samedi, décembre 31, 2005

Trouver la bonne coupe

{lectures texturisantes}

« _ La divergence des significations que peuvent prendre les coiffures oblige à bien réfléchir avant de se mettre à natter. À cause de ma texture et de ma forme de cheveux, j’ai déjà pour ma part rencontré ce problème de contresens dans l’interprétation de mes nattes. Colonne constat : “Cuir souple et mobile, racine bien irriguée, cheveu dense en bonne santé.” Justement, j’ai beau les faire tenir avec de vrais animaux en peluche achetés dans la vraie solderie, ces nattes réalisées à partir de cheveux trop abondants et implantés trop bas n’obtiennent pas la légèreté voulue. Colonne alerte : “Risque de confusion de ces nattes dans l’esprit d’Aragon avec les nattes autoritaires des Mexicaines dans les fractions matriarcales de la société, qui se portent debout devant un empilement de parpaings, une bière à la main.”
(...)
Un jour, j’ai attendu un très long moment dans un fauteuil de salon de coiffure avant que la coiffeuse puisse s’occuper de moi. (...) Comme je n’étais là que pour une simple coupe, je ne nécessitais pas de longue discussion. Tout le débat technique se concentrait au bac de teinture où une cliente faisait l’inventaire des couleurs du nuancier. Avec la complexité des tableaux peints, le nombre d’heures passées en discussions techniques s’est multiplié dans les salons de coiffure, la mention coloriste se rapproche du métier des imprimeurs ou de la peinture classique : dégradés, glacis, transparences, invention colométrique. Au bac de teinture, plusieurs coiffeuses faisaient lentement tourner le nuancier autour de la tête de la cliente : peu de mouvements, beaucoup de réflexions. Hors du débat, dans mon fauteuil contemplatif, j’assistais à une sitcom très lente proche du butô, une sitcom à très haut niveau technique. » *

« ... Je suis passé plusieurs fois devant la vitrine pour y jeter un regard inspectif sans donner aux deux blondinettes l’occasion de préparer par avance le petit discours réconfortant que tout coiffeur vaguement charitable sert à la, certes antithétique, catégorie chauve de sa clientèle. (...) la coiffeuse qui s’approche de moi et que je vois dans mon dos nous considérant tous deux comme dans le cadre d’une scène de genre, maintenant relevé frais frictionné du bassin de shampooing et assis droit face à la grande glace, doit certainement penser je vois que vous vous livrez à une étroite observation scientifique, vous avez délimité sur votre tête la plage bien nette d’une conscience réfléchie, mais n’en dit rien.
Elle me demande seulement à quelle hauteur régler la lame de son rasoir, de toute façon pour ce qui reste, dis-je avec l’espoir d’attirer une consolation inédite, et la blondasse de murmurer sur un ton de déploration, tout en réglant la coupe sur 2 cm, oui en effet. Puis elle ne prononce plus un mot et s’exécute méthodiquement. Je lui adresse quelques sourires lorsque sa concentration marque un temps et que nos regards se rencontrent, mais sans doute veut-elle juste évaluer l’effet du rasage en fronçant les yeux, tentant d’imbriquer l’ovale visage dans la caisse crâne, mon sourire signifie ça n’a pas d’importance n’est-ce pas l’ampleur obscène de ma peau nue sur ma tête, car j’ai la capacité de me tenir tout entier dans ma bouche. » **

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*Emmanuelle Pireyre, Comment faire disparaître la terre ? (Le Seuil, Fiction & cie.)
** Éric Meunié, Auto Mobile Fiction, (P.O.L.)

vendredi, décembre 30, 2005

:: extrait

… On songe à un drôle de forum en devenir peuplé d’écrivants jonglant avec leurs avatars, leurs narrations, leurs énonciations, histoire d’en finir une fois pour toute avec la perruque littéraire poudrée posant dignement ses fesses sur un fauteuil acajou numéroté, derrière un bureau assorti, décoré à la feuille d’or du même numéro. Ici, on milite pour la fibre naturelle ou carrément la teinture fluo et les cheveux en pétard, tout sauf le feuilletage historique formel qui n’en finit pas d’imposer ses lieux communs même plus anxiolytiques depuis l’invention du Xanax.
La notion de génération reprendrait alors sens, enfin, sérieusement manipulée génétiquement (du vert fluo à l’organe prothétique). Non plus l’avant-garde (je crois qu’on aura compris que cette métaphore militaire a suffisamment été portée pour mériter ses articulations élimées et rentrer gentiment au placard du grenier) mais une panoplie d’entités variées avec regards singuliers, écritures très contrastées, goûtant au « je » du bout des lèvres, rhabillant le personnage à la mode de l’épouvantail ou du portemanteau, ne suivant pas les petits cailloux blancs du joli chemin du roman, préférant l’originalité à l’efficacité, la flânerie aux trajets les plus court, la boucherie à la pâtisserie (sans en faire un mot d’ordre, sinon...), excédant le champ du littéraire vers ce qui pourrait constituer un horizon artistique sans notion de « noblesse » de thématique ou tout un tas de simagrées du même tonneau (c’en est fini des fûts de chêne (il n’y a guère que pour le vin que l’on puisse le regretter)…

mercredi, décembre 28, 2005

Christmas & beyond...



(trop de crème tue la crème

pentes enneigées-vanille

crème anglaise des familles

le tout à digérer, bien sûr)

jeudi, décembre 22, 2005

« La photographie de l’automobile prise par son conducteur même »



... Se présentant – ayant à se présenter – Éric Meunié révèle l’importance de la photographie dans son écriture. Livres publiés aux Éditions Créaphis, liés à la photographie : Deux étincelles, tes aïeules, Du Temps mort, Surimpression. Mais surtout la notion de « photographie cérébrale du texte d’un fait-divers », incarnée précédemment par « le bac tue » paru dans Libération en 1983, transmuté (écrit) en L’enseignement du second degré en 1993 : « Le second degré de l’enseignement donne l’accès souterrain de la gare de Fosses, tel que négligé par le Bachelier pressé de connaître ses résultats, et devenu la descente en terre du jeune homme, lorsque, traversant la voie, un train de marchandises le happe, qui transforme la mention de son bac en mention dans Libération. »

C’est donc par une évolution sensible du cliché et du temps de pose, qu’on retrouve des stigmates photographiques dans Auto mobile fiction, développant une myriade d’éléments spéculaires : photographie/miroir d’un moi en train de s’inspecter, dans la langue.

Vitres réfléchissantes et pare-brise de l’auto de location (auto mobile fiction), surface lisse de la mer, miroir de la coiffeuse varoise, regards, surfaces lustrées, souvenirs comme figés en cartes-postales dans la conscience... autant de « tropismes » qui ne se circonscriraient pas à un genre.

D’où : l’« album » d’Auto mobile fiction (les portraits, les paysages, les autoportraits, la mention des cadrages...) dont on entendrait presque les déclics – diapos de vacances –

versus

les « tirages » de la poésie d’Éric Meunié, moyens formats (« équations verbales ») accrochés sobrement en cimaises à la chaux, tranchants (l’« ordre universel »).

De la photographie au photographe, Pierre Molinier, cité de façon indirecte, en périphrase, comme enlevé, emprunté à lui-même dans une généalogie fantasmée : « Un vieillard sec {le grand-père} à belle allure qui assume sa dernière érection, évoquant ce vieux photographe autoportraitiste travesti qui portait presque le même nom que lui, voilà quel homme scandaleusement droit la vie aura déniaisé. » (p. 100)

L’ombre presque chinoise de Pierre Molinié au sein d’un « androgynat » de principe, et la famille étouffante comme un réseau veineux, détournée comme un réseau veineux pourrait l’être – en adéquation avec sa métaphore fluviale – jusqu’à sa réinvention par les mots (Francis Ponge n’est jamais loin) : « L’écran de l’automobile suffit à cadrer le déroulement de ces journées de vacances, prélevant quelque tableaux... » (p. 17)

Et tout finit en (auto)fiction...

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Auto mobile fiction, POL, janvier 2006.
Poésies complètes, Exils, janvier 2006.
(p. 102 : « La photographie de l’automobile retournée sur le toit, en noir et blanc, prise par son conducteur même... »)

mardi, décembre 20, 2005

Taxidermie de la peur



(de Stéphane Bérard)


Cher Père Noël,

Je n’ai pas été très sage et je hais ta putain de fête de dégueulage de fric qu’on n’a pas. C’est pourquoi je veux ça, ça, ça, ça, ça, ça, ça, ça, ça, ça, et ça. Si rien n’est arrivé le 26, je crève les rennes.

Des bisous dans ta fausse barbe,

Laurette

samedi, décembre 17, 2005

Avec ou sans tatouages ?



Voilà donc les derniers blind bills.

vendredi, décembre 16, 2005

Denise ou François...







Pastiche rochien > Denis Roche, ellipses, laps et autres autoportraits // ou (et)
contre-plongée absurde – sans miroir

(mais) seul(e) – toujours au monde

Ou encore espèce de blog à bill (Charles de Zohiloff) dont le miroir et la mélodie auraient disparus ? (encore)

Avec Christophe Atabekian, lui, lui et encore lui, et encore... quelques blind bills hier, bientôt . Description minutieuse de photos (provenant du blog à bill de Zohiloff), avec tant de tatouages, tant de filles, tant de maquillage, tant de jeans taille basse, et toujours ma drôle d’incapacité à reconnaître une fille d’un garçon, parfois... à suivre...

mardi, décembre 13, 2005

«Nous sommes tous des romantiques allemands»

Wenn ich dich sehe KOMMA
Denke ich DOPPELPUNKT
Der Junge macht mir Kummer
Ich möchte PUNKT PUNKT PUNKT
Dass er mir sagt GÄNSEFÜSSCHEN
Bitte komm mit zu mir
Ja, wann denn FRAGEZEICHEN
Heute um PUNKT vier

Oh oh AUSRUFEZEICHEN, es wäre so schön
Ausruf AUSRUFEZEICHEN KLAMMER AUF, KLAMMER ZU
Oh oh AUSRUFEZEICHEN, es wäre so schön
Ich in deinen Armen, GÄNSEFÜSSCHEN und PUNKT

Heute um PUNKT vier
SEMIKOLON seh ich dich
Du wirst mich abholen
Dann machen wir BINDESTRICH
Du sagst zu mir GÄNSEFÜSSCHEN
Bitte komm mit zu mir
Wozu denn FRAGEZEICHEN
Es liegt allein an dir

Oh oh AUSRUFEZEICHEN, es wäre so schön ...


Dactylo Rock, STÉRÉO TOTAL

dimanche, décembre 11, 2005

Ponctuation



Le cauchemar de la CIA – ceci n’est pas un film...

samedi, décembre 10, 2005

« Nous ne sommes pas tous des romantiques allemands »

Non mais ce blog devient vraiment un blog – parfois...

D’où, récit > Hier, Habilitation à Diriger les Recherches de mon cher professeur Éric Dayre : « L’Absolu Comparé, pour une histoire dissemblable » (& le souvenir de toutes les personnalités contrastées, les sujets de recherche parfois peu académiques – au sens d’une académie propre comme une cantine javellisée –, qui ont pu se croiser pendant le séminaire d’Éric Dayre, entre étude du romantisme anglais, philosophie, esthétique, poésie contemporaine...)
Enfin une bonne nouvelle, donc, pour l’université française – « It smells of mortality » – , qui en a bien besoin de bonnes nouvelles en forme de professeurs audacieux et polémistes, étudiant autre chose que Le père Goriot, quelques thématiques romanesques éculées (dans une vision transhistorique... de deux siècles, ouhla !!!) ou encore des avatars théâtreux mâchés et remâchés jusqu’à perte totale de goût... sans compter les dissections aussi minutieuses que stériles là où d’autres pensées s’ouvrent à l’infinitude du commentaire (« dream fugue » + sortir de la dictature de l’événementiel + di-ssem-bla-ble, tout contre...
Des pensées, comme celle d’Éric Dayre, qui passent du « commentaire » à l’ « œuvre » en créant elles-mêmes une écriture à travers la traduction, la philosophie...

}

Ce qui n’est pas sans expliquer certaines réticences personnelles... (Exemple, ces premières lignes d’un « à paraître » – sabrées de leur contexte, certes ; une tentative d’approche succincte de deux livres : Défiguration et L’Éternel retour de Michel Surya :)

« La parole devrait pouvoir se suspendre là où la littérature porte elle-même sa pensée. La parole sur la littérature – article, note, présentation, critique – faisant un pas de côté, par rapport à elle. Abolie par un processus radieux, euphorique, redonnant sens à la création d’un univers de mots et donc, d’un monde, un espace fou et souverain.

Il n’y aurait de commentaires que comme les décorations d’une fête oubliée, ou comme des papiers accrochés aux arbres par le vent, flottants, fragiles, à la merci de la moindre bourrasque les débarrassant, en entraînant d’autres aux rets des mêmes branches, sans fin.

L’on imaginerait alors vraiment à quel point l’écriture peut être un rapport intime, non pas simplement d’intellect à intellect ou de références à références, de mémoire à mémoire, mais de sensibilité à sensibilité, au sein même de la création d’une langue proclamant que tout est possible, malgré tout... »

vendredi, décembre 09, 2005

auto mobile fiction #1

Cette phrase d’Éric Meunié, présentant son roman à paraître en janvier, Auto mobile fiction :

« … Je répondrai ceci (inspiré d'un récent entretien d'embauche pour atelier d'écriture, qui n'a rien donné) que si j'ai commencé par la forme ramassée, "poétique", c'était d'avoir cru saisir un ordre universel par équations verbales. Aujourd'hui je préfère la fiction et particulièrement les moments de fiction surgis de l'existence elle-même, le travail de l’identité se situant moins dans un destin d'exception que dans la faculté de transparence sur des secrets biens communs. L'autofiction préfigure un temps où la vanité serait le laboratoire de l'universel, me plais-je à croire. »

Le roman suite de l’expérience poétique ?
Chemin ? Moment esthétique ? à lire, à suivre…

(En parenthèse, une autre « autofiction » - fiction automatique –, les Éric Meunié du réseau : styliste, ami d’Éric Chevillard, Taureau avec Lune en Verseau, spécialiste de Malcolm de Chazal, Directeur Marketing, intervenant sur France Culture, expert en télétravail…)

jeudi, décembre 08, 2005

« Logique du Gode »



Barbara Vidal et plein d’autres ont réussi à se procurer LE « Jalouse à 4 € » mais pas moi ! faisant le tour des kiosques d’une mine rougissante face aux « ben non, on n’en a plus » goguenards m’ayant poussé, en guise de rattrapage, à l’achat successif de Science & vie, Le Monde Diplo, Historia, Pif Gadget (c’est déjà un accessoire) et La Quinzaine Littéraire… de quoi faire, au moins, quelques paquets cadeaux originaux.

L’occasion également de citer le Manifeste contra-sexuel de Beatriz Preciado ; quelques notes brutes :

«

Gode = phallus marchandise.

Le gode vaut pour la rupture épistémologique qu’il initie.

Le gode a une valeur critique et non pratique.

Gode = possibilité transcendantale de donner à un organe arbitraire le pouvoir d’instaurer la différence sexuelle et de genre. Le fait d’avoir sorti du corps, sous forme de gode, l’organe qui institue le corps comme masculin doit être compris comme un acte structural et historique décisif dans le processus de déconstruction de l’hétérosexualité comme nature. L’invention du gode est la fin du pénis comme source de différence sexuelle.
Si le pénis est à la sexualité ce que dieu est à la nature, le gode rend effective le mort de dieu annoncée par Nietzsche dans le domaine de la relation sexuelle.

Avoir un orgasme avec le gode, c’est être possédé par l’objet.

Le gode est le virus, celui qui corrompt la vérité du sexe.

Il n’existe pas d’utilisation « naturelle » du gode.

Le gode renvoie à l’impossibilité de délimiter un contexte.

Le gode reconfigure les limites érogènes du corps baisant.

Les partenaires passent, le gode reste.


»

vendredi, décembre 02, 2005

Communiquant

plus j’écris moins je blog / plus je lis plus j’écris / plus je lis moins j’écris / plus je cours plus je cours / plus je rie plus je pleure / plus je bois moins je mange / plus je danse plus je chante / plus je travaille moins je dors / plus je travaille moins j’écris / plus je dors moins je sors / plus j’aime plus j’aime

Quelques gouttes échappées de vases communicants…

… Des classeurs et des classeurs de toile rouge usée. un objet à la fois contondant et maniable = en français et en allemand) en prise avec la tradition (le chant d’amour) et la gravité des douleurs (les lunettes des uns, la pause des autres et tout le monde est si joli). Cruauté, vitesse et p’tites pépés triturées en sous-bois par des papas pas vraiment catholiques, leurs sœurs, leurs frères, leurs aubes et leurs cauchemars, Ça commence par un vague haut-le-cœur, Bartok, Kafka, Shumann et Lizst, dans un carnaval de chair manifeste en prise avec les flux et les époques – de lui inventer des mots d’amour un peu désuets Sinon, louez un DVD ou faites du sport. Alors le corps s’agrippe et se décompose. En mouvements désirants, en membres et en tronçons, en vertiges, en mutilations. chien méchant aux yeux vitreux – donc mort –, & tout finit en chansons…

jeudi, décembre 01, 2005

C'est dimanche !

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Deux coups de sonnette de Pierre Henry, sur France Culture .

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« Deux coups de sonnette,
deux notes douces de violon.

Tout ce que je sais, tout ce que je vois, tout ce que j’écoute,
je le choisis et le structure
comme un temps de sons.

Trame qui serait un lien entre le passé et le futur.

De ces trajectoires je fais de la musique. »

mercredi, novembre 23, 2005

Orchidées & Salami

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Dessin Béatrice Cussol

Dans les bacs ! & bientôt en lecture-concert...

« … I could be a movie star
I could be a baby doll
I could be a truck (as beautiful as)
I could be a fatal machine
I could be a sweet pin up
I could be a dirty flower
(dirty dirty dirty)
I could be a gun
(bang bang bang)

I could be yours
I could be yours
I could be yours

Please

Don’t leave me
Babe
Don’t leave me
Don’t… »

mardi, novembre 22, 2005

« message personnel »

{ ou

l’abC

ou

de la bergère à la bergère }


Le RSS toc à la porte.

Alors on lui ouvre, bien entendu ; le froid dehors, le vacarme des véhicules, on aperçoit même, aux feux rouges, des animaux aux longs cils s’entredéchirer à belles dents en se faisant des sourires ensanglantés et des papouilles dans le sens poli du poil – « comment va votre femme ? Oh, le feu est vert, donnons-nous la main, traversons de concert. »

Alors on lui ouvre, on le fait entrer pour s’extraire de la meute, on ne voudrait pas qu’il prenne froid, et on le dévisage un peu, quand même.

Et ça circule.

On n’a que faire des coups de griffes. Ni des querelles, ni des humeurs. On est au-dessus ou en dessous, bref, ailleurs, non ? Dans une autre tonalité, on joue notre vie toujours en mineur avec accords poker, mélodies en Black Jack et points d’orgue à la roulette. On compte les jetons en les dilapidant. Le temps qu’il fait est toujours un décor indiscret, du Sud au Nord. Le rythme intérieur, souvent absurde, remplace les minutes du cadran. C’est ainsi, on s’adapte. On finit par s’adopter. Oui on est à vif, désespérément à vif, ça goutte deçà delà, du rouge pommette au noir tomate, en sueur de temps qui passe, c’est bien le moins, le poids de l’œil écarquillé, de l’histoire-vertige et de la veille imposée qui hurle en continu les souvenirs, les mensonges, la mort. Alors entre deux gouffres, on vit sa vie en changeant souvent de masque pour qu’on nous laisse un peu tranquille, au jour le jour, tandis qu’on se harcèle en tentant sournoisement de débrancher la machine. On a l’impression d’avoir tout vécu, et puis rien du tout. On aime les eaux changeantes car on risque toujours de s’y noyer – et que ça économiserait une stratégie destructrice de plus. Et puis ça permet de tester ses nages, son souffle, son imperméabilité. Les cheveux trempés et l’avancée en sirène, fendre l’eau, vers. Toujours vers. On aime par-dessus tout les gens qu’on aime parce qu’on les aime, qu’on les a toujours aimé et qu’on les aimera toujours. Parce que ce sont eux (parce que c’est nous) et c’est tout.

Le reste n’est, vraiment, que littérature.

lundi, novembre 21, 2005

dimanche, novembre 20, 2005

Marseille

On ne rencontre pas un personnage de livre tous les jours. C’était pourtant le cas vendredi dernier, à Marseille, avec Nazir Ahmad Nazir, le poète du livre de Liliane Giraudon, Les talibans n’aiment pas la fiction. Outre l’expérience un peu étonnante – encore une téléportation – qui consiste à se balader de Paris à Marseille avec une bande de poètes de tous pays parfois en costumes traditionnels, échangeant comme on peut, dans un anglais atroce – pour le côté français –, décrivant la situation sociale de son pays, le statut des artistes, ses propres textes aussi... quelle distance, justement, que de replacer à leur échelle les milieux, les « événements littéraires », les obstacles (merde, pas de check point, pas d’explosions... la mort garde ici, en général, plus ou moins ses distances jusqu’à la grande rencontre). Et puis la présence physique, l’intensité, la musique des langues, excédant largement la traduction du sens. C’est sans doute en ce sens que l’on peut parler de rencontre « poétique ».

samedi, novembre 19, 2005

L'effacé

La pesanteur du nom avec tous ses cadavres, derrière, comme des casseroles au cul, tous ses souvenirs en papier tue-mouches (collants, bruissants). L.a.u.r.e. L.i.m.o.n.g.i. n’égale pas Anne-Laure Limongi n’égale pas Anne-Laure Louise Marie Limongi n’égale pas Mathilde Lombard, n’égale pas Louise Livert, n’égale pas Mattea Muziotti, n’égale pas Ingrid Chétule, etc. Mais quand même…

— ou :

Ce qu’on efface sciemment sur un blog signé de son nom :

l’amoureux,

le deuil,

l’aventure,

le mièvre,

le malheur,

les peurs,

les énervements factuels,

les fatigues de fins de journée,

les alcools qu’on ne supporte plus,

les nez qui coulent,

les douleurs musculaires,

...

(Prismes : la nostalgie, les lieux à la place des personnes, les clins d’œils et les sur-entendus, la mélancolie, l’élan = périphrases et litotes – des visages, des figures).

Il faut se résoudre au chassé-croisé de la recomposition du tableau (puzzle).

mercredi, novembre 16, 2005

Beam up

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La réalité est juste un peu décalée (puisque c’est le futur). Nous et pas nous avec les pattes en pointe (au lieu des côtelettes à la Elvis, dans les années soixante). L’alien à l’air à peu près humain, mais il a les oreilles pointues, de drôles de sourcils, le sang vert et ne connaît pas les sentiments – oh, le charme glacé de Spoke. Les échecs ont plusieurs dimensions. (On sent bien pourtant que les acteurs déplacent les pièces n’importe comment, comme dans une pièce de théâtre d’école primaire.) Au rang des innovations : les femmes peuvent occuper des postes de pouvoir (médecins, chercheuses) tout en restant cruches avec leurs minijupes, leurs soutiens-gorge pigeonnants et leur choucroute du futur. Et inlassablement draguées, vénéneuses, éconduites, éplorées. Les États-Unis dominent avec bienveillance (ce qu’ils sont gentils) une humanité bigarrée qui a su garder ses accents comme on n’oserait même pas le faire aujourd’hui, et les machines clignotent de toutes parts, manœuvrées par de grands gestes et un vocabulaire inlassablement répété (« space, final frontier », « Enterprise, come in », « distorsion 8 »). Puisque le russe et le japonais sont membres d’équipage, il y a bien d’autres menaces : des androïdes, des entités gazeuses et intelligentes, des sondes détériorées, des formes de vie un peu biscornues, des rochers pensants, des illusions séduisantes, des poisons inconnus et sans remède, des monstres en peluche très très méchants.

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Les échecs ont plusieurs dimensions.

La téléportation permet de surgir en deux ex machina, sans trajet ni trompettes. Elle fait disparaître le voyage et confine l’aventure à l’écran du vaisseau. La téléportation disperse l’identité pour la recomposer. Ce faisant, elle risque toujours le couac : tuer le téléporté sans que l’on puisse se représenter comment ses molécules se disperseront dans l’infini et si elles y trouveront un jour quelque finalité. (D’une métaphore que l’on pourrait utiliser – rebrancher – comme l’a fait Daniel Foucard.)

Et après ?

Monsieur Spock, alien vulcain censé vieillir quatre fois moins vite que les humains s’est révélé tout aussi ridé que ses petits camarades dans les derniers avatars de la série.

Monsieur Sulu vient de faire son coming out, scandalisé par l’attitude du gouverneur de Californie Arnold Schwarzenegger (encore une téléportation ?) refusant de légaliser le mariage homosexuel.

Et l’on dispersera les cendres de James Doohan, l’acteur jouant le rôle de Scotty – le responsable de la salle des machines – le mois prochain dans l’espace, pour de vrai...

lundi, novembre 14, 2005

Poésie, etc., costume

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Vendredi à Marseille, Poétesse 3 la mission...

samedi, novembre 12, 2005

Banal lambeau de rêve, en attendant

L’envie de prendre des photos tout le temps mais le poids de l’appareil gêne ainsi que toutes les pesanteurs – et le compact numérique d’un autre temps – se sentir le dinosaure d’une époque de clic clac de chambre claire mécanique, de noir et blanc, (de vieilles correspondance à stylo plume aussi), de profil reconnaissable en objectif, sans en supporter l’inconfort, ahhhhhhhhhh le caprice, le dilemme.

Aujourd’hui – c’est l’aujourd’hui en blog, l’instantané des petits enfants sages – il pleut comme une vraie journée d’automne. Cela me rappelle toujours cette poésie apprise à l’école primaire et qui me semblait si exotique, récitée de Corse : Anatole France décrivant le jardin du Luxembourg à la rentrée des classes, déjà froid, déjà des feuilles mortes se ramassant à la pelle (mais ça ce n’était déjà plus lui) – et nous, nous allions toujours à la plage en imaginant ses culottes courtes en laine rêche, pauvre Anatole – aujourd’hui, « il pleut sur mon cœur comme il pleut sur la ville » conviendrait aussi, mais c’est décidément trop exotique la poésie qui va à la ligne avec des échos comme les sémaphores gnangnan d’une grand-mère qui ne cesserait de prodiguer de bons conseils « mange ta soupe », « mets des gants », « lave-toi les dents », « ferme mieux ton manteau », « sourit à la dame »...

Le fil et la lecture, aussi :

Il y a donc la guerre quelque part

Au moins des images nouvelles.

ne pas y penser, non, nous sommes perdus

(Je pourrais encore nager jusqu’à l’île)

les étoiles fixes défient tout évaluation. Plusieurs scintillent rouge, comme en colère, d’autres d’un bleu d’esturgeon

ne pas y penser, non, nous sommes perdus

banal lambeau de rêve

d’un vert sans fin

je suis mon unique objet – moi, et quelques étoiles

(Plusieurs scintillent rouge, comme en colère, d’autres d’un bleu d’esturgeon)

Tout cela n’est-il pas devenu un conte ?

ne pas y penser, non, nous sommes perdus

Un vocabulaire limité à certaines teintes vocales


Voilà pour la trace du jour glissant, en attendant

samedi, novembre 05, 2005

I love him so much

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John Giorno est à Paris – dès mercredi.
Ses Poem Prints, sa voix, ses livres...

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(Par Burroughs)

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(In Sleep)

mercredi, novembre 02, 2005

Toujours du vert

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Ce n’est pas un hasard que la couverture de ce singulier R. de Céline Minard soit un miroir vert – d’un vert changeant – au plus profond duquel on discerne ses propres pupilles, ses traits concaves ou convexes – selon le mouvement que la main imprime au livre –, telle une invitation à la recherche mémorielle, anecdotique. L’annonce d’une subjectivité un peu torve, très très feuillue.

Ainsi, sous le haut patronage du Rousseau des Confessions, entre t-on de plain-pied, la première page tournée, dans le mécanisme subtil d’un pastiche de roman picaresque au style délié et précieux. Une allure intemporelle faite de tournures recherchées, de langage parlé et d’intrusions technologiques. Une écriture prenante qui entraîne le lecteur aux rets des rebondissements de ce parcours initiatique aux alentours du Lac Léman...

Tour à tour fils oisif, marcheur invétéré, bon vivant, Robinson... le narrateur, fils de et cousin de R. s’aventure dans sa propre vie, à pied. Car le rythme en est ainsi propre à la contemplation et autres aventures – factuelles, amoureuses, mes-(aventures)... De la tentation de l’ensauvagement à celle de l’idylle, l’on aboutit à la recherche d’une langue qui serait apte à traduire cet être au monde-là : piéton, changeant, espiègle, jouisseur, musculeux, contemplatif. Une langue et des inventions un peu absurdes, mais finalement pas tant que le simple fait de respirer, en société, baladant son regard sur ses congénères industrieux, d’un calme feint, de droite et de gauche, alors qu’un feu intérieur vous exhorte à l’anéantissement de toute activité. Lettres, frise spatio-linguistique et surtout dossier comptable final (vous permettant à votre tour de tenter l’aventure, à moindre frais) complètent ce manuel de survie.

« ... Quelle paix pour nous, cher Rousseau ? Quelle paix possible ? Se retirer du monde n’est pas la solution, vous le savez, nous le savons. La nature, la nature, ohlala, laisse parfois apercevoir dans ce qu’elle fournit de drogue vivante au corps vivant ce que c’est que l’apaisement passager. Mais la paix ? L’équilibre ?... »

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R. de Céline Minard, Éditions Comp’act

lundi, octobre 31, 2005

Vert ami

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Le vert est détestable, manie anxiolytique. Le vert est la boue et le silence. L’épaisseur familiale. Les extrémités froides des frileux, les conducteurs à casquettes, les insectes urticants. On peut pourtant parfois en supporter la pesanteur, l’oublier. Le vert disparaît pour ne garder que son relent acidulé d’enfance (l’imitation du parfum « herbe coupée »). On redécouvre le mot « campagne » en lieu commun, comme un enfant, oh c’est joli la campagne, la vache et le marché. On occulte le noir et le sel. C’est la présence d’amis. De sursis dans la tourmente permanente, à pic. Pourtant c’est le pire des verts. Assez plat. Avec étangs et pêcheurs qui touillent dedans. Toujours le fantasme de la mort de l’étang. L’odeur des maisons de campagne. L’intrusion dans des passés étrangers. Des fantômes inconnus qui surgissent doucement. C’est ce qu’on appelle une parenthèse. (La douceur, le sentiment.) Jusqu’à aimer le vert, finalement. En voilà une autre.

{Difficulté subsidiaire – dans ce qui serait la « fonction journal ». La touche « ,/ ? » du clavier se détache à la moindre pression, il ne manquait plus que ça... C’est extrêmement troublant, carrément un supplice de penser au claudiquement dès le doigt posé... et l’impossibilité de changer le clavier, bien sûr (argent trop cher). Encore un exercice de contorsionniste après et pendant tant d’autres. Fatigue.}

dimanche, octobre 23, 2005

Déclics, stations

(Pas d’images, elles sont .)

Écrire ces quelques mots comme on traverserait une rivière à gué. (En étant presque sûr qu’on finira dans l’eau, ou une cheville foulée, bref, sans avoir pu garder l’équilibre).
D’où > les notes, en vrac.

Blogomane (comme on dit graphomane), Charles de Zohiloff est également un prédateur à objectif du métro parisien, ligne 1 très exactement.

Tout cela forme un ensemble. La manie, la multiplicité d’univers qui se répondent, le croisement de milliers de visages, la répétition de la prise, les allées-venues souterraines, la composition des posts, le ressassement, le lien de lien de lien (connexions).

Représentation excessive de la photographie elle-même,
oxymore,
douce violence du cliché,
les voyageurs, pris au vif, manifestent parfois une présence froncée, amusée, sombre, interrogative, contrariée, charmée – ils voient le photographe et deviennent une partie de ce paysage urbain en mouvement – son manège.

(Ville bocal.) Flux agités, pressés, hystériques, malades, amoureux, perdus, désespérés.

J’aime les visages et le regard qui les voit. Les attitudes, la lassitude des journées industrieuses, les jambes croisées, le théâtre des portes qui s’ouvrent et se ferment, le mouvement qui retient à la barre central, le flouté des soubresauts de la machine, le miroir crée par l’obscurité des tunnels, les premiers plans qui surgissent drôlement. (Le lien de la dissonance).

& j’aime aussi le fait que ces images flottent sur écran, quotidiennement renouvelées, prises dans le réseau complexe de la toile Zohiloff, frappant à la porte en RSS, apparaissant en lieux intimes, en n’importe quel réseau.
Ce serait le lieu d’un nouvel humanisme en un temps spectaculaire et spéculé.

samedi, octobre 22, 2005

À vif mais productif

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« Être artiste, c’est savoir gérer ses blessures, pas se laisser dominer par elles. »

(remontrance à la Star Ac)

vendredi, octobre 21, 2005

lundi, octobre 17, 2005

Choisir sa fuite

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C’est le temps du trifouillage dans le moi et de l’exfoliation en profondeur (épouse x ou veuve y, tout est affaire de cases, de remplissage, de couleurs de formulaires plus ou moins passées).
Ça pourrait être drôle mais ça gratte, seulement. Les os qui remontent avec toutes les pilules qui ne sont jamais passées. On ne peut pas s’empêcher de trouver ça extrêmement surfait, ridicule et la bibliographie qui va avec. L’image de millions de pages tournées, feuilletées, ça, ça, surmoi, le chœur professoral, les divans parisiens, et ron et ron petit patapon, mon moulin va décidément beaucoup, beaucoup trop vite — ajoute t-elle, avec des mouvements de bras.

« On se calme et on boit frais », ce devrait être un mot d’ordre.

(Changer d’île).

En attendant, on continue à se lamenter sur les mensonges de sa vie grossis à la loupe, à manger trop de gluten, à acheter Biba en période de déprime, à ne pas supporter le métro aux heures de pointe – définitivement, à boire alors qu’on ne supporte plus l’alcool, à constater qu’on a un bien petit nombril, à gâtifier avec son chat comme une grand-mère perdue pour la science, à lire Arno Schmidt en grommelant qu’on aurait dû faire allemand, à récupérer difficilement après quelques menus excès, à avoir envie de changer de coupe pour se dégonfler 5 minutes plus tard, à danser un vieux pogo des familles dans son salon à 6 heures du mat’ sur de la techno minimale en nuisette petit bateau 14 ans délavée, à se dire que ça serait bien de s’intéresser aux prochaines présidentielles, quand même, à se trouver une sale gueule, à ne pas réussir à ranger ses papiers de grande personne correctement, à subir des ambiances de bureau qu’on aimerait bien transformer en carnage pour amateurs de tartare, à constater l’augmentation exponentielle de sa bibliothèque, à se payer une ostéo pendant qu’on fait patienter EDF, à se balader dans lastminute.com en rêvassant, à ne jamais se trouver assez de curiosité, à avoir peur de son ombre, à aimer ses ennemis, à compter ses amis, à constater que ce soir – juste ce soir, hein ? – on a davantage envie de regarder un épisode de Star Trek qu’un Godard même plus trouvable en VHS, à aimer l’air de la ville comme celui de la mer, à traquer le faux pas, à se rendre compte qu’on revend toujours le livre dont on a besoin une semaine plus tard, à se demander ce qu’on a bien pu mériter, etc., à se répéter que ce qui ne te tue pas ne te tue pas (et c’est déjà pas mal, en fait, quand on y pense), en vivant avec une fraîcheur sans cesse renouvelée, l’arrivée de lendemains aux aubes transparentes – même si parfois malades à l’astre cou coupé sur les bords – teintées de rose et de bleu...

L’histoire immédiate.

dimanche, octobre 16, 2005

... je suis mon unique objet – moi, et quelques étoiles

Il y a quelques mois paraissait le Journal de mes sons de Pierre Henry, dont le texte – un montage du texte – lui a servi à créer l’œuvre « Deux coups de sonnette » qui sera diffusée le dimanche 4 décembre prochain à 22h30 sur France Culture.

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Journal de mes sons comme on dirait Impromptu du moi ou Confessions musicales... Pierre Henry se livre ici à une entreprise autobiographique qui est à la fois un commentaire incarné de ses œuvres et la constitution par l’écriture, d’un « je » physiquement sonore, personnalité constituée à travers la réception auditive du monde, son écoute et sa transformation. « Je » démiurge, donc, et spectateur du grand théâtre bruissant entre nature et industrie, culture et rumeurs organiques :

« Si les conventions musicales, l’harmonie, la composition, les règles, les nombres, le côté mathématique et les formes avaient un sens par rapport à un Absolu, aujourd’hui, la musique ne peut en avoir que par rapport aux cris, au rire, au sexe, à la mort ». (1947)

Ce recueil de textes écrits des années 40 à nos jours permet de multiples lectures. Celle d’un « simple » journal, tout d’abord, recensant les souvenirs d’enfance, les récits de concerts, les témoignages d’amitié et d’affection à ses proches/complices créateurs. La lecture d’un texte littéraire à part entière, aussi, de par la présence de poèmes que l’on pourrait appeler « électro-acoustiques », de pages de prose cadencée, de par le souci extrême de l’auteur du choix d’un mot, de l’équilibre d’une phrase. Pierre Henry multiplie d’ailleurs les allusions à une intrication, dans son esprit, entre matériau langagier et musical : « Je n’écris pas ma musique avec des notes mais avec des mots » ; « Je travaille dans mes dictionnaires de sons ».

Les amateurs de musique contemporaine – pas forcément de musique savante, disons : les oreilles curieuses de toutes obédiences – peuvent trouver ici à la fois une histoire de la révolution électro-acoustique, des précisions concernant certains virages technologiques, des textes explicatifs de certaines œuvres de Pierre Henry... mais aussi et surtout assister au développement d’une pensée qui a choisi de s’attaquer aux valeurs constituées, aux schémas appris pour recréer sa logique propre. L’étalage des rouages du moteur par son célibataire même, pourrait-on dire. Après avoir dénudé les matières sonores, dévoiler les impulsions, les déclics, les genèses.

Enfin, pourquoi ne pas envisager une lecture musicale de ce Journal de mes sons ? Se prendre au jeu de son créateur et en jouer les différentes parties, à loisir ? Bouleverser les chronologies, mixer les éléments, aller, revenir, superposer les souvenirs auditifs aux siens propres... ce serait une manière d’interagir au refus des frontières de l’œuvre de Pierre Henry ; le Journal de mes sons serait l’une des pièces à jouer de l’artiste tout comme ses créations sonores constitueraient d’autres architectures verbales, à déchiffrer... Quelque chose aux confins : « Ah ! si l’on disait un jour de ma musique ainsi que l’on peut lire sur l’un des cartons du film (Nosferatu de Murnau) : « ici commence le pays des fantômes »... N’est-ce pas tout simplement la définition de la poésie ? ». Des formes en devenir car déliquescentes, sans cesse créées ; des espaces incertains, en cela encore « innommables » d’une existence bruissante, à la recherche de sa grammaire propre. Un objet terriblement concret et évanescent à la fois. En tant que tel, il incarne la complexité limpide de l’œuvre de Pierre Henry : tour à tour savante et populaire, sobre et excessive, solitaire et fusionnelle. Une façon de proclamer la fin des manichéismes. Ou encore : le solfège est mort, c’est nous qui l’avons tué. Vive les sons ! Vive les matières !

— Tu lis les catalogues, les affiches qui chantent tout haut. Voilà pour la poésie ce matin. Et pour la prose, il y a les « Journaux »...


Journal de mes sons de Pierre Henry, Éditions Actes Sud.

samedi, octobre 08, 2005

Considérations techniques (il en faut)

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Opté pour un répertoire de liens, plus extensible que la liste ci-contre. Rendez-vous donc ici pour les rebonds et autres échos en évolution.

{... ce qui – en réponse indirecte à C. A. – remplace le précédent système de rubriques mis en place, plus ou moins insatisfaisant car trop statique (et donc, notamment, la spontanéïté de l’ajout de liens)...}

jeudi, octobre 06, 2005

Plume

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Les pixels définissent l’image. Leur densité, sa résolution. (Le DPI est un autre nom de la texture – peau).
De la note à l’œuvre : résolution, rédaction.
{to be continued}

dimanche, octobre 02, 2005

« La poésie naissait de la présence des objets»

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« ... éveiller d’autres échos que les rots de ces messieurs-dames qui viennent au cinéma pour digérer. »

Jean Vigo, « Le point de vue documenté » (présentation de À propos de Nice).

samedi, octobre 01, 2005

En allongeant le pas

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La vitesse ronge. De même, l’absence de nécessité environnante colle en mauvaise sœur-sueur. Hypocondriaque des manquements de l’époque (on ne va tout de même pas ruminer en vieux con/vieille conne.) Quelle puanteur ! Le dos heurte et c’est bien normal. Plafond bas, pesanteur de l’air. « On essaie quelques calembours Ou bien ». On se souvient. « J’ai dans la tête d’étranges choses qui réclament ma main. » Le profil de l’angoisse, l’Aiglon des jours sur un vieux livre qui sent le cuir rance. L’incrustation s’oxyde. Alain Robbe-Grillet parle de Barthes comme un tailleur virtuose ajuste un costume : « Il aimait les traîtres, il aimait trahir, et c’était un côté de son caractère qui était très positif, parce qu’il aimait se trahir lui-même, bien entendu. » Justement, on a dépassé la déception (ou bien c’est elle). Le cœur disséqué dans Jacques, c’est toute la viande creuse qui nous reste – encore une lame à la main pour achever sa route. Avec un peu de dégueulis sanguin histoire de rajouter du sentiment (for real). La trivialité serait une bonne raison d’inscrire, de noter, au jour le jour. Mais on n’y arrivera jamais. Ni à coller à l’odeur, ni à maintenir le rythme – la vitesse ronge. Même en accumulant comme un chien.

« Chapeau. Vu le contexte ! Entre deux micros crochets journalistiques, Monique, Sean et Tchernachevski ont rv aux stocks. Tchernachevski prétend avoir un lien de parenté avec le célèbre philosophe russe du 19e, auteur d’un : Que faire ? un des plus beaux titres de l’histoire. Commencer par Que faire ? Chapeau. Vu le contexte ! Conclure par Que faire ? là d’accord. On eut mieux compris que commencer par Que faire ? par exemple. Monique préférerait encore Quoi faire ? c’est plus personnel. Plus proche du corps, des occupations du moment plus proches de soi. Quoi faire ? maintenant devant nous. Se lever ? Rester assise ? Vous écouter ? »*


——————

Compact, Maurice Roche, Tristram, p. 25.
Préface à une vie d’écrivain, Alain Robbe-Grillet, Le Seuil, Fiction & cie. p. 187.
Je ne sais rien d’un homme quand je sais qu’il s’appelle Jacques, p. 49.
*Peuplements, Daniel Foucard, Al Dante, p. 53.

dimanche, septembre 25, 2005

vendredi, septembre 23, 2005

Virage (factuel) dans la continuité

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Gueuler avec le flot l’inconsistance de l’époque. (La meute.) Que faire d’autre ? Marasme. Hontes politiques. Dégoût social. Nausée littéraire. Les formes du marché. L’informe démarché. Le désir de prophètes. Le drapé de la bonne conscience qui se croit punk. Et moi, et moi, et moi. Juste étouffer mais gueuler quand même et puis faire psssssst, psssssst, psssssst. Là, s’insinuer (la forme). Quand même –2–, merde.

& danser

Mais aussi :
Rappeler (et se) la complexité. (cf. Morin, entre autres)
La complexité nécessaire de la pensée.

Affirmer une méfiance vitale à l’encontre du blanc et noir (le blanc versus le noir et vice-versa, ou encore L’Empire contre attaque.) Tarte à la crème totalitaire sans mémoire qui tourne et retourne sa veste. (Corollaire, narguer l’adage : « Amis d’hier, ennemis de demain. » Et si le ridicule tuait ? Que d’espace…)

Respirer mieux, tout de même.

Vite, les vœux non pieux et le dévoilé-déplacé – notes de fond de disque dur. Éviter, malgré l’enthousiasme, une forme d’écriture militante trop grandiloquente pour être honnête (du moins, tâcher.) Façon les cuivres, la fanfare, les insignes, le chant des purs, les mains crasseuses des autres, le monopole de l’utopie.

Idem pour la biographie. Out les allitérations geignardes, les assonances affectives et autres complaisances aux cheveux teints (et les racines alors ?). L’attirance de la compassion aux orties du pourcentage d’auteur (encore : essayer). Les mouchoirs suffisent – jetables – à l’inverse des personnes (le simple souvenir des moments passés = l'amitié, toujours). Mais la douleur et l’histoire. La sécheresse de la pupille fixe-sans-ciller, rappelle : les personnages, les mythologies, thèmes et variations. Dérouler.

Êtes-vous sûr de vouloir redémarrer maintenant ?

Respirer mieux, tout de même.

Ouais, c’est sûr. Décidément, respirer mieux.

...

mardi, septembre 20, 2005

La Vénus à la fourrure de Yapou

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Yapou, bétail humain de Shozo Numa paraît dans quelques jours. Un monument de la littérature mondiale, dont l’impact devrait se révéler aussi fort que celui d’œuvres comme Vie et opinions de Tristram Shandy ou encore Eden, eden, eden. À quoi peut-on le deviner ? La sensation de rencontrer un univers qui nous habite déjà, en creux, un enfer qui nous est familier, lien entre l’impact idéologique des Cent vingt journées de Sodome et l’avénement de la bombe atomique (Yapou, bétail humain a été écrit dans les années 50). Ou encore : l’invention du masochisme et la révolution politico-sociale qui en découle.

Cette fresque post-moderne trace les contours d’un autre monde, fictif, futuriste, EHS, gouverné par les femmes (des femmes d’origine anglo-saxonne, évidemment belles et dominatrices, aimant à jouer de la cravache) et au sein duquel la « race jaune » et plus particulièrement sa branche japonaise appelée « yapou » (nulle trace de chinois, en effet...) n’est plus considérée comme humaine mais comme une matière première intelligente et servile servant au confort et aux caprices de l’élite blanche. Une conscience « viandeuse » à modeler selon ses besoins et désirs. Cuir de Yapou, meubles yapou, toilettes yapou, baignoires yapou, yapou réduits, mutilés, démembrés... Bref, un avatar d’une idéologie que l’humanité n’a que trop subie et ne subit que trop : esclavagisme, fascisme, nazisme...

Yapou/ma peau

Reprenant la tradition de Jonathan Swift et du voyage fictif, Shozo Numa imagine qu’un vaisseau spatial chute sur terre dans les années 196X, découvert par un jeune couple : une allemande et un japonais. Les tribulations de la rencontre de la pilote – jeune noble intrépide – et des deux jeunes gens les amèneront à découvrir l’étrange univers d’EHS que nous décrit l’auteur avec force détails dignes d’un Jules Verne, alternant adresses au lecteur (dont l’humour pourrait également faire penser, parfois, à Laurence Sterne) et digressions techniques. On songe également à la tradition du roman philosophique telle qu’elle a été développée par le Sade de Aline et Valcourt, que Shozo Numa cite d’ailleurs comme l’une de ses références. On devine aisément, dans un tel monde, quels seront les sorts respectifs de la jeune femme à la peau claire et de son fiancé japonais. Mais, redoublant l’horreur de la condition yapou, le lecteur assiste avec effroi à l’évolution fulgurante des sentiments de la jeune femme... miroir de ce que serait la réaction d’individus appartenant à la « classe dominante » dans une situation équivalente, quelles que soient leurs réticences et certitudes de départ.


Yapou/Japon

Shozo Numa a été soldat vénérant son empereur à l’égal d’un dieu, adorant son pays comme une terre bénie, prêt à mourir pour l’Empire du soleil levant. Prisonnier de guerre, il a subi l’humiliation d’une femme blanche semblant tout droit sortie de La Vénus à la fourrure : « J’étais un chien jouant avec la pointe de ses pieds, j’étais un cheval sur lequel elle s’asseyait pour être promenée. » – écrit-il dans la Postface de 1970. De plus, vivant avec ses compatriotes « les ténèbres de la civilisation de l’atome », il a connu la perte des illusions, la chute vertigineuse de l’impérialisme nippon ; une désillusion transformée, selon ses propres termes, en excitation masochiste par la captivité. Ce qui l’a amené à incarner le complexe d’infériorité des japonais par rapport aux blancs dans cette œuvre terrifiante, honnie, comme on l’imagine, du Japon de l’après-guerre.

« Yapou, bétail humain est le plus grand roman idéologique qu’un japonais ait écrit après-guerre. Ce que j’admire dans ce roman, c’est qu’il apporte la preuve que le monde change. L’une des prémisses de ce qu’on appelle le masochisme est que l’humiliation est une jouissance ; à partir de là, quelque chose est possible. Quand ça se réalise, ça prend la forme d’un système qui finit par recouvrir le monde entier. Plus personne ne peut alors résister à ce système théorique. Et tout finit par y être englobé, la politique, l’économie, la littérature, la morale. Ce roman parle de cette terreur. » commente Yukio Mishima.


Yapou/et nous

Yapou, bétail humain crée en effet un univers extrêmement cohérent, malgré ses prémisses révoltantes, inacceptables (les noirs sont des demis-hommes, les yapous ne sont pas humains, les blancs sont des dieux.) Les descriptions de mobiliers humains, les terribles mutilations qui leurs sont infligées sont narrées avec tellement de froideur qu’elles semblent s’inscrire dans une logique implacable. Dès lors, l’inimaginable, l’enfer se meut en une épopée lisible – quoiqu’en désaccord total avec tout principe acquis. Le manichéisme se renverse avec une éloquence vertigineuse. Ce catalogue d’une civilisation qui ne peut que nous faire horreur s’impose comme un prisme de notre monde et en acquiert alors une aura magnétique.

« La théorie de la domestication du Yapou, s’appuyant sur sa non-humanité, permit de rationaliser son élevage de la même manière que la « théorie de l’évolution » avait permis de rationaliser le capitalisme en faisant de la libre concurrence une loi de la nature. »

Parallèle qui ne peut que glacer le sang... car finalement, ôté le merveilleux de la narration, l’allégorie, les inventions futuristes et la beauté surnaturelle des femmes blanches décrites, en changeant quelques distributions de rôles (on pourrait tout simplement remplacer « yapou » par « pauvre », en conservant un code de couleurs adapté), Yapou, bétail humain, est-ce vraiment de la science-fiction ?...

dimanche, septembre 18, 2005

jeudi, septembre 15, 2005

Remarquez…

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On tombe aussi sur Sapho (toujours entre autres)…

On se calme et on boit frais…

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Alors, voilà sur quoi on tombe – entre autres – lorsqu’on tape poétesse dans Google Images…

lundi, septembre 12, 2005

«Mais où est Alban Liechti ?»

La rumeur...

Entre Osez le rosé ! et Écrire pour rire... les hasards de l'ordre alphabétique (Limongi, entre Liechti et Lobry)...
(in Fête de l'Huma, Village du Livre)

lundi, septembre 05, 2005

Bibi c'est lui

Doury/Pennequin

Moins ça va, plus ça vient. La littérature et la consommation de masse. La nécessité et la publicité. L’écriture et l’aliénation. Moins ça va, plus ça vient. Qu’importe le prix – incarné – qu’importe la souffrance, il est des choses qui résistent à l’engluement généralisé, malgré tout. Moins ça va, plus ça vient. Moins ça va plus ça s’écoule, le trop plein du dire, dans la langue apprise, malgré cette langue apprise, la langue des autres qu’il faut malmener sans cesse à la recherche, tâtonnante de la sienne. Moins ça va, plus ça vient. Tel est le mouvement d’une écriture qui progresse, inexorablement, en un flux continu s’imposant comme l’une des grandes voix de la littérature contemporaine, celle de Charles Pennequin.

Avec une discrète fermeté (on pourrait parler aussi de violence paisible. Ou encore de poète gendarme... bref de grand écart critique) Charles Pennequin pose des syllabes de lui-même, bégayant les « bibi » sans les ressasser, sous forme d’objets verbaux drôles et acérés. On peut le lire en plaquette mais aussi chez Al Dante et P.O.L., notamment. Et beaucoup en revues, collectifs... Il serait sans doute bien difficile, déjà, de constituer sa bibliographie complète. Ce mouvement de dispersion de l’écrit, de croisement avec des artistes, d’autres écritures est conforme au « style » de Charles Pennequin : phrases rythmées, presque percutées, progressant pied à pied toujours plus loin en soi, le soi qui est la langue et le malaise de la langue, le soi qui ne sait pas très bien combien il est mais qui tente, tout de même d’y voir un peu plus clair dans tout ce magma, de trier, de compter, d’énumérer...

D’ailleurs, évacuons d’emblée la question du genre et tant pis pour les rayons des librairies. Prose ? poésie ? prose poétique ? Prose et poésie. Ponge aurait sans doute parlé de proésie. En tout cas une écriture qui excède ces questions de plus en plus obsolètes. Textes indécidables. Certaines écritures dites critiques en font également partie. Je serai bien en peine de dire si Charles Pennequin écrit du roman ou de la poésie. Lorsqu’on parle de création littéraire, de telles divisions deviennent caduques – de faire œuvre, s’entend, pas de production commerciale...

Charles Pennequin, donc, travaille la langue à même sa matérialité. Si l’on voulait céder à la facilité de la comparaison, on parlerait de quelque chose d’un Beckett mâtiné de Céline. Pour ne pas dire la répétition obsédante, progressive, haletante, l’oralité en plus. L’oralité héritée et réappropriée, digérée, recrachée avec plein de petits bouts de soi qui dépassent, plus ou moins éraflés, sans stature ni pose. Charles Pennequin est loin de se regarder écrire. Ce serait même le mouvement inverse. Il écrit pour voir quelque chose. Voir se former quelque chose sans rechercher le carcan d’une forme. Comme dans cette lecture-performance où il prononce une phrase comme les enfants lisent pour la première fois une unité grammaticale tout entière sur le tableau noir. Il dit une phrase ainsi, lentement et avec une certaine difficulté, enchaînant les mots en les déhanchant un peu, tout en l’écrivant tout attachée (sans séparer les mots entre eux) sur une feuille blanche. En général, il est assis à un petit bureau avec une petite lampe, tout penché sur la feuille, d’un air appliqué. La page terminée, il prononce pareillement une autre phrase. Le mouvement de succession des pages semble sans fin. En général, il effraie un peu. Impression d’étouffement, de fascination. Avec envie de sortir, de s’enfuir en courant. On a l’impression que cela ne finira jamais, que ce n’est pas fait pour finir. Le bureau à l’air trop petit pour lui. Ou alors l’effet de réminiscence scolaire est tellement fort que le souvenir déforme le mobilier et nous replonge dans nos salles de classe respectives, quand les signes autrefois opaques qui recouvraient murs et livres sont devenus peu à peu familiers, avec plus ou moins de douleur selon les cas...

Lire et écouter Charles Pennequin, c’est vivre cette expérience-là. Une renaissance dans la langue qui est création de sa propre langue. Un mouvement d’une violence extraordinaire, pourtant sans coups d’éclat ni effet thématique facile. Toute l’efficacité subversive vient de là. En soi, sans gesticulation. Un simple enchaînement de mots qui ruine la belle assurance du flot langagier qui nous noie, chaque jour. Une entreprise proprement révolutionnaire.


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Série Reprint/Noprint (en bien sabré) # je-ne-sais-plus-combien...

dimanche, septembre 04, 2005

Love your enemiEs (speciale dedicace)

DanielJohnston1

Daniel Johnston chante et c’est un peu comme si vous étiez encore dans le rêve (celui qui finit par réveiller) comme si vous aviez bu comme si vous vous en foutiez comme si les formes aahhh les formes comme si ben oui quoi je fais ce que je veux comme si j’ai toujours huit ans comme si j’aime quand on entend bien la batterie faire boum boum boum.

Mais c’est vrai.

(Ni lo-, ni brut, juste)

What the world needs now, it’s love sweet love...

Il faut bien que ça grince un peu quelque part.

Dans le relief sans beauté belle, dans l’épaisseur de la vie, dans le faire ( trait de feutre écrasé, accord plaqué).

So...

dimanche, août 28, 2005

Petit moment poétique #1



Vache affable, la nature vous va si bien – en appartement. Le temps qui passe fait yé, yé, yé mais on le sent quand même.

La maladie de la mort

Pré aux clercs

autoportrait au mal de dos / autoportrait au manteau / autoportrait à l’inquiétude / autoportrait au grand soleil / autoportrait avec chat / autoportrait avec horloge / autoportrait au fantasme / autoportrait excédé / autoportrait en plein travail / autoportrait au souci / autoportrait au recoin / autoportrait mal cadré / autoportrait à l’euphorie / autoportrait au Sacré-Cœur / autoportrait au retour de course / autoportrait au retour de corse / autoportrait qui ne tourne pas rond / autoportrait sans famille / autoportrait il n’a pas changé / autoportrait nu vanité et pièce de genre / autoportrait aux cheveux courts / autoportrait au sentiment amoureux / autoportrait jusqu’au bout de la nuit / autoportrait au billet de 500 euros / autoportrait au doute / autoportrait à la déception / autoportrait au rouge à lèvres / autoportrait dehors il pleut / autoportrait il faut savoir raison garder / autoportrait au serment / autoportrait au ras-le-bol / autoportrait au mensonge / autoportrait à la migraine / autoportrait à l’angoisse / autoportrait demain est un autre jour / autoportrait au cheval de bois / autoportrait à la petite robe noire / autoportrait triché / autoportrait au whisky / autoportrait dieu est mort mais je n’y suis pour rien / autoportrait à l’œil sombre / autoportrait à la tête froide / autoportrait au sang chaud / autoportrait à la bibliothèque / autoportrait demain n’existe pas / autoportrait à la méduse échouée / autoportrait à la trouille / autoportrait en musique / autoportrait au jeu / autoportrait à l’amour en fuite / autoportrait au sourcil froncé / autoportrait au restaurant / autoportrait au délire de tumeur / autoportrait en attente / autoportrait qui n’y pense même plus / autoportrait sous influence / autoportrait avec amie / autoportrait au détour / autoportrait préoccupé / autoportrait avec souvenirs / autoportrait au désespoir / autoportrait au fou rire / autoportrait aux ressemblances / autoportrait au train / autoportrait à l’adversaire / autoportrait qui se souvient d’Elvis / autoportrait au pseudonyme /

mercredi, août 24, 2005

UNDERGROUNDZÉRO

Métro

Monter dans une rame remplie de passants , d'inconnus lecteurs. Leur voler des mots, des morceaux de phrases, des regards (échange). Reporter, accepter les heurts, la collision des textes, les rencontres. Sortir à la station prévue et reprendre le cours habituel de sa journée, de sa nuit avant de recommencer. Inscrire le flux – juste inscrire, sans montage ni retouche – laissant apparaître les jonctions de hasard... Ajouter la circonstance évoquant l’ « état » (météo personnelle), les fragments de phrases manqués, les titres au loin, en évocation.

lundi, août 22, 2005

To Every Man His Own Gould



... Glenn Gould analyse chaque mouvement en train de se faire ainsi qu’avant de le faire. Une architecture de muscles, de chairs et d’os. Autrefois le piano avant la tyrannie d’une vieille amante. Il fallait s’y plier. La servir. Ses caprices. Glenn Gould sourit. Le piano vous tenait. Vous parliez sa langue, plié, voûté, en retrait de ses gammes, de ses allants, de ses envolées romantiques. Des assauts entre l’instrument et vous, la sensation « tête dans les mains » de l’émotion. Le bagne suintant le rose et le bleu, les parfums lourds. Une cage dorée. Autrefois on était comme « revêtu » du piano et de ses habits trop serrés. (Glenn Gould pense à Mc Luhan). Alors qu’il faut se libérer de l’engagement du toucher. D’ailleurs il préfère jouer du piano en conduisant sa voiture. Jouer du piano les mains sur le volant. Mais cette approche est un peu perverse, non ? Se libérer de l’engagement du toucher. De toute façon c’était lui ou moi. Ou vous. D’où le refus des concerts, leurs simagrées. L’observation voyeuse de l’interprète suant. L’attente de la fausse note ou de l’envolée. Son visage, sa queue de pie, l’intervalle entre les morceaux. Un commerce qui ne s’avoue pas. Et les toussotements. Les places réservées aux VIP qui somnolent. Être là pour être là, en attente. Glenn Gould tourne le dos, multiplie les identités. D’ailleurs il préfère jouer du piano en conduisant sa voiture. Jouer du piano les mains sur le volant. Pour chaque heure passée en compagnie d’êtres humains, une multitude d’instants solitaires sont nécessaires. Histoire de réajuster son point de vue. Une hygiène. Il faut se libérer de l’engagement du toucher, des mouvements cinétiques. Une architecture de muscles, de chairs et d’os. Labyrinthe personnel. Il n’y a aucune raison de se contenter d’une seule sonorité du premier au dernier sillon. Le piano n’est pas qu’un piano. Le piano n’est pas un piano. Faut-il vraiment que vous croyiez ainsi, spontanément, au monde qui vous entoure ? À ses dénominations ? Glenn Gould travaille la posture de son corps, face au piano. Les mains sur le volant, aussi. De jour en jour, le mouvement des épaules, la position du torse, la pression de l’air, tout autour. Il n’écoute plus la mélodie mais la respiration. Sa respiration. Les battements de son cœur. Les Variations Goldberg sont une pièce d’insomnie et Glenn Gould ne donne plus de concert, s’isole dans sa maison, à l’écart. Son désert aux couleurs froides. Il chante en jouant, écoute les voix, refuse la crédulité des tonalités. Le piano n’est pas un piano. Faut-il vraiment que vous croyiez ainsi, spontanément, au monde qui vous entoure ? Au monde et à ses lois ? Faut-il vraiment vous laisser porter par la surface des choses et la violence des assauts de l’instrument ? Son romantisme gluant ? Son commerce aliéné ? Glenn Gould, dans sa maison isolée, marche. Dehors les espaces désertiques du Grand Nord canadien, le bleu du ciel. (Un diamant tranchant comme un bleu froid). Le piano est un agencement de 88 notes, une manière de faire des mondes. Le piano est un univers manichéen de blanc et de noir avec caisse de résonance. Le piano est une fiction de 88 notes à agencer. Et la fiction est le tissu imaginaire du réel. Mais l’héroïne absolue de Glenn Gould c’est Petula Clark car il peut l’écouter en voiture, rien qu’en allumant la radio, les mains sur le volant et que les mélodies sirupeuses de Petula Clark, maculées par le bruit du moteur, rythmées par sa respiration à lui (sa respiration pianistique), le changement des vitesses constituent un assez bon reflet de nos cosmogonies contemporaines, parcellaires, fascinées, sentimentales, lucides, dérisoires.

(Fragment d’un texte en cours, Dimension Gould, publié – avec un autre montage – dans Formikraft#1, association Formika.)

vendredi, août 19, 2005

« ...parce que le feu entretient à jamais la mémoire des choses anciennes... »



Où l’on a pu constater une fois de plus qu’il est des terres immobiles et que les îles sont, tout particulièrement, des lieux où le temps ne semble pas avoir la même prise qu’ailleurs. Magnétisme du quotidien, paroles mille fois entendues, histoire, histoires. Elles se cachent dans le tissu uniforme des jours. Le silence vient de très loin, du fond obscur des abîmes. La langue s’éveille comme un matériau physique, un réflexe, une donnée génétique. Coule avec le sang. Si un he qualchi cacciadori. Des milliers et des milliers de prunelles ouvertes dans la terre. Chacun devrait dire ses routes, ses carrefours. (À une certaine époque, tout ce qui avait de l’importance se disait en vers.)

Mon île.
« L’immobilisme de ceux qui ne la quittent pas, la finitude de ceux qui n’y reviennent que pour mourir, l’anéantissement de ceux qui la quittent pour jamais. »

dimanche, août 07, 2005

samedi, juillet 30, 2005

« …un vent bleu traverse les rideaux du ciel pour tout emporter au loin… »

Chroniques des quais

« … Aux confins du terrain de jeu, des milliers de voitures aveugles fonçant non loin, la sensation du temps qui s’écoule s’enroulant autour de mon crâne, ce type m’a retourné pour presser tout son corps contre moi, ses bras autour de mes épaules et de mon cou, ses mains plaquées contre mon torse, chatouillant le lobe de mon oreille et mon cou avec son haleine chaude



Quand nous avons joui il est retombé contre le mur, ses bras contre ses flancs comme s’il avait été crucifié et aux anges et en savourait les derniers instants enivrants tel saint Sébastien transpercé par les longs roseaux des flèches, sa silhouette se détachant sur la nuit pleine de nuages qui s’ouvrait, révélant étoiles et lune. Nous avions l’impression d’être des silhouettes à la dérive, des comètes chutant dans un vieil album illustré. J’ai pensé que les livres scientifiques ne révéleront jamais jusqu’où le corps peut aller pour éprouver une sensation de hasard et de changement inaltérables, quelque chose d’extérieur au flux de la régularité : les rues, la routine du boulot, les nuits sans sommeil sur des matelas esseulés et humides.



Au bord de l’étourdissement, je l’ai accompagné dans les rues me voyant avec lui dans les bois mal famés de ce rêve côtier que je fais toujours et dans lequel je me perds loin des rouages globaux du monde : pas de Robinson Crusoé mais un endroit atemporel où le passé pouvait s’oublier et où il n’y avait qu’un gars avec un ventre dur contre lequel se reposer, et j’écoutais son cœur battre sous sa peau tremblante. On est passés devant une vieille femme assise sur sa véranda qui parlait à un flic dans la ruelle d’à-côté. Ils ont ouvert la porte avec une pince-monseigneur… et tout à coup ils ont débarqué. Émerveillé par le bruit j’ai remonté mon col pour me protéger des fraîches bourrasques du vent d’hiver. »

mardi, juillet 26, 2005

La bonne étoile



On se prépare déjà à grommeler en longeant les vitrines de nos librairies préférées de fin août à Noël (ou presque) ? Jaquettes de merde à la pelle (le contenant ne valant souvent guère mieux), petits scandales poussifs et autres premiers romans roulés sous les aisselles ?
Eh bien non, enfin, pas seulement...

Avant d’aller rendre hommage à mes gênes méditerranéens, voici quelques lignes censées vous faire piétiner d’impatience en attendant la rentrée… Vo lume de Orion Scohy, chez P.O.L.

& j’en ai déniché quelques autres comme ça ! si, si… (à lire prochainement, vraisemblablement en reprint)


Alors… en fait, c’est dans la veine « roman total » (cf. « musique totale », « poésie totale », « pentothal », euh non...), à la fois architectural, totalisant, hommages et clins d’œil (parfois coups de coudes) aux écrivains inspirateurs/prescripteurs, intertexte et interlope (sans intervilles), Pastiche & Tequila, autobiographie à qui on la fait pas, autodérision, auto-généalogie, réflexes du roman-noir avec super-héroïte ¡Ay Caramba ! un peu rassie, mythologie miteuse et dépravée, la Fabrique du Pré (la Fantaisie du Pet, la Foutaise du Pavé...), roman dans le roman, opéra et séance porno avec le même ticket, déconstruction du roman dans le roman, copieuse démolition du roman dans le roman, foutage de gueule de la déconstruction du roman dans le roman et de l’instance (des) narratrice...

— Oui mais ça marche Bobby, ça marche, reprend un verre...

Je m’attendais à débuter par un « Hé, Orion Scohy, arrête ton char ! c’est quoi ce pseudo transparent genre écho ! Les relents mytho et les faux airs d’anagrammes avec un petit soupçon de déhanché presque exotique et la myriade sexy...Tu veux nous la jouer classouille ?! » mais il paraît que c’est son vrai nom, oups... ou bien alors il mystifie très très bien et alors là, chapeau.

Bref, avec un tel coup de trompette initial, le garçon avait tout pour finir en demi-dieu littéraire, les pieds dans la pisse (pas de panique ! c’est juste l’étymologie probable d’Urion), la tête dans les étoiles... mais tout est relaté dans le livre – Vo lume (avec un « o » comme Orion, d’une autre police, plus maigre) dont la matérialité du titre nous fait d’emblée entrer dans un pavé foisonnant de faux-semblants et de chausse-trappes diverses : « Où l’on trouvera notamment un détective (in)variable, une secrétaire mal dans sa basket, un opéra surprise, un miroir suicidaire, des poèmes authentiques, un pigeon malfaisant, un canari furtif, un super-héros hypercollant, des chansons inouïes, un narrateur suspect, un scénario catastrophique, des digressions sur le nom de l’auteur mais aussi toute une théorie de véritables écrivains, pas mal de papier, trop d’encre, des ruines, des riens, une vie. »

Ce catalogue haletant, cité en quatrième de couverture, est bien développé – ou plutôt démantibulé – dans le roman (« disons du roman » précise le quatrième de couverture « de la matière à fiction polymorphe, pervertie avec les moyens du bord ») qui se la joue un peu boule à facettes, n’hésitant pas à changer de couleur de page en page et à miroiter comme un stroboscope hystérique.

Pour faire plaisir aux profs (en plus on doit en avoir quelques uns en commun avec Orion), on évoquera le terme de roman spéculaire.

Pour attirer les djeunes, on dira qu’il y a du sexe, des drogues et de la thune.

Pour captiver les aspirants écrivains on leur fera croire qu’ils peuvent le faire en mieux (c’est pas vrai mais c’est pas grave).

Pour émoustiller les vieux on leur cachera que c’est imprimé en corps 11 et parfois même en beaucoup plus petit.

Pour épargner les amis des animaux, on passera sous silence les méfaits du pigeon malfaisant (ainsi que ses troubles intestinaux), tout comme la horde de canards massacrés pour leurs confits.

Enfin, pour ne pas heurter les représentants des diverses minorités et particulièrement les associations de handicapés, on sera discret concernant la secrétaire unijambiste.

Que suggérer de plus ?

Sous le haut patronage de Tristram Shandy, Georges Perec, Francis Ponge ou encore Cervantès, Orion Scohy invente un roman noir spéculaire, contenant l’intrigue et tous se rouages, bien étalés sur la table aux yeux du lecteur... Le roman (« du », pardon) est aussi celui de l’écrivain l’écrivant... dans le (/du) roman... puis de l’écrivain écrivant sur l’écrivain du (chouette, là ça colle) roman... Avec toutes les intrusions diverses imaginables, les réécritures, les faux départs, les brouillons, les dessins, les calligrammes...

L’intrusion perpétuelle du narrateur et la facture « frankeinstein » de l’ensemble parviennent à créer un univers inédit, un monde sans queue ni tête mais avec beaucoup de chairs palpées, de neurones agacés et de nombrils triturés en ses reliefs, sachant éviter les écueils et les lourdeurs, comme un funambule fraîchement sorti des A.A*…


* Alcooliques Anonymes

jeudi, juillet 21, 2005

Quid novi sub sole ?

dentiste

Les nouvelles passionnantes de juillet…

Réussi à me casser un plombage en mangeant du Pollen en pelotes (si, si, c’est ridicule mais c’est possible).

Lu quelques livres de la rentrée dite « littéraire » et envie de pleurer.

Hâte de travailler mon bronzage et de voir si le rose de mes palmes résiste au sel.

Les sublimes perspectives du jour :

1- appeler mon dentiste qui doit sans doute être en vacances donc passer deux heures à trouver un dentiste encore à Paris. L’imaginer psychopathe , maniaque de la fraise, énervé, excédé, hargneux de ne pas être encore parti (comme beaucoup d’employés et de commerçants qu’on croise tous les jours…). L’anesthésie ne prendra pas. La scène de remontrance inévitable « ah mais ça ne va pas du tout… comment ça avec du pollen en pelotes ?? Ah ! Ah ! Ah !… » Se souvenir en guise de consolation que la rage de dents d’il y a deux ans à Berlin était pire (surtout quand on ne parle pas allemand et que le dentiste ne pas ni français, ni anglais… et même pas espagnol ou italien… pourtant, les dents, c’est universel !)
2- appeler mon banquier (c’est une autre histoire mais ça risque de faire mal aussi…)

vendredi, juillet 15, 2005

C'est parisien et c'est bien...

Parisist

La nouveauté de l’été c’est l’ouverture de PARISIST , weblog collectif sur Paris. Ya de la joie, ville lumière-ville ténèbres, sera toujours Paris, P.A.R.I.S, les lilas jusque sous les fenêtres, RER et crustacés, sous le pont Mirabeau, itou itou.
Ça bouge en permanence, on y trouve plein d’informations utiles sur un peu tout (sorties, musique, bouffe, actualité, culture…), des liens, et même la météo.
En plus l’équipe à l’air plutôt sympa ( dit-elle
…)
Et hop ! « ajouter aux favoris »…