dimanche, septembre 07, 2008

Conte de F

{... J'avais commencé à évoquer Conte de F—— de Thomas Braichet il y a quelques mois, voici un texte un peu plus complet à lire dans le prochain CCP qui devrait vraisemblablement paraître aux alentours du Salon des Revues, en octobre.}

Conte de F——
, à mi-chemin entre le bleu du ciel et le cri des rats dans un mur creux, invente une forme à la fois expérimentale et sensible. Une forme hybride, livreaudio ou audiolivre1 . Une poésie terriblement ancrée dans le réel et assumant l’émotion, réinvestissant l’héritage formel des avant-gardes, le détournant, le virussant et l’incarnant, « saturant les possibilités ». Un style jouant de tous les supports, avec agilité, humour cruel. Le conte en est bien un, tiraillé de la terre aux étoiles, de la barre de céréales à la contemplation, un pli dans l’espace-temps, arrêt sur image, note tenue. Des instantanés de la vie de Phil – celui dont le nom glisse sur le fil du récit et sur la grille d’accord, un peu Fogg aussi, tournant dans la cage de sa « mer-de-monde » – au quotidien gluant, résolument azur, aqueux, souvent noir « de monde et d’objets du monde (…) d’une harmonie surhumaine ». Les jours s’égrènent et tout finit en chanson, sur un happy end en forme de mire. « Il vécut longtemps et. »
Le disque ? Une piste par fragment. Musique, lecture, texture sonore. Le montage opère une nouvelle grammaire du récit, un autre rythme se superposant à l’écrit. Cela ne coïncide pas vraiment et, par conséquent, cela échappe, polysémise, glisse aux frontières se foutant bien de leur gueule et de celle des genres. C’est bien fait puisque cela créée un « bâtard »2 « verbi-voco-visuel » inédit. Une œuvre dont Thomas Braichet est l’ouvrier autant que le créateur, se coltinant le faire et les outils, manifestant une conscience suraiguë de la forme. Dans un livreaudio ou un audiolivre de Thomas Braichet, tout est pensé : la typographie est créée pour l’occasion, la mise en page recherchée et signifiante, le montage son/texte calculé au millième de centimètre et de seconde, la syntaxe modulée pour en révéler les nuances musicales piannissimo, piano, mezzo forte, forte, jusqu’au grammage du papier et sa main, j’en suis sûre, et les petits oiseaux en « V » du quatrième de couverture qui annoncent d’autres cieux de printemps éternel.

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1. Tout comme son premier opus, On va pas sortir comme ça, on va pas rentrer, POL, 2004.
2. « N’étant pas de race pure », dit Robert, citant aussi l’écriture « bâtarde » intermédiaire entre la ronde et l'anglaise. « Bat’art » est le pseudonyme de Thomas Braichet sur Myspace.


Conte de F—— de Thomas Braichet, POL, octobre 2007, livre 80 pages + disque 26 pistes.

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