mercredi, avril 30, 2008

« Non Ducor, Duco. »



Séjour bref mais intense dans la gigantesque São Paulo. Impossible d’appréhender ne serait-ce qu’un dixième de la ville et le lit de la chambre d’hôtel (qui fait la taille d’un appartement parisien…) est tellement grand que j’ai du mal à y dormir – on s’y fait vite mais comme on n’a pas le temps...
Conférences sur la poésie contemporaine française à l’Alliance Française de Jardim América puis à l’Université (USP), conférence sur les blogs littéraires français à la Livraria Martins Fontes, rencontre animée par Sonia Goldfeder. À nouveau, je suis très impressionnée par l’intérêt et la qualité du public brésilien, très calé en langue et littérature française.
Ce soir, à la librairie, j’ai également apprécié en détail le fonctionnement du très impressionnant, tant du point de vue du contenu que du design, site Cronòpios grâce à la visite guidée que nous ont offert ses éditeurs, Edson Cruz et Pipol. Et découvert un nouveau site qui me coûtera sans doute quelques nuits blanches : la revue électronique bilingue portugais/espagnol Agulha, animée par le poète Claudio Willer.
J’ai également enfin rencontré Sérgio Pinto de Almeida et Denise Natale, les éditeurs brésiliens de José Agrippino de Paula qui m’ont donné à lire, entre autres choses, Lugar Pùblico.
Bref, um copo de euforia.

dimanche, avril 27, 2008

Inimigo rumor

... Hier, donc, lecture d'un extrait de Fonction Elvis pour le dixième anniversaire de la revue Inimigo rumor, à Rio, à la Livraria Berinjela, sur une invitation de Carlito Azevedo & Marilia Garcia.
Très fière de participer à la célébration de cette revue de grande qualité, heureuse des échanges (un peu honteuse, néanmoins, tout le monde parle un français parfait, alors que mon vocabulaire portugais se restreint à une trentaine de mots...) et très impressionnée par le travail éditorial de la collection "às de colete". Non seulement le choix des textes mais la qualité (technique, matérielle) des publications. Oh, le temps passe trop vite...

samedi, avril 26, 2008

« Il était athée mais il a fini par devenir catholique. »



C’est ce qu’on dit de Heitor da Silva Costa, ingénieur qui a construit le Cristo redentor avec le sculpteur français Paul Landowski. (Un concours avait été organisé par l’Église catholique en 1921 afin de célébrer le centenaire de l’indépendance du Brésil, datant de1822.)

Il est rare à Rio, sauf en pleine rue, entouré de hauts immeubles, qu’on n’ait pas ce Christ monumental dans son champ de vision. (Je me souviens de Jean-Marie Gleize parlant du Génie de la Bastille de son enfance, toujours dans un coin de ciel, à chaque coin de rue, et de son angoisse quand il disparaissait.)



À chaque fois que le Cristo redentor surgit, je pense « pourquoi, pourquoi, pourquoi ? ». Ce n’est pas que je ne l’aime pas, c’est un repère, on n’imaginerait plus le pain de sucre sans lui. Mais, simplement, je pense « pourquoi, pourquoi, pourquoi ? » et j’imagine un énorme Cristo redentor sur la lune, en pochoir, un peu comme le logo de Batman… (& je trouve ensuite cette image sur le net...)



(Jean-Marie Gleize, en Christ noir au Jardin Botanique de Rio, photo José Eduardo Barros.)

On va finir par réagir ou bien quoi ?


... Sinon il n'y a plus qu'à se laisser mettre la tête sous l'eau, l'agonie sera moins longue :

sur le blog de Marc Pautrel, relayant une information de François Bon, on apprend la suppression de la Direction du Livre et de la Lecture par le gouvernement français. Comment peut-on procéder à un tel massacre social, culturel, politique, bref, sur tous les plans, en si peu de temps ? (Encore une nouvelle comme ça et je balance mon passeport dans la lagune)...


(Rien n'est perdu, sans doute, mais ce serait bien de se bouger un peu, quand même, façon directe et/ou La Fontaine mais RÉAGISSONS !...)

mercredi, avril 23, 2008

Dieu que les vagues sont grandes

... à Rio !



Hier, c'était une rencontre au Café Letrado avec le poète brésilien Màrcio-André dont le travail s'apparente à la poésie sonore et qui est également un activiste éditorial. La rencontre était animée par Solange Rebuzzi et José Eduardo Barros. À nouveau, on peut dire que le monde est petit car j'y ai revu une connaissance du temps de mes études à Paris III, Ana-Valeria Lessa, qui est professeur et traductrice à Rio...






LL, Màrcio-André & le public qui commence à arriver.


Màrcio-André, Solange Rebuzzi, LL & Gilliane Joly, de l'Ambassade.

Prochaine étape demain : le lancement du numéro 20 de la revue Inimigo Rumor, coordonné par Carlito Azevedo.

Photos du Café Letrado : José Eduardo Barros

Games Over : let's play !



>> sur Games Over de Laetitia Shériff (disque)/Fargo/sortie 29 mai 2008

Après Codification, Games Over, loin de fermer le jeu, l’ouvre. Même renversement, au seuil, que pour Codification qui s’en échappe, donc, des grilles, des classifications. Games Over joue (au sens musical du terme), dans une vision à la fois mélancolique et euphorique du monde. On y trouve les mêmes obsessions, celle d’un « je », procédant d’une généalogie complexe, douloureuse, observant le monde, sa confuse prolifération. Traquant le tumulte de son âme qui ne cesse de s’interroger, sans repos. Quelque chose de blues, mais confiant, apaisé. Un blues pop comme un gris « tourterelle », tirant vers le rose orangé d’un soleil, l’horizon. Une pop blues d’une couleur mixte comme celle décrite dans la chanson Like ink with the rain.

À nouveau, je suis frappée par la grâce absolue de la voix et des textes de Laetitia Shériff qui accomplissent l’idéal, selon moi, d’une chanson : mêler l’extrême simplicité (aller au cœur, dénuder le timbre) et le raffinement extrême de l’interprétation, des arrangements. Les compositions de Gaël Desbois et Olivier Mellano accomplissent des rencontres funambules et grandioses entre guitares rock, son brut de piano, cordes presque romantiques, rythmiques riches, synthés pop, ambiances cinématographiques, chœurs puisant dans de multiples influences. Pour évoquer cet écrin musical dans toute sa subtilité, il faut également préciser que l’album a été mixé par Peter Deimel au Black Box Studio (les Thugs, Shellac) et masterisé par Mike Marsh au studio The Exchange à Londres (Klaxons, Nick Cave). Games Over est un album d’émotion au sens fort et esthétique du terme, celle qui doit être le moteur de toute forme d’art. Celle qui transforme un album en joyau intemporel que s’approprie chaque conscience pour le bercer d’année en année, le transformer en intime qui devient souvenir personnel.

L’album s’ouvre ainsi sur un titre phare The story won’t persist in being a closed book, découpé en chapitres. Le personnage de la chanson se place dans le rôle du « prospecteur » qui lutte contre le silence, la poussière, le deuil pour trouver l’origine de son histoire, l’inventer, la faire exister, malgré l’émotion d’une telle recherche qui envahit tout. L’émotion, lui faire face, avancer en ternaire, aidée des notes presque naïves, enfantines du piano, de l’orgue en vibrato, des claps qui font maigre foule et chœur tragique. Danser à l’à-pic du sentiment sans tomber ni du côté de la tristesse ni du côté de la distance, de l’armure. Rester chair et chant. « Soul occlusion » (in Memento put her in the picture). La voix s’élève sur un tapis de murmures blues. L’arrivée des cordes – débutant par la note grave, plaintive d’un violoncelle – mélangées aux notes de guitare électrique trace l’une des veines de l’album, porté par un souffle mélangeant genres et influences, dans une mélancolie rythmée. Cette question de la généalogie réapparaît explicitement dans deux autres chansons : Memento put her in the picture et Like ink with the rain. La première évoque la nostalgie apaisée que j’ai citée : « At my age, I find myself to suck the life/And to cry the escaped mother’s milk ». Il y est question, comme dans la première chanson de l’album, de photos de famille. D’aucuns les déchirent, en découpent des pièces, en éliminent des personnages. D’autres, qui en sont absents, tentent de s’y surexposer, de s’y inclure, pour soi, pour vivre la vie, sans regrets : « there is no point in regretting something that has already happened ». Le chant s’élève dans l’instant, pour l’instant. Il est impératif et il est doux. Jusqu’à un fade out qui le rend infini.

Après le mystère douloureux des origines, à révéler, le monde, contemplé et vécu, dans Let’s party !, Hullabaloo (my TV ratings), easily influenced. C’est un monde confus, diffus, sans désespoir mais aussi sans réel motif de confiance et de plénitude : « Men die/Books lie/Tears fly/Ladies shy ». Le monde s’étire en vaste catastrophe mais : « keep calm », entend-on dans Let’s party ! Ne pas s’y perdre, ne pas s’y noyer. De même, dans Hullabaloo (my TV ratings), c’est le grand tapage audiovisuel à la cruauté sans pitié qui se déverse en « toxic’topics » : « who knows what’s going on inside ? » Que se passe-t-il vraiment derrière cette surface écœurante, vacarme qu’on nous dit reflet de la réalité ? « (Human being are missing there, so far away) ». Ce qu’il y a d’humain, c’est la conscience qui dissèque ce boucan sanglant, l’interpellant, jouant de la sonorité ludique, presque enfantine, de cet « hullabaloo ». Easily influenced sur des sonorités de synthé assez Rita Mitsouko, parle à la fois de l’insatisfaction inhérente à l’amour et de sa présence têtue, en toutes choses : « Love exists even if it goes into another life (...) Love resists even if you’ve got a moutain of moola ». À nouveau une chanson faite d’ambivalence de sentiments et d’incertitude de frontières, de la solitude à la recherche du bonheur : « We need to see the joy all around/But it is slippery as an eel ».

Dernier mouvement, l’interrogation du moi, ses manques, ses terreurs, sa solitude, ses reflets inavoués dans : Black dog, Cosmosonic, The evil eye, Solitary play, Lockless et There, high. Le chien noir de Black dog qui promène son animalité, son absence de raison, tranquillement, sans douleur, sans conscience, dans la rue (« lucky dog »), provoque l’œil perdu qui suit du regard : « I get angry with your defects because it looks mine/I’m stupid, excuse me./My heart is poor, everything miss me/If I scream your name will you come with me ? » Cosmosonic rappelle les problématiques de Hullabaloo (my TV ratings) sur un mode onirique, tournoyant dans une valse à six temps qui débute sur des sons cristallins pour aboutir à une montée de cordes que ne renierait pas Jean-Claude Vannier : « I thought no more was needed/Sun must shine/But real lies/I get insane ». Un animal du bestiaire de Laetitia Shériff y apparaît, le vers luisant, timide reflet de la lune, qui guide et protège – ce bestiaire est peuplé d’un grand singe qui disparaît dans Let’s party !, un chien noir (black dog), une anguille glissante dans easily influenced, une carpe illettrée dans Solitary play, des poissons et des serpents dans Lockless. Une arche qui incarne sentiments, colères et faiblesses, en fables. Comme The black dog, The evil eye pose la question de la libération des pulsions, de cette ambivalence entre raison et folie – comment discerner une frontière qui se déplace sans cesse ? – sur une cadence instable, une voix diffractée, une fin aux rythmes assez r&b. Il en est de même pour Lockless : « no control, no lock, no door ». Solitary play, dents serrées au début « I find myself dum like an illiterate carp/That remains », s’épanouit en déchaînement de guitares : « All is at three times like a waltz without end ». L’album s’achève sur un morceau d’une grande audace et d’une beauté absolue, There, Hight, bouclant un chapitre de The story won’t persist in being a closed book. Je parlerai avant tout du frisson qu’il provoque s’il ne suffisait de le ressentir, à l’écoute. Émotion exprimée également dans la simplicité acérée des paroles « There high, in my head/Press the button for a place, there’s no rest/Floor eleven, I could not speak to him/Floor eleven high, we stay. » Le poids de la mémoire et un ciel étoilé. Le remords sans repos, du cœur. La chanson s’achève sur un chœur doux et hypnotique, à consonance indienne (d’Amérique) : « I’m guilty ». On attend avec impatience la suite de l’histoire tout en parcourant celle de Games Over dont on sait qu’il est l’un des épisodes précieux d’une vie musicale.


mardi, avril 22, 2008

Guaìba


À Porto Alegre depuis quelques jours, je déguste l’automne brésilien, rencontre des personnes rares et réponds aux questions d’Alfredo Aquino, peintre et écrivain du Rio Grande do Sul, pour son blog Ardo Tempo (également repris sur VerdesTrigos). Ce soir, une rencontre dans une librairie du quartier Bom Fim, la Palavraria, avec Emmanuel Tugny et lui. J'ai un peu honte de baragouiner un sabir d'espagnol mâtiné d'italien en guise de portugais... Heureusement, je pourrai parler ma langue.

Difficile pour un insulaire français d’imaginer les contours de l’immense Guaiba...


ArdoTempo: Laure Limongi, você é bastante atuante e envolvida com a produção literária contemporânea, como autora e como editora. O que você pode dizer sobre o cenário atual francês, sobre os autores e sobre o público para estes novos livros?

En France, on ne cesse de dire que la littérature et l’édition vont mal. Économiquement, ce n’est pas faux. Mais ce que j’observe surtout, étant, comme vous l’avez dit, acteur et ouvrier littéraire, c’est l’énergie et la diversité des publications. De nombreux jeunes auteurs développent une œuvre audacieuse. Pour n’en citer que quelques uns, je pense à Céline Minard, Emmanuel Tugny, Emmanuel Rabu, Claro, Daniel Foucard, Nathalie Quintane, Olivia Rosenthal... Des éditeurs et des collections œuvrent à défendre leurs textes : POL, la collection Fiction & cie, au Seuil, Quidam éditeur, Allia, Verticales, L’Olivier, ma collection, Laureli, aux Éditions Léo Scheer... Le public de cette littérature dite “exigeante” – c’est le terme qu’on emploie pour désigner une simple démarche formelle... – n’est certes pas extensible mais il est passionné et suit de près les publications. L’univers des blogs littéraire œuvre beaucoup à la communication de ces livres-là. Les libraires, également, sont un soutien fondamental : les libraires indépendants, tout particulièrement, luttent de toutes leurs forces contre la consommation littéraire obligée des “block-busters” et organisent de nombreuses lectures et rencontres avec les auteurs pour les faire connaître aux lecteurs.


Como se desenvolve a linguagem contemporânea, e se o público reage positivamente a isso?

De multiples manières ! C’est un manteau d’Alequin aux diverses couleurs, il est impossible de vous en donner une description exhaustive...

On pourrait parler de la poésie contemporaine, tout particulièrement de la poésie sonore et “action” qui sort le poème de la page pour le “jouer”, le “performer” devant un public. Je pense à Bernard Heidsieck, Anne-James Chaton, Thomas Braichet... On voit donc que le souci de la réception, le refus de l’élitisme est, dans cette pratique, très important.

Du côté du roman, également de nombreux courants. Céline Minard, dont j’ai parlé, se frotte à des formes longues et épiques qui suscitent un réel plaisir de lecture. Il en est de même pour Emmanuel Tugny, qui mêle à la fois culture savante, efficacité narrative et humour omniprésent – notamment dans Mademoiselle de Biche, Corbière le crevant... Emmanuel Rabu, quant à lui, dans son dernier livre Tryphon Tournesol & Isidore Isou, intrique référence sérieuse et expérimentale (Isidore Isou, le père du mouvement Lettriste) et culture populaire (la bande dessinée de Hergé). Daniel Foucard, dans son dernier livre, CIVIL, mime le langage des policiers pour proposer une réflexion sur la notion de droit.

Il ne s’agit donc pas de rebuter le lecteur, bien au contraire, et celui-ci en est conscient. Qui dit recherche formelle dit évidemment volonté de se laisser déstabiliser et entraîner dans un univers inédit. Mais c’est, pour moi, la définition de la lecture. Nous avons assez de l’industrie agro-alimentaire pour nos livrer des produits standardisés.


Seu romance Fonction Elvis, apresenta uma linguagem muito inovadora, uma seqüência dinâmica e frenética de links, em capítulos muito curtos, em fade-in e fade-out, que vão construindo uma história caleidoscópica como num mosaico em progresso, mas algo giratória, circular, que sempre vai rodando sobre um mesmo ponto… O que você pode falar sobre a construção dessa nova linguagem?

La forme s’est imposée d’elle-même. Je voulais “assécher” la figure pléthorique et dégoulinante d’Elvis. M’attaquer à ce colosse d’une traite, traversant sa vie à toutes pompes. D’où la concision du texte. J’ai aussi songé à une écriture musicale à travers le rythme et la reprise de motifs. C’est un élément essentiel de mon écriture, l’intrication de la musique au langage. Il en était de même, avec une forme différente, dans mon livre : Je ne sais rien d’un homme quand je sais qu’il s’appelle Jacques.


E sobre o tema (ELVIS), como e porque você o escolheu?

Je précise que je n’étais pas fan d’Elvis et que je connaissais peu ses chansons, mis à part les tubes qui passent de temps à autres à la radio. Ce qui m’a intéressée, c’est Elvis en tant que héros tragique, un héros tragique littéraire idéal. C’est pour ça que j’évoque Jessie Garon Presley, le frère jumeau d’Elvis mort-né, sa part d’ombre. Son double. Et puis sa figure warholienne, le fait qu’il incarne l’avénement du rock et de la reproductibilité de l’image. La réduction de l’individu à l’image.

Le projet de départ était un diptyque : Fonction Elvis/Dimension Gould. Deux figures apparemment opposées, donc, le roi du rock et un pianiste classique, Glenn Gould, ayant complètement révolutionné l’interprétation et les techniques d’enregistrement. Une star pour midinette finalement très mélancoliques, un pianiste à queue de pie extrêmement facétieux et loufoque. Ce sera un diptyque un peu tardif, Dimension Gould est en cours d’écriture.


Além de editora e escritora você também é música e cantora, participando de um grupo de rock contemporâneo francês, o que você tem a contar sobre isso?

J’ai la chance, en effet, d’être membre du groupe Molypop qui compte également Emmanuel Tugny, Jacques El, Yann Linaar, Christophe Boissière, Otavio Moura et d’autres musiciens, selon les projets. Grâce à l’invitation des membres du groupe, j’ai donc pu me replonger dans l’univers musical – j’étais pianiste classique et chanteuse, plus jeune – ce qui me manquait terriblement. L’écriture est un exercice solitaire. Il se passe des choses extraordinaires, du point de vue de la création, lorsqu’on travaille en groupe. La dimension de plaisir et de partage est intense. Et puis le médium musical permet de toucher différemment le public. Je dirai, et c’est heureux, qu’il est moins complexé que la littérature. Les émotions mises en œuvre par la musique sont une des composantes essentielles de la vie, pour moi. Molypop va sortir son premier album, Sous la barque (quand on creuse) très prochainement. Nous travaillons actuellement au deuxième. Je précise également que sortira le 5 mai un livre/disque (CD), le RALBUM (chez Laureli/Léo Scheer) avec notamment des participations de membres du groupe.


No cenário histórico e cultural de seu país que sempre influenciou com intensidade a cultura ocidental há mais de 250 anos, aparentemente pela primeira vez está ali colocado um presidente que não se importa tanto com isso, que faz questão de não falar de cultura e de passar ao largo dos assuntos culturais, muito mais voltado a um imediatismo mediático, a uma frivolidade de modelo mais "norte-americano", como você analisa essa novidade junto ao cenário cultural no qual você está imersa em sua múltiplas atividades?

Je l’analyse comme une catastrophe totale pour la culture et j’en suis très attristée, blessée même. Avec une nuance de honte, également. En colère que les forces de gauche n’ait pas la force et l’unité de défendre les valeurs de notre pays.

La politique actuelle œuvre à une simplification arasante de la culture avec force paroles démagogiques. Il est question de ne laisser subsister que les œuvres plébiscitées par le public, donc, de faire disparaître la diversité de la création. Il en est de même du côté de l’éducation. Mais, j’en suis convaincue, la France est un peuple têtu, exalté, qui finira bien par faire cesser cette pente délétère. J’ai confiance en la gauche, en les Français pour respecter notre héritage et le perpétuer, en l’enrichissant. Jamais nous ne baisserons les bras.








Première étape brésilienne à Porto Alegre, donc, et plus exactement à la Palavraria, une librairie-café du quartier Bom Fim (Rua Vasco da Gama, 165). C’était une rencontre bilingue modérée par Alfredo Aquino et Emmanuel Tugny sur mon parcours, mes livres, la situation littéraire en France…
Chose rare, presque toutes les personnes du public ont réagi, posé des questions… un moment magique dont je me souviendrai toutes les fois où je me sentirai Don Quichotte contre les moulins. J'y ai même rencontré un "cousin" Limongi...

vendredi, avril 11, 2008

Le bleu de l’inflexion

Le genou est fléchi afin de disposer le corps à la verticale de la serrure.
Le corps porte la clef mais ne veut pas ouvrir, encore.
La main tient la clef en la caressant tandis que l’œil ne broie que du noir. Tandis que l’œil clair perce, sourcil contre métal glacé, fouille sans succès, l’œil à la limite de sa perception ne pourra s’en remettre qu’à l’action. Peut-être.
La main gauche est posée, à plat contre le bois de la porte qui est un bois lisse.
Le mur du couloir regarde la scène.
L’odeur savante des cheveux a séduit et bruisse du mouvement de la tête ne sachant trop si et quoi et que faire.
Avec un je-ne-sais-quoi de sauvage et perdu.
Avec un je-ne-sais-quoi de déjà mort.
La robe est froissée de toucher le sol, portant le poids du personnage léger au cœur lourd.
La robe crisse de la respiration haletante de la curiosité et de la peur.
Le mur du couloir en est ému.

Il a des carrosses et des meubles, des broderies et des miroirs.
Des maisons, des sofas, des serviteurs, de la vaisselle d’or et d’argent et de vermeil.
Il m’a voulue, moi, entre toutes, après plusieurs.
Je savais que c’était la gueule du loup. Loup bleu. Et je m’y suis jetée.
Je savais que c’était la peur bleue dont je mourrai. Et je m’y suis jetée.

Mais cela, seul le mur du couloir l’a entendu. Sa tapisserie en a tremblé. Un courant d’air de souvenirs et les motifs se sont dédoublés. Ils entourent les portes. Ils courent de chambranle en chambranle à la recherche de la sortie. Mais le conte n’en a pas puisque le méchant meurt et que les femmes se succèdent. Puisque les femmes meurent et que les méchants se succèdent. Tandis que les sœurs matent l’horizon d’un œil distrait.

Elle, en robe et coiffure, elle s’appelle Héloïse ou Éléonore ou Isaure ou Rosalinde ou Blanche ou Judith. Mais la sœur s’appelle toujours Anne. L’herbe est verte. Et la barbe est toujours bleue.

Le genou est fléchi pour demander la main.
Le corps en porte l’émotion, chaque fois.
La main tient la main, du bout des doigts, pour ne pas effrayer l’animal. Tandis que l’œil noir perce, sourcil légèrement froncé, cherche la réponse, sans succès – le personnage porte un masque d’enfance. Il ne pourra s’en remettre qu’à l’action. Peut-être.
La main gauche est posée sur le plat de l’arme, par habitude. Son contact froid en compagnon.
Le mur du salon regarde la scène.
La couleur effrayante de la barbe n’est plus si terrible et ondule comme une mer calme, du mouvement doux de la tête qui convainc en oui et oui et demain.
Avec un je-ne-sais-quoi de sauvage et perdu.
Avec un je-ne-sais-quoi de prédateur.
Les chausses plissent de toucher le sol, portant le poids du personnage lourd au cœur lourd.
Les chausses crissent de l’impatience de l’homme qui serait presque de la peur.
Le mur du salon en est ému.

La confiance est donnée pour qu’elle ne soit pas prise.
(Bartok ajoute ici des clarinettes dans l’aigu avec des gammes rapides de flûtes et de xylophones).
De toutes les couleurs, l’interdite est le rouge puisque c’est celle du sang. Tu peux porter du jaune, tu peux porter du vert, tu peux porter du rose, tu peux porter du gris, tu peux porter du violet, tu peux porter du brun (le noir est triste). Du bleu, bien sûr.
Ouvrir tous les coffres, entrer dans toutes les pièces de la maison, sauf.

Il y a beaucoup de clefs. De nombreuses clefs qui ouvrent toutes les portes et donnent accès à toutes les richesses. Il y a beaucoup de clefs et c’est la plus petite. La moins ouvragée. Elle est terne et secrète. Elle ne sert à rien d’ailleurs tu ne la connais pas mais je te la confie quand même. Pour que tu l’oublies et la ménages d’oubli. Pour que tu l’oublies et volages, tête au vent, tandis que tu plongeras tes mains dans l’or, la soie, répandant la myrrhe.

Et d’abord, ma barbe n’est pas bleue, elle est corbeau. Plume et lustre. Du noir de la nuit bleue. Avec le vent de la course. La confusion était facile. Je vole à mon destin tandis que tu ménages le tien, en intérieur damassé, peuplé de courants d’air qui perturbent les motifs. Ne cherche pas de sortie, il n’y en a pas. Puisque le méchant meurt et que les femmes se succèdent. Puisque les femmes meurent et que les méchants se succèdent. Tandis que les sœurs – Anne – matent l’horizon d’un œil distrait.

Le genou ne fléchit pas puisque le corps se tient en miroir de la porte. Hésitant.
Le corps porte la clef, la plus petite, la plus inquiète, et se décide à ouvrir.
La main tient la clef et d’un geste tremblant l’enfonce dans la serrure et tourne, dans le noir du vide de l’interdit.
La main gauche sur la hanche donne une contenance en pressant l’étoffe qu’un ongle blesse un peu.
Le mur du couloir regarde la scène.
La suite on la connaît. (Ou si on ne la connaît pas : demander au mur du couloir.)
Avec un je-ne-sais-quoi de pervers.
Avec un je-ne-sais-quoi de déjà lu.

L’obscurité se laisse déchiffrer, les silhouettes apparaissent. Elles prennent dimension, se sculptant de l’histoire et de l’imagination.
Scène, surprise, stupeur, peur.
Odeur tenace de la mort.
Le corps vibre et abandonne la jolie tête qui flanche.
Après la chute de la clef (la plus petite, la moins ouvragée) les remords sont déployés mais.
Le rouge est mis.
Tu sais bien dis, comment c’est.

Retour précipité de la barbe qui n’est pas bleue mais noir du noir de la nuit bleue. C’est le privilège des personnages (le costume).
Malgré la robe, malgré l’odeur savante des cheveux, malgré les sourires et les tendresses, la clef est demandée. Requise. Exigée. Criée. Elle (Héloïse ou Éléonore ou Isaure ou Rosalinde ou Blanche ou Judith) pose sa tête sur sa poitrine, sous le bleu du ciel des aveux. Elle attendrirait un rocher. Et ses cils battent au rythme des jours qu’elle aimerait vivre encore. Malgré la clef, malgré la barbe, malgré le rouge. Et sa main, doucement, flatte l’épaule qui se raidit. L’œil est noyé de peur. Or. Le cœur est lourd et la confiance est prise. Les murs, tous, tremblent. Panique dans les motifs, fuites. Or, malgré la sœur et la tour, et le bleu et le vert, les coups de théâtre et les frères, il faut bien donner le petit chaperon rouge à manger au lecteur. C’est son privilège. Avec un je-ne-sais-quoi de déjà lu. En tout bien tout honneur.

Le genou est fléchi afin de préparer la tête à la mort.
Le corps porte l’histoire mais ne veut pas la finir, encore.
La main se tend en réflexe de supplication mais ne sent déjà plus rien.
Le rouge est mis.
Le mur du couloir ferme les yeux.
N’oubliez pas son copyright.


(Paru dans Action Poétique)

jeudi, avril 10, 2008

« On va pas sortir comme ça » pour Thomas Braichet

« Il ne devait pas mourir ! » C’est la phrase de Suite suisse d’Hélène Bessette que j’étais en train de mettre en page quand j’ai appris la nouvelle. Énoncée deux fois, écrite deux fois, à la suite, et avec points d’exclamation. Et cette phrase s'incarne donc dans mon histoire. Avec cette absurde révolte contre ce qu’on ne maîtrise pas.

« Il ne devait pas mourir ! »

Et pourtant il est mort.

Dans le livre et dans la vie.

Monsieur B.D. et Thomas Braichet.

« Qu’est-ce qu’on fée ? »

On n’a plus qu’à rester là, comme des cons, avec nos guillemets, pour le faire parler, et nos points d’exclamation, pour le pleurer et rire de nos souvenirs.

Je donnerai toute la poésie du monde pour la vie d'un poète.

Mais je sais, c’est une pensée d’enfant triste, je n’ai pas le choix, on n’a pas le choix.

Dans le train qui m'amène à Lyon, une femme, derrière moi, dit : « Quant je rêve, je rêve d'endroits qui n'existent pas, d'endroits que je ne connais pas et je les retrouve dans d'autres rêves et j'y reviens. C'est étrange cette seconde géographie. »

En dédicace à Conte de F——, il m’a écrit « Qu’est-ce qu’on en fée ? »
Le Conte de F—— à mi-chemin entre le bleu du ciel et le cri des rats dans un mur creux, invente une forme à la fois expérimentale et sensible. Tout comme son premier livre. Une poésie terriblement ancrée dans le réel et assumant l’émotion, réinvestissant l’héritage formel des avant-gardes, le détournant, le virussant et l’incarnant, « saturant les possibilités ». Un style jouant de tous les supports, avec agilité, ironie (non cynique), humour et qui n’appartient qu’à lui.

« Qu’est-ce qu’on en fée ? »

On le fée savoir.

« Qu’est-ce qu’on en fée ? »

Juste, on écoute et on lit.



(Fragments des pages 13 & 14 de Conte de F——)

dimanche, avril 06, 2008

La ronde & la révolte (vaine)

… la première chose qui envahit mon cerveau à cet instant, après cette nouvelle, c’est le poème-performance de Julien Blaine, à/pour/avec ses amis morts. Leurs voix d’après l’Achéron qui se forment douloureusement dans sa bouche, l’habitent. Tout particulièrement ce poème lu à Genève, en 1999 ou 2000, je ne sais plus, une femme dans le public dont le fou rire rendait la tension, la charge émotionnelle insupportable. Je m’étais dit qu’il en fallait du courage pour honorer et choyer tous ses morts, rester sur la rive en couleurs, ne pas lâcher prise, du courage pour savoir de quoi nourrir sa joie, quotidiennement, dans une telle hécatombe. Je pense aussi aux traits de ma mère sur son lit de mort, décharnée par le cancer, des traits qui coulaient vers le sol malgré le maquillage, les efforts pompiers des pompes funèbres, et semblaient vouloir rejoindre la terre au plus vite, trahissaient le passé. Le sourire de Maman heureuse, le pli du front de Maman qui râle, la fossette de Maman qui « magagne » – dont a hérité mon frère. J’avais l’impression que la mort accélérait la gravité, que soudain, même si on était encore dans la même image, on n’était déjà plus dans le même plan. C’était un silence à hurler. Les parfums artificiels – cannelle en l’occurrence – ne masquaient pas la décomposition en marche, la masquaient trop. Et je n’ai pas pu toucher cette peau qui glissait, peut-être de peur d’être happée, de ne pas résister à mon vertige des profondeurs, que mes traits, si proches, fondent avec les siens. M’abîmer dans la mélancolie qui est la mienne, ce serait si reposant. Tabou, tabou. Je pense à tant d’amis, à tant d’aimés, déjà, à tous ces manques cruels et injustes, n’arrivant pas me raisonner, pourtant il ne manque pas de matériel philosophique ou spirituel en la matière, mais je demeure athée et révoltée, tâchant de rester dans le plan en couleurs et de m’y agiter un maximum pour « faire honneur » – j’y crois, c’est naïf et culturel, j’assume – et rabâcher mes souvenirs, pas seulement en rituel personnel, les partager pour que de cette émotion, la vie subsiste. Je ne me résigne pas à la mort des autres. Alors lui aussi je le raconterai quand j’en aurai la force, l’image qui subsiste à travers ma voix, à ceux qui n’ont pas eu la chance de le connaître, les quelques moments partagés mais surtout ce que de lui je lis et écoute. Mais pour l’instant, je suis en rage, je pense à tous ceux qui l’aiment et c’est terriblement, désespérément inutile.

(Si vous le connaissiez, en vrai et/ou à travers ses livres, ses pièces sonores & visuelles, vous pouvez laisser un mot ici).

« Il y a une grande distance entre ce qu’on appelle le langage poétique et le vôtre… »

Dans la mare du cirque, parfois

mercredi, avril 02, 2008

Carla


... Le 2 avril, c'est surtout l'arrivée de "Carla".
Euh, ce n'est pas moi qui ai choisi le prénom... Il faudrait que je trouve autre chose... En même temps, je commence à m'habituer... Et puis ça va faire des visites si j'écris : Carla à poils (roux tigrés)...


Non, allez, je l'ai rebaptisée Dada.

Fiction Elvis le 12 avril


Samedi 12 avril, 22h10, sur France Culture : fictions / perspectives contemporaines.
Dans la série "icônes du rock" :
Découpage : Cécile Backès
Réalisation : Jacques Taroni avec la collaboration de Mathieu Bauer
Avec les Sentimental Bourreau



Fonction Elvis : ici & .