dimanche, mars 25, 2007

Écrivains, boostez vos ventes d'un coup de fil

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Blague à part, n'hésitez pas à vous balader en litote...

jeudi, mars 22, 2007

Cargo & culte



On l'a déjà évoqué ici : la publication de Tryphon Tournesol & Isidore Isou permet au plus grand nombre de découvrir aujourd’hui le travail d’un activiste forcené de la scène poétique – dans le sens post-poétique – contemporaine que les amoureux de fanzines ou de concerts-performances ont peut-être déjà lu et entendu.
Né en 1971 à Nantes, Emmanuel Rabu n’a eu de cesse depuis sa découverte juvénile d’Artaud d’interroger le son et le mot, dans une recherche minimale, concentrée sur la matière du son et la répétition des structures.
En 1993, il donne ses premiers concerts de rock – à la voix et à la perceuse dans le groupe La disjonction de Freddy – en 1994, il crée sa première revue. Dès 1998, il est l’un des premiers de la génération de poésie sonore contemporaine (voire le !) à se situer à la jonction – ne hiérarchisant ni l’un ni l’autre – de la musique (expérimentale, improvisée, électronique) et de la poésie. Il travaille en collaboration avec des musiciens et organise des rencontres entre ces deux mondes, musique et poésie, initiant ainsi une évolution formelle majeure. Non plus « faire sortir le poème de la page » ou conférer un supplément poétique à la musique, mais bien, tenter de créer un espace à l’arête de ces deux univers. La revue (papier + CD) et les actions Plastiq, qu’il crée en 1999 aux éditions Mémo exposent et fédèrent ce mouvement naissant. Emmanuel Rabu publie ensuite dans de nombreuses revues et collectifs, sur cassettes, disques, mais aussi des plaquettes : moderne faculté des Maîtres chez Poésie Express en 2000, ou ev-zone chez Derrière la salle de bain, en 2002.

Tryphon Tournesol & Isidore Isou
est également un objet de frontières, agénérique ou plutôt foisonnant de définitions possibles. Emmanuel Rabu y fait se rencontrer, de façon tout à fait inattendue au premier abord, deux figures. Celle de l’inventeur un peu loufoque créé par Hergé, moteur efficace des Aventures de Tintin (dans le sens où ses inventions y jouent souvent un rôle narratif fondamental) et celle du créateur du Lettrisme, véritable initiateur d’un véritable mouvement. Voici un personnage de fiction, issu d’une œuvre de culture populaire et un personnage bien réel, connu d’une catégorie de la population s’intéressant à l’histoire (puisqu’il s’agit d’une histoire, à présent) des avant-gardes et à celle des –ismes.
L’une des forces du livre est de rendre immédiatement présente et crédible cette comparaison, dans le cadre de l’univers créé par l’auteur, d’une érudition ludique. On comprend qu’il écrit de la génération d’après les « métaphores martiales ». Celle qui ne proclame pas, n’exclue aucun membre d’aucun parti mais, au contraire, met les systèmes et les sphères en relation, agit dans une circulation des genres et des supports.
Emmanuel Rabu opère ainsi une typologie des surfaces sur lesquelles Tryphon Tournesol et Isidore Isou pourraient agir, en même temps : l’apparition des personnages en 1943, leurs visées totalisantes mutuelles (« Tournesol est un vidéaste expérimental, un astrophysicien, un cosmonaute, un spécialiste de ultra-sons, un pharmacologue, un inventeur, un botaniste… » (p. 29) quant au Lettrisme il propose une refondation intégrale du savoir), le « Supercolor Tryphonar » (la machine infernale des Bijoux de la Castafiore) dépassant la radicalisation opérée dans Le Traité de bave et d’éternité d’Isidore Isou (les photogrammes y étant ciselés tandis que la bande-son est constituée d’un chœur lettriste), etc. Dans cette intrication entre fiction et réalité à la fois touchante – le battement oscillant du sublime au ridicule de la figure de l’inventeur – et irrésistible, on en vient à se laisser fasciner par les interactions, les hasards, les jeux de miroirs, comme par une musique savante qui ne s’interdirait pas les refrains. Ainsi cette citation étrange de l’Internationale situationniste : « NOUS NOUS ENNUYONS dans la ville, il n’y a plus de temple du soleil. » (1958).
Mais surtout, à travers ce grand écart soigneusement tissé, diffracté, Emmanuel Rabu invente une écriture à mi-chemin entre analyse, bruissement de la narration et énoncé poétique : un objet hybride à la fois conscient de sa place d’énonciation dans l’histoire et terriblement libre, de la liberté du live, de la chute (le rebut utilisé comme matériau principal, en inversion des rôles), de l’absence de virtuosité. La liberté d’une forme en train de se créer, sous vos yeux.
À travers analyses, références, schémas, cases citées, cartes, l’auteur crée une écriture atteignant une grâce, la grâce de la beauté et de la suspension esthétique, à travers le machinique. Le paradoxe de l’émotion émergeant à travers le rigueur de circuits soigneusement reliés. Une logique post-humaine qui est son art poétique.

Emmanuel Rabu publie également un petit livre de 32 pages, presque un 45 tours : Cargo culte, reprenant le titre de l’un des morceaux composant l’album de Serge Gainsbourg, Melody Nelson (1971). Cargo culte, jouant également de l’interaction (fortuite ?) des destins, propose une explicitation de l’histoire racontée par Serge Gainsbourg dans Melody Nelson : un homme, au volant de sa rolls, renverse en Angleterre, une jeune fille dont il s’éprend – leur amour, étant, donc illicite. La jeune fille meurt dans le crash d’un cargo de nuit qui la ramène chez elle. Et l’album, en dernière piste, de revenir à l’instant, cristallisé, de la rencontre : l’instant de la nomination et de l’amour. Emmanuel Rabu se penche sur la genèse de la figurine chromée qui a renversé la jeune fille à cet instant précis : Spirit of Ectasy, la sculpture qui orne le capot des rolls, un doigt sur les lèvres, comme pour conserver le secret de son histoire. Or, justement, elle offre des échos troublant avec celle de Melody… D’autres éléments de coïncidence viennent étayer le rapprochement des deux figures, avec la même acuité et la même grâce que celles que l’on a décrit dans Tryphon Tournesol & Isidore Isou.
Mais dévoiler cette structure, cette quête, ce n’est rien dire, encore. Tout l’intérêt du livre tient dans le déploiement ténu et subtile de ces interactions. C’est ce mouvement qui fait art et poésie. Ainsi que les motifs : « Dans La Vénus au miroir, le peintre ne voit le visage du modèle que dans le reflet d’un miroir. Ce qu’il voit directement, c’est son cul. » (p. 9) « Le scénar de Melody Nelson ? Je pourrais dire que c’est La Vénus au miroir. (…) On lui voit son cul mais on ne voit pas sa gueule. Et on lui voit sa gueule parce qu’elle tient un miroir. C’est un grand chef opérateur et un grand metteur en scène qui a fait cela. » (interview de Serge Gainsbourg à la radio, cité p. 23). Cargo culte est un livre de fascination, celle de la musique, celle de l’amour, celle du drame. Avec l’horizon de la mort, en basse continue. (Oui, l’amour est tragique.) C’est un livre d’amour fou. Et c’est un livre dont le centre poétique est un cul.

Tryphon Tournesol & Isidore Isou, Le Seuil, Fiction & Cie, mars 2007, 15 euros.
Cargo Culte, Dernier Télégramme, à paraître en avril 2007, 9 euros.
Musique et concerts d’Emmanuel Rabu ici.

Image : image de couverture de Cargo Culte, © Jean-Jacques Rabu.

mardi, mars 20, 2007

L’oméga d’obladi accolé à l’alpha d’oblada... avant la guerre



En lisant le somptueux – crazy, psyché-anticipé, ultra jubilatoire – Black Box Beatles de Claro, ma mémoire vive regrette amèrement, avec un arrière-goût de circuit grillé, de n’avoir suffisamment de laps libre (c’est la faute à maternA et à mes œuvres complètes) pour pouvoir en parler ici, immédiatement, comme on le devrait.

De la tarte à la crème beattles, Claro crée une fiction ultrabright, imaginant la rencontre entre une intelligence artificielle futuriste rencontrant et scannant l’opus des Beattles, virussant peu à peu sa logique et infestant ses références. Dans une écriture menée sur un tempo vif, on lit à la fois une traversée très documentée et précise de l’aventure beattles et un roman SF déjanté, poussant loin les contours du genre. Traquez les hidden tracks !

« Rappel : il n’est pas de mon ressort de sonder les entrailles farceuses des mythes ni d’éplucher l’oignon du verre coloré. Je suis là pour décrypter, trier, archiver, non pour interpréter et divaguer. On attend de moi un peu de sérieux, mais quand veux t’embrasser tout ce que j’ai à faire c’est murmurer à ton oreille les mots que tu veux entendre.
J’ai, apparemment, encore besoin de moi. »

Claro, Black Box Beatles, naïve session, mars 2007, p. 24-25.

Dans la constellation des « sessions » naïve, voici un hit, ladies & gentlemen, so let’s read !

... & un deuxième, aussi, tout juste reçu : La dernière fille avant la guerre de Chloé Delaume, toujours dans les « sessions » naïve, sur Indochine - non, je ne mettrais pas d'illustration d'Indochine même si je trouve que le texte est du grand Delaume, confrontant Anne, le corps fan, vivant son addiction et sa Sirkis mania, au personnage de fiction Chloé... encore un bras de fer autofictionnel à lire, même si vous préfériez Téléphone...

dimanche, mars 18, 2007

ta princesse au petit pois, un 18

Il fallait une princesse, vois-tu, une vraie princesse. Pas un ersatz, un canadadry de princesse. Non, une princesse vraie de vraie, fille de roi. Car le garçon était prince et qu’il voulait épouser. Et comme il était prince, il pouvait se permettre de faire le tour de la terre pendant que les laboureur labouraient, les charcutiers charcutaient et les moutons paissaient, pour trouver sa princesse. Mais il était prince et difficile. Soit le nez était trop grand, soit les lèvres trop minces, soit le caractère difficile, soit le cheveu terne, soit. Il en vint à douter de son orientation sexuelle – mais ça le conte ne le raconte pas, tu penses. Il rentra donc chez lui désespéré, prêt à tenter les back rooms déguisés en manant, pour voir. Avant d’en arriver à cette extrémité, il partit d’un air las, avec un petit soupir en haute-contre, se reposer dans sa chambre. Un terrible orage éclata. Funeste présage, se dit-il et il rêva confusément de cuir, de stroboscopes, de moustaches dans son petit pyjama de soie fleuri, repassé par son ancienne nounou.

Pendant ce temps, son vieux père entendit frapper des coups terribles à la porte du château. Tous les serviteurs étant encore plus sourds que lui, sa femme ayant de l’arthrose et la soubrette qu’il avait engrossée en étant à son huitième mois, il alla ouvrir la porte en bougonnant. Une jeune femme trempée comme une soupe se présenta, les cheveux dégoulinant, la robe gorgée d’eau, le rimmel coulé, bref, pas belle à voir. Elle se prétendit princesse. Ouais ouais, se dit-il et il appela sa femme. Une princesse ne porterait pas des Michel Perry en daim par temps d’orage, se dit-elle, c’est complètement crétin et elle décida de tester la soi-disant princesse qui sentait un peu le chien mouillé, en séchant.

La vieille alla traîner ses articulations sonores dans la chambre à coucher qu’on prêterait à l’invitée ce soir là, retira la literie en râlant contre sa sciatique et mit un petit pois sur le sommier. Elle prit ensuite vingt matelas qu'elle empila sur le petit pois et, par-dessus, elle mit encore vingt édredons en plumes d'eider. D’un air fier, elle présenta la couche à la jeune femme dont les cheveux frisottaient bizarrement à présent. Celle-ci sourit d’un air gêné en se demandant chez quelle bande de malades elle avait bien pu tomber mais comme elle aurait tout donné pour retirer ses vêtements mouillés (tu sais qu’il n’y a pas pire qu’une culotte trempée par l’orage ?), elle les remercia et se coucha. Après avoir bien vérifié la serrure quand même – le vieux avait l’air salace.

Au matin d’une terrible nuit, elle retrouva ses hôtes qui la mataient d’un air torve. Alors, zavez dormi comment, la princesse ? Affreusement mal, répondit-elle. Je n'ai presque pas fermé l'œil de la nuit. Dieu sait ce qu'il y avait dans ce lit. J'étais couchée sur quelque chose de si dur que j'en ai des bleus et des noirs sur tout le corps ! C'est terrible !

Alors, ils reconnurent que c'était une vraie princesse puisqu’à travers les vingt matelas et les vingt édredons en plume d'eider, elle avait senti le petit pois. Poor dear. Une peau aussi sensible ne pouvait être que celle d'une authentique princesse. Pas de la contrefaçon et encore moins un trav.

Le prince la prit donc pour femme, la preuve était tangible et ça l’excitait à mort de coucher avec une fille à qui un petit pois pouvait coller des bleus. Le petit pois fut exposé dans le cabinet des trésors d'art, à côté du bonnet du commandant Cousteau et du porte-cigarette de Sollers, où on peut encore les voir si personne ne les a emportés.

Et ceci est (presque) la vraie histoire.


Signé, ta princesse aux petits poids (l'autre).

vendredi, mars 16, 2007

mardi, mars 13, 2007

maternA

«… À ce moment même M. PierA paraît et se hasarde dans la cour aux mille obstacles.
De loin il fait un signe amical à Djem qui porte encore sa main devant la bouche.
Il vient chercher Mme PierA. Il a mis son chapeau claque (il a une situation).
M. PierA se met au volant de la Vedette.
Mme PierA qui porte son Blizzand et son chapeau assorti s’asseoit près de son mari.
Sur le siège arrière Mlle PierA coiffée queue de cheval et près de Mlle PierA, le danois avec son pedigree.

car

il y a quatre vitres à la vedette de M. PierA
Première vitre : chapeau claque
Deuxième vitre : mon Blizzand
Troisième vitre : queue de cheval
Quatrième vitre : chien de luxe
comme sur les réclames papier glacé des magazines select.
— Il y a une chose que vous ne savez pas mais que nous les PierA nous savons, crie Mme PierA passant la tête au-dessus de la vitre descendue :

AM + AR = B

L’amour AM nous l’avons : ils s’embrassent pratiquant ainsi ce qui s’appelle la conduite voluptueuse,
et l’argent, AR, nous faisons tout ce que nous pouvons pour l’obtenir.

AM + AR = B (Bonheur)

et nous avons raison. RAISON.
Là-dessus elle fait signe au revoir et M. PierA d’une pichenette remet en place son chapeau claque.
— Ce n’est pas un rêve, dit PierA, je rougis quand la haute silhouette de M. PierA me surprend et de ce pas je cours acheter un frigidaire que je désire tant (autant que je désire M. PierA).
et
je suis heureuse…»

Hélène Bessette

Première édition : Gallimard, 1954. À reparaître en mai 2007.

jeudi, mars 08, 2007

Mood

La vidéo de la chanson "garçon moderne" de Guillaume Fédou.