mercredi, avril 21, 2010

Rien n’aura eu lieu que le je

Le 12 mai, chez votre libraire adoré – embrassez-le de ma part – vous pourrez acquérir Je de Rémi Marie. Et vous avez une sacrée chance d’avoir la perspective de lire ce texte sublime, tout comme j’en ai une pas négligeable non plus de le publier, c’est-à-dire de l’avoir lu et relu, corrigé, composé et échangé moult emails avec son auteur. Tout cela, bien sûr, avec l’aide d’Aurélie Carpentier, toujours en stage chez nous.

J’avais lu des extraits de ce texte dans la revue Nioques. Je suis tombée sous le charme de cette écriture si simple, si dénudée et donc – et pas « pourtant » – si profonde, si juste.

Je pourrais vous en faire des périphrases… mais je préfère vous laisser faire l’expérience de sa lecture, ce livre étant, par définition, impossible à résumer. M’enfin, allez, un bout de la pré quatrième de couv : Lancé dans le monde, « Je » découvre, rencontre, respire, aime et c’est si facile, marche, lit, regarde, habite à Vienne, écrit, parle, pense, aime et c’est si difficile, vit en colocation, traduit, écoute de la musique, fait la cuisine, roule à vélo, prend le tram, aime.

Un récit où l’on découvre toute la simple complexité d’une subjectivité qui s’énonce comme en balade ou en dissection, allant toujours plus loin dans l’ego pour en annihiler l’insupportable emphase et dessiner le squelette fragile des affects, des désirs. Un moment d’émotion et de vérité porté par une langue rythmée, évidente.

L’image de couverture a été réalisée par l’auteur, qui œuvre aussi dans le monde de l’art contemporain. Elle est comme un cadre dans le cadre, décentré, déplacé – en réponse à ce « je » si central – et répète le choix habituel de la quatrième de couverture, dont le texte est toujours encadré par un filet coloré ou pas – cela dépend du choix de la couleur de titrage ou des teintes dominantes de l’image de première – en forme de « L ». Il y a des angles, des équilibres, et en même temps ça bouge, ça glisse un peu. ça suit la chute, si tranquille, figée dans son éternité, du personnage stylisé.

Pour l’intérieur, j’ai choisi la fonte Memento, qui me semble un bon compromis entre la linéale qu’avait utilisée l’auteur pour son manuscrit – mais dont les angles me semblaient trop coupants pour ce texte… – et les garaldes que j’emploie d’habitude. Autre originalité : le texte est ferré à gauche – pas justifié, quoi –, ce qui correspond bien à sa marche à la fois pensive et résolue. Du coup, eh bien les folios sont ferrés à gauche aussi et flottent différemment sur la page. Enfin, vous verrez ça.

mardi, avril 13, 2010

Fin de règne

Lors de mon séjour à Bastia, j’ai découvert – grâce à Mélissa Epaminondi – le cinéaste Gérard Guerrieri à travers son deuxième long métrage : Fin de règne, une coproduction Mare Nostrum, Atlan Films, La Cie des Taxis Brousse (avec la participation de France 3 Via Stella, si je ne m’abuse) sortie en décembre 2007. Passion immédiate pour son univers transformant la tragédie en farce, avec une ironie jamais cynique et qui parvient à filmer la Corse autrement que comme une carte postale intemporelle. Era tempu !

Fin de règne se situe dans un futur plus ou moins proche où la Corse serait devenue une république autonome et donc, sans doute plus que jamais, aux mains des politiciens, en l’occurrence de Brutus Strossi, lancé dans une élection présidentielle qu’il semble devoir gagner, fort du soutien de Marc-Anto, chef de la mafia locale. Les personnages – du politicard véreux au mafieux gominé en passant par sa pétasse de femme ou sa mère autoritaire – sont encore plus savoureux qu’on ne saurait les imaginer. Mais le scénario ne s’arrête pas à ce récit rondement mené, débutant par une scène au Moyen Âge, où l’on découvre les ancêtres des protagonistes… Robert Rodriguez à la mode corse, Gérard Guerrieri maîtrise parfaitement les codes du gore et de la série Z pour créer une fiction à la fois délirante et terriblement en prise avec la réalité. La critique est acerbe, l’humour blesse qui doit l’être, les dialogues sont autant de joyaux, sans évoquer quelques trouvailles formelles que je vous laisse découvrir ici.

Si vous n’êtes pas du genre à acheter un film sur Internet – et même si vous auriez franchement tort de vous en priver – vous pouvez toujours regarder ce court extrait :


Fin de règne (extrait)
envoyé par finderegne

Ou encore son prologue, assez Aguirre :



... en guettant le prochain Guerrieri.

{Photos ci-dessus : tirées du film Fin de règne. Cliquer sur les images pour les agrandir.}

dimanche, avril 04, 2010

De retour

sur l’île, avec le joyeux fardeau de mon projet – d’écriture – insulaire, donc, que je trimballe depuis au moins cinq ou six ans, je ne compte plus – il est en pause depuis quatre pour cause d’activités éditoriales, de textes en revues et autres commandes, et de procrastination avancée. Il m’effraie comme un monstre d’enfance, en toute logique, je devrais l’abandonner ; si j’avais un minimum de goût pour le confort et l’efficacité, je devrais choisir un « sujet » super extérieur, voire super tendance, et y aller ; c’est vrai, quoi, c’est trop lourd pour moi, distancier une telle proximité, disséquer le vif, écouter la langue et l’inventer, je n’ai pas les épaules pour ; mais je n’ai jamais eu les épaules pour rien, hein, je me les suis toujours inventées ; donc je vais m’y accrocher, bien entendu, en trombe. Je suis têtue, horriblement têtue. La musique est là, la matière aussi, reste à tirer le bon fil – l’essentiel, quoi.