La bonne étoile
On se prépare déjà à grommeler en longeant les vitrines de nos librairies préférées de fin août à Noël (ou presque) ? Jaquettes de merde à la pelle (le contenant ne valant souvent guère mieux), petits scandales poussifs et autres premiers romans roulés sous les aisselles ?
Eh bien non, enfin, pas seulement...
Avant d’aller rendre hommage à mes gênes méditerranéens, voici quelques lignes censées vous faire piétiner d’impatience en attendant la rentrée… Vo lume de Orion Scohy, chez P.O.L.
& j’en ai déniché quelques autres comme ça ! si, si… (à lire prochainement, vraisemblablement en reprint)
Alors… en fait, c’est dans la veine « roman total » (cf. « musique totale », « poésie totale », « pentothal », euh non...), à la fois architectural, totalisant, hommages et clins d’œil (parfois coups de coudes) aux écrivains inspirateurs/prescripteurs, intertexte et interlope (sans intervilles), Pastiche & Tequila, autobiographie à qui on la fait pas, autodérision, auto-généalogie, réflexes du roman-noir avec super-héroïte ¡Ay Caramba ! un peu rassie, mythologie miteuse et dépravée, la Fabrique du Pré (la Fantaisie du Pet, la Foutaise du Pavé...), roman dans le roman, opéra et séance porno avec le même ticket, déconstruction du roman dans le roman, copieuse démolition du roman dans le roman, foutage de gueule de la déconstruction du roman dans le roman et de l’instance (des) narratrice...
— Oui mais ça marche Bobby, ça marche, reprend un verre...
Je m’attendais à débuter par un « Hé, Orion Scohy, arrête ton char ! c’est quoi ce pseudo transparent genre écho ! Les relents mytho et les faux airs d’anagrammes avec un petit soupçon de déhanché presque exotique et la myriade sexy...Tu veux nous la jouer classouille ?! » mais il paraît que c’est son vrai nom, oups... ou bien alors il mystifie très très bien et alors là, chapeau.
Bref, avec un tel coup de trompette initial, le garçon avait tout pour finir en demi-dieu littéraire, les pieds dans la pisse (pas de panique ! c’est juste l’étymologie probable d’Urion), la tête dans les étoiles... mais tout est relaté dans le livre – Vo lume (avec un « o » comme Orion, d’une autre police, plus maigre) dont la matérialité du titre nous fait d’emblée entrer dans un pavé foisonnant de faux-semblants et de chausse-trappes diverses : « Où l’on trouvera notamment un détective (in)variable, une secrétaire mal dans sa basket, un opéra surprise, un miroir suicidaire, des poèmes authentiques, un pigeon malfaisant, un canari furtif, un super-héros hypercollant, des chansons inouïes, un narrateur suspect, un scénario catastrophique, des digressions sur le nom de l’auteur mais aussi toute une théorie de véritables écrivains, pas mal de papier, trop d’encre, des ruines, des riens, une vie. »
Ce catalogue haletant, cité en quatrième de couverture, est bien développé – ou plutôt démantibulé – dans le roman (« disons du roman » précise le quatrième de couverture « de la matière à fiction polymorphe, pervertie avec les moyens du bord ») qui se la joue un peu boule à facettes, n’hésitant pas à changer de couleur de page en page et à miroiter comme un stroboscope hystérique.
Pour faire plaisir aux profs (en plus on doit en avoir quelques uns en commun avec Orion), on évoquera le terme de roman spéculaire.
Pour attirer les djeunes, on dira qu’il y a du sexe, des drogues et de la thune.
Pour captiver les aspirants écrivains on leur fera croire qu’ils peuvent le faire en mieux (c’est pas vrai mais c’est pas grave).
Pour émoustiller les vieux on leur cachera que c’est imprimé en corps 11 et parfois même en beaucoup plus petit.
Pour épargner les amis des animaux, on passera sous silence les méfaits du pigeon malfaisant (ainsi que ses troubles intestinaux), tout comme la horde de canards massacrés pour leurs confits.
Enfin, pour ne pas heurter les représentants des diverses minorités et particulièrement les associations de handicapés, on sera discret concernant la secrétaire unijambiste.
Que suggérer de plus ?
Sous le haut patronage de Tristram Shandy, Georges Perec, Francis Ponge ou encore Cervantès, Orion Scohy invente un roman noir spéculaire, contenant l’intrigue et tous se rouages, bien étalés sur la table aux yeux du lecteur... Le roman (« du », pardon) est aussi celui de l’écrivain l’écrivant... dans le (/du) roman... puis de l’écrivain écrivant sur l’écrivain du (chouette, là ça colle) roman... Avec toutes les intrusions diverses imaginables, les réécritures, les faux départs, les brouillons, les dessins, les calligrammes...
L’intrusion perpétuelle du narrateur et la facture « frankeinstein » de l’ensemble parviennent à créer un univers inédit, un monde sans queue ni tête mais avec beaucoup de chairs palpées, de neurones agacés et de nombrils triturés en ses reliefs, sachant éviter les écueils et les lourdeurs, comme un funambule fraîchement sorti des A.A*…
* Alcooliques Anonymes
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