présent, de même sa survie, entre deux termes identiques et immobiles car la fixité de l’absence présupposée fait d’elle (en tant que géométrie ou figure de style) l’absence d’un pronom, absence au langage.
ainsi le vocable, s’il prend corps, s’instaure dans un lieu, un temps – s’y efface – respire sans doute – devient sphère dans le cube pour une apparition : seul lieu où il se peut coïncider.
le paraître, la surface, s’offre stérile au regard et proclamant la composition du volume trois, l’apparition de l’apparition carré virtuel (soumis à une perpétuelle entropie) ne survient que dans le mouvement, lui-même sans doute reflet et permanente exigence ou substitut d’une “preuve” irréfutable, donc linéarité de l’absence. disparition, disparité de ce qui demeure une inconséquence apparemment linéaire avec une apparente articulation où la logique paraît savoir s’instaurer : en fait une absence qui nous mène à l’absence. »

Anawratha de Anne-Marie Albiach, Éditions Spectres Familiers 1984 > Éditions Al Dante 2006.

lundi, mars 06, 2006

L'horizon


— la bonne nouvelle du jour, c'est la sortie du dernier album de Dominique A —

dimanche, mars 05, 2006

Voici venu le temps d'Hélène Bessette

« …
Elle, Gertrude, aux deux visages.
Le visage consterné. “Vous vous souvenez.”
“Ida… Ida… vos pieds, ne les regardez pas.”
Ils riaient, les autres, de la vois consternée. Gertrude.
À l’approche du malheur. Ceux qui sentent le vent.
Flairent les parfums. Hument l’air éparpillé dans les branchages. À l’écoute.
Du Futur (ou de la Réalité).
Gertrude. Triste et Consternée. Avant les autres. Dix ans d’avance.
Et ? Pourquoi ?
Tandis qu’eux…(Que faisaient-ils que disaient-ils que pensaient-ils ?)
Le témoin sensible. Le témoin authentique. Triste (il est triste par définition). Exactement : cons-ter-né. Celui qui voit et comprend. Perdu dans la foule de ceux qui ne voient ni ne comprennent.

Après la mort. L’autre visage. Le deuxième visage.
Gertrude offensée.
Double visage de la même anxiété.
Offensée parce qu’elle avait compris, ne s’était pas trompée, elle avait raison.
Et personne ne l’a crue quand il fallait croire.
Offensée qu’on ne l’ait crue ni comprise. Offensée par elle-même. D’être la seule dans cette foule anonyme et bornée qui avait bien compris, et bien parlé (dit le mot juste : “attention”).
Je lui disais toujours :
“Ida, vos pieds peuvent se conduire eux-mêmes.”

La Mort.

Rapide. Avec la vitesse de la foudre traversant une pièce.
Avant. Après.
La mort de Ida.
Ce n’est pas n’importe quelle mort.
Parce qu’elle regardait ses pieds ?
Allons donc.
C’est absurde.
À nous de rire.
Ceux qui n’ont pas ri tout à l’heure.
Vont bien rire.
Le Guignol ?
c’est les autres
(n’est-ce pas ?)

Après comme avant les autres se tordront de rire.
Ses pieds
Allons donc
De quoi s’agit-il ?
De la mort de Ida.
Un cas.
Le cas Ida. Quelqu’un. Qui avait un nom. Ida. Née. Vécu. Morte. Le dernier mot seul retient l’intérêt.
Pourquoi quand comment Ida est morte ?
Pas de fleurs. Pas de larmes.
Réfléchir en place de pleurer.
Changement de thème.
Eux riaient au lieu de pleurer. Avant. Avant l’acte percutant.
Le seul acte valable. Le seul qui de l’homme faible fait un homme fort.
L’acte de mourir.
Le moribond le mourant. Est le personnage principal. Central. En fait le seul qui soit essentiellement vivant. Maintenant, donc, on glisse de “rire” à « réfléchir”. (Sans jamais pleurer, – l’état émotif n’entre pas dans ces considérations.)
Trêve de larmes et de lamentations.
Et
réflexion faite (ou sept ans de réflexion)
Ida cette personne neutre pâle brumeuse à peine dessinée dans la foule, fendant la foule sans rien voir, alors que la foule la voyait (ne serait-ce que pour l’éviter)
cet automate inquiétant
ce bolide dangereux
ce météore en déplacement
Ida, cette personne qu’il faut – à tout prix – éviter.
Cette inertie déclenchée obnubilée par ses pieds – ses souliers – la pointe de ses chaussures.

ATTENTION

Ida passe.
Elle passe sur trois cent pages.
… »

Hélène Bessette, Ida ou le délire

jeudi, mars 02, 2006

La peur



... à travers la pose...