jeudi, novembre 30, 2006

Spéculaire



First one, je suppose… – là où on ne l’attend pas… Ah ! Ah ! Ah !
car brève évocation de tout à l’heure – une fois n’est pas.

Remarque n°1 : faudrait vraiment que ces migraines se calment, ça devient lassant à la fin.
Remarque n°2 : c’est bien quand les gens invités (non bloggueurs, en l’occurrence) connaissent ce dont ils parlent… (antiphrase)
Remarque n°3 : c’est encore mieux de papoter avec les autres – ceux qui vivent, écrivent, photographie, blogguent, etc. ce dont ils parlent…

« la majuscule s’absout, la métaphore se dénude et le nom s’absente »


A.-M. A photo C.R.J.


« L’AMOUR SUPRÊME »

Anne-Marie Albiach
(à/pour/avec Danielle Collobert)


… nul ne peut posséder son réel idéal
sinon dans la lumière créatrice…

Villiers de l’Isle-Adam


je peux sans doute dire elle, dans l’instant ; elle vit elle attend elle ne fuit pas : ce qui l’entourait devenait, pour le témoin occulté du même genre, donnée de plus en plus mortifère et nocturne – Admettons que la loi aveuglante de l’inscription qu’elle désirait s’obscurcissait à chaque élaboration, de par un mécanisme absorbant de l’Autre qui lui renvoyait en miroir « Survie » ;

Dans la peur peut-être mêlée de Désir, elle s’appropriait cette image multiforme qui ne transparaissait pas sur son corps intact. Cependant les inscriptions réitérées d’une certaine recherche d’équation appropriée aux doubles pulsions imprégnaient en elle, malgré l’éclat de sa chevelure, le dessein sourd, devenu irréductible, d’une CHUTE

Eux savaient qu’on ne pouvait parvenir au UN d’une diction pleine, et cette évidence, comme de par l’alimentation d’un feu mourant, tendait vers l’irréversibilité de la trajectoire sans même considérer la négation qu’elle prit en plein recul, elle recherche simplement l’anonymat des lieux de passage : fuir ce désir de plus en plus urgent, ou la tentation de faire coïncider les extrêmes ;

Le hasard d’une disparition de ce qui constituait telle force corporelle ou scripturale s’élaborait, sous-tendu par les Voix d’un Chœur mémorielles ; ainsi peuvent-ils se mettre en demeure de franchir des limites factices – Quelle est maintenant la différence entre limites factices et limites tangibles ? Cela dépasse ce que l’on pourrait dire « plusieurs livres », cela tiendrait peut-être d’un conditionnement textuel/social – et ceci sans conclusion, car comment en entrevoir.


Extrait de Anawratha de Anne-Marie Albiach > Spectres Familiers 1984 / Al Dante 2006.

Rebond

... l'on commence déjà à parler du Dernier monde de Céline Minard (Denoël, janvier 2006)...

mercredi, novembre 29, 2006

Claude

(fonction petite annonce : Hello Kitty cherche maison...)



Ravissant chaton mâle boule de neige de moins de 2 mois cherche esclave(s) dévoué(s) – références exigées ! – pour l’accueillir après son sevrage, à Noël...
Sa mère est une ravissante tigrée très fine, bavarde et joueuse. Son père qu’il ne connaîtra jamais est un matou-marlou blanc selon toute vraisemblance, sévissant du côté des bords de mer bretons, de séduction estivale de minette en séduction estivale de minette – avec quelques vols dans les cuisines et meurtres d’oiseaux, on n’en doute pas.
Le petit Claude – tel est son nom provisoire… ou définitif… – est d’un caractère doux, câlin et posé. C’est avec prudence qu’il explore le monde et recherche la compagnie des humains, côté fauteuils, pulls, canapés, jeans, coussins pour travailler son ronron.



Si…, contacter : ouvivraclaude@gmail.com

mardi, novembre 28, 2006

Sans tain

Philippe De Jonckheere parlait aujourd’hui (de vive voix) d’une mise en scène de Mesguich, vue à Lille, qui dévoilait, le temps d’une scène, les artifices d’un théâtre se dénudant de ses décors, exposant ses cintres, ses machines, ses câbles, dévoilant ses strates, ses profondeurs jusqu’à une porte vitrée, tout au fond, donnant sur la rue et laissant voir les passants dans le flux inexorable d’un temps qui n’est pas celui de la fiction. La collision brutale, commotionnante de ces deux mondes, séparés par quelques grammes de silice modifiée – après la fusion, le choix de la transparence et du silence relatif de l’image – le silence de celui qui regarde.

Visages étonnés de la rencontre du spectateur et du passant – l’attention versus le trajet.
En frontière, les acteurs.

Dans deux jours on parlera blog et on montrera du doigt sur estrade comme dans une sorte de biopsie, de relevé médical. C’est paradoxal la prise de conscience de l’exposition d’un objet créé, par définition, pour être exposé… Étrange, la nonchalance quotidienne de cette exposition… La collision de ces deux mondes séparés par quelques millimètres d’écran.

lundi, novembre 27, 2006

Pourquoi tant de blogs ?



Pour ceux que ça intéresse, une journée d'étude jeudi 30 novembre à la BNF (entrée libre) avec :

9h30 : Comment l'intimité est venue au journal
Par Philippe Lejeune, co-fondateur de l'Association pour l'autobiographie

10h15 : Tenir un journal intime (1830-1980)
Par Françoise Simonet-Tenant, maître de conférences à l'Université Paris XIII

11h15 : Editer des écrivains morts

Par Claire Paulhan, éditrice spécialisée dans la littérature autobiographique et l'histoire littéraire du XXe siècle, IMEC (Institut Mémoires de l'édition contemporaine) et journaliste au Monde des Livres

11h45 : Diaristes russes francophones (XVIIIe - XIXe siècles)
Par Catherine Violet, chargée de recherche à l'Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS)

12h15 : L'injonction intimiste
Par Philippe Artière, chercheur en histoire, CNRS/IIAC (Institut interdisciplinaire d'anthropologie du contemporain) - EHESS

14h30 : L'explosion du phénomène des blogs « intimes »
Du cahier à l'autopublication en ligne : métamorphoses du journal personnel
Par Oriane Deseilligny, docteur en sciences de l'information et de la communication, pôle des Métiers du livre de Saint-Cloud, Université Paris X

Effets d'intime dans l'écriture réticulaire
Par Patrick Rebollar, maître de conférences, Université Nanzan (Nagoya, Japon)

15h30 : Du cahier à l'écran : qu'est-ce que ça change ?
Table ronde animée par Antoine Perraud, journaliste
Avec Philippe De Jonckheere, auteur du site désordre ;
Sylvie Gillet, éditrice, éditions Calmann-Lévy ;
Laure Limongi, écrivain, directrice de collection, auteur du blog rougelarsenrose ; Richard Figuier, éditeur en sciences humaines et sociales et Philippe Lejeune, Association pour l'autobiographie.

dimanche, novembre 26, 2006

Faces de crêpes



« Au tea-room je mets Porgy and Bess.
Je le mets deux fois de suite.
J’aime bien Porgy and Bess.
Je suis amoureuse de tous les grands artistes qui font des Porgy and Bess.
Pour un peu je m’y mettrais à l’anglais quand j’entends Porgy and Bess.
Et puis ça me bouleverse.
Je suis au bord des larmes. Encore une fois.
Je suis bien plus malheureuse avec Porgy and Bess
Que avec les Français.
Aussi je le mets deux fois.
Porgy and Bess.
Puis je craque une allumette.
Quel cinéma !
Un vrai film dans ma petite allumette rouge et jaune.
Je vais lui faire un procès à l’auteur.
Il a pris mon nom. Je me sens outragée.
Je ne suis pas une grande Noire.
Je suis une petite Blanche.
Je vais lui faire un procès.
Je le gagne.
Et je vis de mes rentes.
Je ne cherche plus du travail.
Je ne vais plus à la Police.
D’un geste désinvolte
J’envoie ma petite allumette par-dessus l’épaule.
Il y a un Smith qui la ramasse.
Poliment.
Les Smith sont comme moi. Ils vont au tea-room. Puis ils mettent Porgy and Bess.
Et le reste.
et
« Que sont devenues les fleurs ? »
Il y a un Smith qui n’arrête pas de mettre :
« Que sont devenues les fleurs ? »
Je suis obligée de supporter ça.
Pour enfin mettre
Porgy
and Bess
.
Je vais peut-être en faire un de Porgy and Bess.
Je veux dire un opéra.
J’essuie mon allumette et je continue de la fumer.
Je ferai ça avec Dothy.
Dothy c’est un chic type.
C’est un as.
Pour faire les opéras. Les films. Les concertos. Les symphonies.
Et tout.
Il est très intelligent.
J’aime bien être avec Dothy. Il voit les choses comme moi.
Par exemple Porgy and Bess. Il le met trois fois de suite.
Je lui dis
— C’est trop.
Il soutient que non.
Puis il dit qu’il va en faire un. Un. De Porgy and Bess.
Avec moi.
— À percussions. Dit-il.
Alors là.
C’est à crever.
Quand Dothy est parti sur la percussion. Il faut patienter.
Mon allumette une fois encore écrit au bleu de sa fumée. Que le rêve. Le rêve opéra est terminé.
La réalité éclaire les Smith en grappe. Sirotant des litres entiers de lait. Avec une paille.
Paraît qu’ils sont très dangereux les Smith.
Inquiétants.
Il paraîtrait que le collège aurait été supprimé d’une réunion pour indécence.
On a murmuré ce triste mot après moi.
C’est triste.
Je suis triste en regardant les Smith.
Voisinage périlleux pour « Chants d’Oiseaux ».
Vers 10 heures du matin le travail m’appelle.
Je lui réponds.
Je longe en flânant cette jolie promenade fleurie.
Le long du lac bleu.
Je contemple les voiliers pliés bien rangés. Se balancent. Tanguent. Dans un bruit de chaînes. De grincements. Avec le vent qui se lève. Tempête sur morceau d’Océan. Soudain bien démonté. Mâts et voiles à l’aventure. Vieille image inattendue.
J’achète un magazine. Au bord de l’eau solitaire. Je dénombre les images de la réalité.
Puis je me lève. Pour aller travailler.
Inopinément j’entre dans la salle à manger des Professeurs. (Des professeurs.) Je suis seule.
Madame R. F. buste penché sur son ardent passé entre à son tour.
— Bonjour. Je dis.
Elle m’ignore.
Puis toutes les Dames sont là.
Vite elles se mettent à parler. De leurs châteaux.
Du moins du château qu’elles ont eu. Ou du château de leur sœur.
Ou du château qu’elles ont mais qu’elles n’habitent pas. Elles parlent de leurs serviteurs. Du moins des serviteurs qu’elles ont eus. Ou des serviteurs qu’elles ont connus. Il paraît que ces Dames avaient des cuisiniers, des chauffeurs jadis (et toute la suite). Maintenant elles vivent en communauté. À 500 francs par mois. Ou 600. Tout retranché reste 430. Mais l’auréole du passé fait le reste.
Vient s’ajouter l’éternel décor du dehors. Là où s’ouvrent les hautes fenêtres de cette belle pièce. Sur les terrasses les pelouses les balcons les arbres d’ornement les allées bordées ombragées les parterres fleuris.
Aussi la superbe des Dames est-elle sans égale.
Je me demande si je dois parler des oliviers de ma sœur.
Ils ont gelé en 56.
Ça fait déjà moins bien des oliviers gelés.
Enfin je le dis.
Je parle des oliviers de ma sœur.
Ça ne va pas très bien.
On n’a pas l’air de me croire.
Surtout quand j’affirme qu’ils ont gelé.
Pour couper court Madame J.S. parle de leur cuisinier.
Paraît-il qu’il était très bon.
Puis tout le monde apprend que quelque part en Catalogne un étang romantique vient d’être transformé en piscine hollywoodienne.
Les oliviers s’effacent devant des gloires plus sûres.
L’affaire de la piscine nous la savons.
Mais à la cinquantième fois toutes les personnes très bien élevées sont absolument ravies et surprises de l’entendre.
Puisqu’il s’agit d’une affaire très importante qui mérite d’être connue je tiens donc à redire au cas où ce livre serait édité à trois mille exemplaires. Comme d’habitude.
Je tiens à redire.
Pour trois mille personnes possibles. Qui seront je le souhaite. Ravies et surprises. Il y a quelque par en Catalogne un étang romantique transformé maintenant en piscine grand luxe.
C’est la piscine de sa sœur bien entendu. »

Hélène Bessette, Suite Suisse (extrait)

vendredi, novembre 24, 2006

lundi, novembre 20, 2006

Jack Spicer de Nice



Dans C’est mon vocabulaire qui m’a fait ça (traduction Éric Suchère, préface Nathalie Quintane), on découvre un Jack Spicer vraiment féroce, n’épargnant rien ni personne, dont l’ironie est totalement délectable.

Ça casse.


« Ferlinghetti est une syllabe sans signification inventée par Le Poète. »

« Dis à chacun d’avoir les couilles
Fais-le toi-même
Ayez des couilles jusqu’à ce que les couilles
Pénètrent les marges »

« Merde, Robert Duncan, il y a seulement un bordel.
Un oreiller. Mais un seul tapine vers ce qui provoque la poésie
Leurs voix hautes
Leurs queues raides
Quand ils nous rencontrent.
Et c’est ça la rhétorique. L’avertissement le mien
Pas le leur.
Words-
Worth
Acquiesce
Il cumule bien
Poète gris
Département d’anglais dans son crâne. »

« Pute de Pound
S’étonna Homère »

« “Les slips de ce garçon“ est une référence évidente à Eurydice. »


Jack Spicer était un drôle de personnage qui croyait aux fantômes. Il pensait que c’était eux qui lui dictaient sa poésie. Ses fantômes n’étaient pas des substances éthérées à apparitions brumeuses mais des mots donnés. Un flux offert de langage. Dans le mystère de ce don. « Le poète est une radio. Le poète est un menteur. Le poète est une radio à contrepoing. » Les Caspers de Spicer - comme les appelle Quintane - sont des subterfuges bien pratiques qui permettent autant de prosopopées en guest stars – Federico Garcia Lorca, par exemple, en correspondant post mortem.

Les poèmes de Jack Spicer ne sont pas satisfaits d’eux-mêmes. Leur créateur avait fréquemment tendance, dit-on, à tout vouloir jeter aux orties. D’où le rapport polémique permanent qui s’instaure entre ce qui est écrit et le geste l’écrivant. La pompe et la baudruche crevée, dans une dialectique ricanante. L’auteur fait ainsi mine de livrer le poème et un supplément : une lettre l’accompagnant ou son commentaire – mais c’est pour mieux nous leurrer mes enfants. La lettre comme art poétique surjoué. Le commentaire détournant sa fonction d’explication et créant un nouveau texte d’une grande férocité parodique.

Le poème est toujours en miroir de lui-même, en interrogation permanente et instable dans une composition sérielle qui nie toute notion de grand’œuvre démiurgique. Un lieu qui dérange et déroute.

samedi, novembre 18, 2006

Enfin une bonne nouvelle !




Yapou bétail humain
de Shozo Numa, dont on parlait ici et dont on a beaucoup parlé ailleurs, a reçu le Prix Sade ! Le deuxième tome sortira en janvier.

jeudi, novembre 16, 2006

En attendant...

Sepultura Refuse Resist !
(Merci M'sieur)

mercredi, novembre 15, 2006

Pain Killers mes amis…



Quand je pense que j’avais réussi à me convaincre de l’intérêt et de la drôlerie d’une invit’ inattendue au Lasserre – avec célébration de Michel Schneider en prime –, tout ça pour la louper à la dernière minute pour cause de baptême de morphine… (nouveau coming’in à prévoir ?) Enfuie la séquence Disney…

Ça rappelle les oreillons aux sports d’hiver, les genoux couronnés avant carnaval, l’énooorme bouton la veille de la boum, la rage de dents pendant le concert…

C’est un drôle de moment – mais c’est le seul que j’ai trouvé, faute de – pour se plonger dans le dernier Peter Sotos, commotionnant et cru. Peut-être cette fébrilité fortuite pourrait-elle exprimer un état de vulnérabilité à rechercher pour se laisser, atteindre, justement, par des écritures et des expériences de l’excès. Pas au sens propre bien sûr. Juste déstabiliser ses attentes, ses réflexes de lecture, ses rejets. Et goûter la constellation offerte par Laurence Viallet à travers les éditions Désordres – qui viennent de publier un nouveau livre : Émile perverti de René Schérer… va falloir passer à la Vitamine C pour faire diminuer un peu les piles « à lire »…

dimanche, novembre 12, 2006

happy happy



« … Le corps est une machine, une machine mise à notre disposition pour une durée finalement et quoi que les philistins puissent en dire, suffisante. Une quarantaine d’années peut-être. Autant dire l’immortalité, plusieurs immortalités. Beaucoup de ciels déchirés au-dessus de nos mains, beaucoup de souffle qui manque. Si on compte qu’à l’âge de quinze ans au plus tard la clarté se fait sur eux et nous, la clarté sur nos choix et nos urgences, la clarté sur la quantité d’hostilité que nous vaudront nos choix et nos urgences, ce sont dix mille matins environ qu’on pourra sculpter.

Ce corps est le support par où peut sortir la beauté, des films, des livres, des tableaux. L’état de ce corps qui écrit et filme des histoires est sans intérêt, les histoires ne parleront pas de ce corps en particulier qui tient la main à plume ou à caméra, mais plutôt de tous les autres corps, de la centaine de corps qu’il aura colonisés, de ces hommes et de ces femmes de tous âges et de toutes conditions qu’il aura pénétrés par toutes leurs coutures, du rapport entre ces corps et où ils vivent, du rapporte entre ces corps et d’où ils viennent.

(…)

On choisira pour chaque film un corps de douleur, un homme, une femme, peu importe cette fois, qui sera lentement broyé par nous tous. Ce seront des histoires simples, de pauvres mélos. Une vieille femme et un travailleur immigré, un marchand de fruits et légumes qui pousse son cri dans les cours, un prolo exploité jusqu’à l’os par le milieu bourgeois où il s’est introduit par effraction. Il faudra que le spectateur soit exaspéré par la victime, par Maman Küsters, Ali ou Fox, qu’il ait envie de les rouer de coups pour les réveiller un tout petit peu, que le sentiment soit mis à mort, que les victimes se précipitent vers leurs bourreaux pour embrasser la crosse de leur fusil. Que le spectateur s’impatiente un peu, trouve tout cela un peu trop théâtralisé, un peu trop systématique, vous ne trouvez pas ? Que sa méfiance se relâche, qu’il adresse à son voisin un sourire de connivence, un sourire de spectateur cultivé à qui on ne la fait pas, qu’il ait son petit prurit de cinéphile averti qui croit avoir reconnu une forme, qu’il trépigne, qu’il mijote déjà des phrases brillantes, des commentaires implacables. Et que sur l’écran soudain sans crier gare des suppliciés fassent des signes sur leurs bûchers.

Passée la rage sans mélange des débuts, on introduira ensuite un bon gros rire par le groin, un peut comme ce coupe de karaté qui détend les chairs avant de les déchirer. Pour le dire simplement, on s’efforcera de massacrer le spectateur. Avec sur l’écran de la haine et de l’amour, du sang et des larmes. Pour massacrer le spectateur il faut le toucher, et pour le toucher il ne faut pas le mépriser. C’est une marque infinie de respect que l’assassinat. On ne méprisera pas Hollywood qui sait raconter des histoires. On sortira bien vite du ghetto cinéphilique, on ne grenouillera pas parmi les happy fews.

Mon corps n’est qu’une courroie de transmission entre des corps sentis, sentis de très près, et le film où seront représentés les corps croisés, les corps pénétrés, reformulés en plans et en coups, avec pour seule philosophie la lumière et le maquillage. Il n’y a pas de génie, il n’y a pas de disposition particulière, pas de sensibilité qu’on aurait ou non, foutaises que tout cela, contes de bonnes femmes, courbes de filles, hanches et seins que tout cela, il n’y a que ce qui passe à travers mon corps et la qualité de ce passage, et pour que cette métamorphose se fasse bien il ne s’agit que d’être éveillé, d’avoir les yeux bien ouverts sur ce que sent et respire notre corps, d’être concentré, de franchir ce mur épais entre ce qu’on sent et ce qu’on peut exprimer, et de la qualité forcément, inévitablement croissante de ce que nous exprimons naîtra une qualité non moins croissante de ce que nous ressentons. Sentir, décrire, changer ça en plans, progresser sur l’éclairage, sur le maquillage, sur la direction des acteurs, et parallèlement mieux sentir. À termes supprimer tout à fait le corps, se passer de cet intermédiaire rongé par les dépressions et les fatigues, devenir caméra ou stylo, Dziga Vertov… »


Alban Lefranc, extraits de : Attaques sur le chemin, le soir, dans la neige, Le Quartanier & Hogarth Press II – avec pour personnage principal Fassbinder.

dimanche, novembre 05, 2006

samedi, novembre 04, 2006

gelée / eingefrorene

Rien à avoir – ou presque – avec le manque de chauffage pendant 24 heures (et la conscience subite de mes infimes chances de survie en milieu polaire – synonyme d’hostile, pour moi). Gelée, c’est la mer (on l'évoquait déjà il y a quelques mois), revue bilingue français/allemand « création & critique » dont le numéro trois est sorti au printemps dernier dans un magnifique format A4 jaune de Naples – et dont on trouve des extraits sur le site de la revue.



Textes français et allemand en miroir, dessins d’Arnika Müll (ci-dessus), dossier consacré à l’enfermement… on y découvre de nouvelles écritures, des amorces d’espaces narratifs, des enclaves de pensée…

vendredi, novembre 03, 2006

« Opéra de merde = OPA de nerds »



« … Je suis pas un winner
Une pointure alexandrine
J’ai niqué mes inhibiteurs
De recapture d’sérotonine… »


Good news ! Sylvain Courtoux à fini son opéra-crotte : Vie et Mort d’un Poète (de Merde) dont on peut entendre quelques extraits ici.
(Bientôt sur chro.tv ?)

RISE AND FALL OF A POET LOSER

Avec Vie et Mort d’un Poète (de Merde), Sylvain Courtoux se pose en anti-star post maudite ayant définitivement perdu son sang froid – et tous ses amis du milieu de la poésie…
Les chansons hilarantes d’un bidouilleur de génie, fan de pop FM, de post punk et de new wave dans un show inoubliable avec des guest stars littéraires et des pépettes en bodies…

Ne manquez pas le premier opéra de la post-poésie !

« Ce n’est pas de la merde c’est de la poésie. »
JACK SPICER

« La Poésie, des coups, depuis Rimbaud, elle en a reçus. Depuis « la haine de la poésie », « la poésie ça n’existe pas », « la poésie écrite n’a plus lieu d’être » et j’en passe. Alors Vie et Mort d’un Poète (de Merde), vient, à point, de façon singulière et nouvelle, s’inscrire dans cette lignée, dans cette – maintenant – tradition. Et la poésie aime cela ! Elle est faite pour cela ! Ça la fouette et lui redonne un coup de jeune ! Un bon lifting, en somme ! Dont elle a régulièrement besoin. Ça lui est salutaire. Ça la réveille, la sort de son ronron… »
BERNARD HEIDSIECK

« … J’adore ! Un mix entre les chansons de Jacques Lizènes, celles de Stephane Bérard /Nathalie Quintane, Saverio Lucariello, Boussiron mais recrottées maxi par Charles Pennequin avec un fond new wave de chez Auchan et Charlie Oleg et aussi du rut primate secondaire comme j'avais dans le temps avec mon groupe New Mixage néo hara kiri… »
JOËL HUBAUT

VIE ET MORT D’UN POETE (DE MERDE) par SYLVAIN COURTOUX & friends : EMMANUEL RABU, LAURE LIMONGI, LISE ETCHEVERRY, JEROME BERTIN.

mercredi, novembre 01, 2006

matachine



« Lecteur, vous pourriez reprendre ce texte aux endroits qui ne vous conviennent pas. Nous serions deux à parler, mais votre voix prendrait le pas sur la mienne. Vous ne connaîtriez pas le sentiment de gêne à mon égard, aucun respect d’un quelconque auteur ne viendrait vous empêcher d’écrire ici ce qui vous chante. Vous pourriez tout effacer et tout reprendre, ou ne garder que les passages qui vous conviennent et inventer une autre fin à cette histoire ; ou écrire un début à votre guise, qui change le contenu de livre, ou laisser de l’espace entre mes mots, mes phrases ou mes paragraphes pour vous donner l’impression d’écrire à deux mains. Je ne serais pas là pour vous contredire, je ne serais pas là pour débattre avec vous d’un quelconque espace littéraire ou de la solitude essentielle de l’écrivain, ou me moquer de vous en évoquant quelque élément asynchrone, quelque différé entre nous deux, ou quoi que ce soit qui puisse vous déplaire. — Après tout, si tu penses qu’il n’existe pas de frontière entre nous deux, qu’y puis-je ? »


(Roman Opalka)

Matachine de Bruno Lemoine, p. 23 (Éditions Al Dante, septembre 2006)

(écouter l'auteur aux mardis littéraires)

Words sucks



« Opinion

Congratulations you have won – Its a
years subscription of bad puns – And a
make shift story of concern – And to
set it up before it burns – my
opinion

Now there seems to be a problem here
the scale of emotions seem too clear –
Now they – Rise & fall like wall street stock
and they – Have an affect on our peace talks
my opinion »

//

Félicitations vous avez gagné – Bon pour
un an d’abonnement à de mauvais calembours – Et de
pauvres tentatives d’articles d’intérêt général – Et pour
faire monter la sauce avant que tout n’explose – Mon
opinion

Maintenant on dirait bien qu’il y a un problème
La gamme des émotions semble trop nette –
À présent elles – grimpent et dégringolent comme la Bourse de Wall Street
Et elles – affectent notre discours pacifique
Mon opinion


(Kurt Cobain, extrait du Journal – traduction Laurence Romance, 10/18)