dimanche, novembre 30, 2008

Migraine 1/Laure 0

... Ce qui fait que j'ai séché la lecture du Travail de rivière au Salon Light du Point Éphémère, et j'en suis bien désolée.

Mais on se rattrapera à la Soirée du Tonnerre III avec d'autres lecteurs à la Péniche La Dame de Canton (Port de la Gare, 75013 Paris, aux pieds de la TGB) mercredi 17 décembre à 19 heures.

vendredi, novembre 28, 2008

Coup de gueule du soir, bonsoir

J’en ai un peu marre de l’hypocrisie surprotectrice croissante façon le feu ça brûle et l’eau ça mouille. Ça a commencé par l’alcool « à consommer avec modération ». C’était déjà pas bien drôle. Les femmes dotées d’un encéphale hyper développé et d’un pouce préhenseur ont bien compris, depuis longtemps (ça s’appelle le sens commun) qu’il était déconseillé de picoler enceinte. Hé bien des fois que des aliens suceurs de cerveaux aient envahi la terre en secret, maintenant, on voit un sigle rouge et noir façon code de la route qui explique clairement sur si tu as un très très gros ventre et que tu te tiens les reins et que tu as une queue de cheval, tu ne dois pas boire dans un grand gobelet. Ensuite, on a appris avec stupeur que « fumer tue ». Wha. Comme vivre, en somme. Mais pire : « fumer peut provoquer des maladies cardio-vasculaires », « Fumer provoque le cancer mortel du poumon » (attention, pas le cancer bénin), « Fumer peut entraîner une mort lente et douloureuse » (si vous aimez les morts douces et rapides, trouvez un autre moyen), « Fumer provoque un vieillissement de la peau » (ce qui fait que dans une certaine mesure, Clarins, Clinique, Shiseido… aiment le tabac), « Fumer peut nuire aux spermatozoïdes et réduit la fertilité » (pas pour moieu, nananananèèèèèreu !), « Fumer peut diminuer l’afflux sanguin et provoque l’impuissance » (renananananèèèèèreu !), etc. Vaste programme qui sépare l'humanité en non-fumeurs-qui-aiment-la-vie contre fumeurs-qui-veulent-mourir. Oui mais, tout le monde est bien obligé de manger, non ? On ne peut plus voir une pub pour un truc qui se met plus ou moins dans la bouche en étant censé finir dans l’estomac sans se taper un « mangez bougez.fr », comme si on ne savait pas qu’en mangeant 15 Snickers par jours, on allait porter du 52 en moins d’un mois et mourir d’une crise cardiaque sur ses toilettes. Au cinéma, c’est particulièrement ridicule. Les mâchoires sur pop corn ou autre machin à 4000 calories la bouchée arrivent à couvrir le bruit des bandes annonces lorsque s’affiche un grand « ne grignotez pas entre les repas ». À présent, c’est le site Deezer qui s’y met. On veut écouter un ptit Shellac ? Minute papillon ! Avant nous est imposée l’atroce pub-jingle « écoute ton oreille » (notez bien le tutoiement, c’est pour les djeunes, les vieux étant déjà sourds, sans doute). J’aimerais bien savoir combien a été payé le publicitaire, ou peut-être l’équipe de publicitaires (je ne m’étonnerais pas) qui a pondu un slogan aussi crétin. Notez de surcroît l’espèce de personnification bon marché créée par le singulier « ton oreille ». « Tes oreilles » ça aurait été un peu trop anatomique. Là, tu vois, ton oreille, c’est ton pote. Tu peux tout lui dire et, en contrepartie, tu dois la comprendre. Au secours. J’attends le « Tes yeux ne tiennent qu’à un cil, mets tes lunettes pour mater Youtube » ou « Avant de poser ta narine (puisque le singulier a l’air prisé) sur un parfum Lutens, pense aux migraines olfactives »… Ou peut-être que les dealers vont distribuer des stickers « Un rail, t’es Kant, deux rails bonjours la descente », « Si Kéta bien, t’es Kétamine (mais pas trop quand même, hein ?) », « Zéro baccalauréat, zéro prépa, MDMA ! »…

Et sur ce, je pars me bousiller les oreilles à Rennes en me gavant de galettes. Le tout bien arrosé, cela va de soi. Na !

mercredi, novembre 26, 2008

Soleil du soir

Une chanson du nouvel album de Dick Annegarn, clip Michek Gondry :

lundi, novembre 24, 2008

... & célébrons !

Suite du 10 septembre...
Bastard Battle de Céline Minard mention spéciale du jury du PRIX WEPLER-FONDATION LA POSTE !



Re-YEAHHHHHHHHHH !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Ou plutôt YEEPEE !!! comme dirait Céline.

dimanche, novembre 23, 2008

SUPELLEX

Si vous passez du côté de la rue Saint-Claude, à Paris, allez donc voir l’exposition d’Emmanuelle Lainé (j'avais déjà parlé de son expo GOLDFINGIA) à la Galerie LHK. SUPELLEX enfonce le clou sans facilité – c’est-à-dire sans s’adonner à une recette permettant une identification facile, un classement pépère dans le monde de l’art contemporain (digression : ce n’est donc pas un hasard qu’Emmanuelle Lainé aime l’œuvre d’Emmanuel Hocquard, autre artiste – hyperonyme d’écrivain… – déjouant la notion de ressemblance et de comparaison) : des objets et des dessins déplacés ou plutôt déplaçants, aux textures sourdes ou dérangeantes. Mais Bruno Botella en parle mieux que moi :

« Emmanuelle Lainé est l’inventeuse d’un projectile sphérique en élastomère doté de pouvoirs rebondissants extrêmes dont la trajectoire imprévisible peut infliger des dégâts majeurs à tout espace qui se proposerait de la contenir. Son exposition réclame un soin attentif à son inertie au risque de voir s’écrouler tout ce qui l’entoure. Le ravage potentiel que contient cette grosse boulle molle appelée Extra-Balle est un appel à la turbulence et au vandalisme joyeux. Portée au regard elle démange la main de quiconque aurait l’idée d’y inscrire un geste et voir l’exposition emportée dans un grand tourbillon. Cette invention inaugure une série de recherches au cours desquelles Emmanuelle Lainé expérimente des matériaux, des formes et des assemblages pouvant constituer des objets relatifs à la dynamique tourbillonnaire, des accessoires instables permettant d’arpenter des milieux hostiles. On comprend alors que sa référence au free-surfeur Laird Hamilton est entièrement déprise de tout folklore sportif et californien. Il ne s’agit pas d’annexer une « sous culture » pour alimenter un vocabulaire de formes en mal d’exotisme. Emmanuelle Lainé et Laird Hamilton sont marqués par la même obstination de voir nos objets se métamorphoser et épouser le dynamisme d’un milieu chaotique pour y glisser un ou plusieurs corps.
Ici les inventions n’ont d’autre choix que de se profiler en fonction des ébranlements d’un écosystème en perpétuelle mutation. La démesure des voiles en fibres synthétiques, les énormes soufflets, les détails infinitésimaux du cuir, les constructions spongieuses et les membranes en élasthanne sont autant de prothèses et de combinaisons ajustées aux circonvolutions d’une nature en crise. Prototypes aux formes instables et caverneuses, ils ont l’élégance des méduses et autres tourbillons vivants adaptés aux milieux extrêmes. La prolifération des poignées, des manches, des fermetures éclairs, figure la métamorphose dont est issu cet appareillage et invite en retour à des postures improbables.

SUPELLEX est un terme latin désignant un groupe variable d’objets quotidiens. Définition vague d’un amalgame de mobilier et d’ustensiles, ce titre associe aux derniers travaux de Emmanuelle Lainé des qualités étrangement domestiques. Il ne s’agit plus d’un inventaire projetant une expédition vers des mondes nébuleux ou des sommets invisibles mais de confectionner le trouble à même notre quotidien. Ces meubles sont dotés d’une curieuse élasticité qui affecte directement leur entourage et en déjoue les coordonnées. Assemblages turbulents de matériaux hétéroclites ils basculent, coulissent, se déplient, se ferment, roulent, s’enroulent, claquent et rabattent sans que nous puissions leur donner une orientation définitive. Leur ordre précaire dessine une topologie mouvante où il nous est alors impossible de leur donner un semblant de repos pour meubler l’espace. »

SUPELLEX – Emmanuelle Lainé
Du 22 novembre à fin Décembre 2008
GALERIE LHK
6, rue Saint Claude
75003 PARIS
t +33 1 42 74 13 55

Image : Emmanuelle Lainé, 2008, Sans Titre, crayon sur papier, 50x50cm

mercredi, novembre 19, 2008

5 ans déjà !

C’est l’anniversaire du Journal LittéRéticulaire (saison 1 et saison 2) qui fête ses 5 ans !
Si vous ne connaissez pas, c’est donc l’occasion rêvée d’aller vous y balader. C’est l’un des espaces pionniers du web.
Reliefs japonais, lectures en cours, sport, restaurants raffinés, coups de cœur, coups de gueule, photos, émissions commentées, auteurs, amis… Pas seulement un blog littéraire mais aussi un lieu de curiosité et d’échange – c’est, par exemple, grâce à Berlol que j’ai rencontré d’autres blogueurs et commencé à formuler ma pratique de l’exposition web…

Mon beau sapin

... Ce n’est pas parce que j’en ai parlé il y a quelques jours que je vais me gêner… Pénélope Bagieu a encore une riche idée : le site Mon beau sapin. Visitez-le et transformez-vous en cadeau de Noël pour un enfant défavorisé. Non, ce n’est pas trop beau pour être vrai. À travers le sponsor du site, la Croix-Rouge française transforme le nombre de visiteurs (pas de visites, c’est pas la peine de se faire un clic-elbow) en argent, puis, à travers l’opération « arbres de Noël » de la Croix-Rouge, en cadeaux. Et en plus, vous y découvrirez tous les jours une planche de BD inédite. Si c’est pas un beau calendrier de l’avent, ça !

Allez, hop !

mardi, novembre 18, 2008

Passeios no recanto silvestre

... un documentaire de Miriam Chnaiderman sur José Agrippino de Paula, vous pouvez notamment y voir de courts extraits de ses films. Le son est sourd et la vidéo n'est pas sous-titrée, donc, hélas, cela s'adresse aux lusophones avertis...
Les extraits de films étant sans paroles, cela résout néanmoins ponctuellement ce problème.
Lorsque PanAmérica apparaît à l'écran, vous pouvez voir l'un des éditeurs des Éditions Papagaio : Sérgio Pinto de Almeida.
La revue en ligne Sibila présente également ce documentaire, avec tous les copyrights.

Sinon, que dire à part Ah ! que saudade !




samedi, novembre 15, 2008

The Narcotic Story

La grosse claque de l’année 2007, tellement grosse que je la sens encore, c’est l’album d’Oxbow, The Narcotic Story, et ce n’est pas Emmanuel ou Basile qui vont dire le contraire.

Oxbow, c’est Dan Adams à la basse, Greg Davis à la batterie et aux percussions, Eugene Robinson au chant et à la plume, et Niko Wenner à la guitare, aux claviers et aux compositions. The Narcotic Story est loin d’être leur premier album, c’est même leur sixième après Fuckfest en 1989, Kind of the Jews en 1991, Let Me Be a Woman en 1995, Serenade in Red en 1997 et An Evil Heat en 2002. Mais, je l’ai déjà écrit, je commence souvent par la fin.

Ce qui surprend dès l’abord de The Narcotic Story, c’est l’équilibre entre un son rock et des arrangements complexes (violons, violoncelle, hautbois, basson, clarinette…) où plus exactement l’impression que tout est exactement à sa place sans être pour autant léché. Ce serait plutôt un chaos (K.O. ?) qui aurait rencontré la grâce. Cette incarnation supra carnée de l’oxymore étant un bon résumé d’Oxbow.

L’album est narratif comme l’est également Serenade in Red – les autres, je ne sais pas encore (c’est que j’ai besoin des livrets pour causer, moi). Au départ, The Narcotic story a été conçu comme une bande originale de film d’où l’omniprésence de l’orchestre et les voix chuchotées, toutes proches. Le soin des détails. C’est vrai que, dans un genre très différent, certaines constructions m’ont fait penser à Christophe qui imagine également ses albums comme des films. Quelque chose qui dépasse largement le cadre de la piste. L’histoire, c’est celle de Franck dans la sublime abjection du monde, winner & losser every time : « my numbers are always the right numbers »/« my numbers are NEVER not the right one ». Avec une obsession, donc, pour les extrêmes, la confusion du personnage extrêmement down et extrêmement high à la fois. Mais qui finit par trouver une nervure le reconstruisant et reconstruisant le monde autour de lui : « It’s the giving/Not the taking/That I love ».

Bande originale d’un livre fantôme, The Narcotic Story est également composé comme un livre, pas si évanescent. Dans les entretiens en lien ci-dessous, Eugene Robinson parle de littérature. Pour lui, les mots viennent d’abord, comme charge d’histoires et d’émotion. Niko Wenner compose ensuite à partir de ces textes et le sens, la couleur finale naissent, bien entendu, de cette interprétation et recréation.

Le livret se présente comme un petit livre qu’il est, avec une table des matières et une citation de la Satire X de Juvenal, à la langue crue et savante, en exergue :

« I demens ! et saevas curre per Alpes, Ut pueris placeas et declamatio fias »

Grosso modo : « Va insensé, cours à travers les Alpes escarpées, pour finalement amuser des écoliers et devenir un sujet de déclamation. »

Ce qui d’entrée de jeu trace un portrait ambivalent de héros un peu gonflé, un peu ridicule, un héros exposé aux vents et aux quolibets. Mais héros quand même. Le texte placé sous cet exergue (non chanté, simplement présent dans le livret) décrète : « failure is the only option » – cette idée étant ensuite malmenée, comme on l’a évoqué puisque « the geometry of business » is variable…
Parenthèse factuelle, ce portrait d’excité traversant les Alpes davantage que les Rocheuses correspond assez bien à Eugene Robinson (j’aime bien prononcer son nom à la française, tout de suite, ça veut dire autre chose…), Oxbow étant beaucoup plus connu en Europe qu’aux Etats-Unis – où, selon les dires des musiciens eux-mêmes, ils serait carrément méconnus…

Enfin, trêve de. Dans l’entretien vidéo avec Françoise Massacre, Eugene Robinson parle de la nécessité de l’économie de mots. Il trouve qu’il écrivait trop dans Serenade in Red et que ce flux pouvait paradoxalement nuire à la narration dans ce contexte. Avec la musique, l’ellipse révèle et fait sens. C’est sans doute pourquoi c’est un latin – la langue latine étant très concentrée, sans superflu – qui ouvre le livret. On peut également y lire des phrases entre parenthèse, non chantées. Les ellipses. Le travail de soustraction de l’écrivain.

Cet écrivain insensé, cet écrivain au daïmôn les porte, ses mots, sur scène, dans une transe aiguë : « It’s the giving/Not the taking/That I love ». Un état qui peut paraître incompréhensible, le chanteur s’y effeuille sans en avoir conscience et répond d’ailleurs ainsi à Françoise Massacre au sujet de la nudité ou plutôt de ce que représente sa nudité sur scène :
« E.R : Bien. (Pause) J’ai une question pour toi. Pourquoi tu retires tes fringues pour baiser ? Hum… ok. (Rires) Ne me dis pas que tu restes habillée (Rires)
F.M. : Joker.
E.R. : Plus sérieusement, ce que je veux dire, c’est que quand tu baises, personne ne t’oblige à retirer tes vêtements. Sur scène, c’est exactement la même chose… »
Une transe, une mise à nu qui peut le rendre fragile en le transformant en « sujet de déclamation » pour les enfants – c’est sans doute pour ça que Françoise Massacre, encore et toujours elle (I love Françoise Massacre) a intitulé l’un de ses articles : « Oxbow, musique pour adultes ». Et c’est justement cette fragilité qui le rend fort car elle le porte au-delà. C’est dans cette dialectique que se déplace Eugene Robinson.

Peu après la sortie de The Narcotic Story, il a publié Fight (chez HarperCollinsPusblishers). Un drôle de livre grand format, cartonné, tout en quadri, richement illustré, bien sanglant, sur le combat : « everything you wanted to know about ass-kicking but were afraid you’d get your ass kicked for asking ».
Je ne vous parlerai pas en détail de ce livre, le slang qui s’y développe dépassant largement mes compétences linguistiques (et puis il est trop tôt pour mater des nez défoncés) mais en gros, c’est une étude sur la fascination du combat, à travers ses formes institutionnelles, artistiques et très prosaïques – free fighting, combats de rue, de prison…

Refermant les parenthèses les unes après les autres
)))))))))
je dirai que peu d’albums représentent un tel concentré d’énergie, de vie, d’émotion à l’état pur, pour moi. On parle souvent de noirceur concernant Oxbow. C’est tout l’inverse – cf, d’ailleurs, la conception de leur site Internet noir OU blanc (oh, encore une parenthèse !) –, la dialectique dont j’ai parlé y fonctionne au contraire parfaitement. On n’est pas dans un oubli du monde, dans des couleurs pastels. On n’est pas des anges sans épreuves ni combats. Mais bien des cœurs battants dont le sang, parfois, s’épanche. Le plus souvent, il bat en désir, « rise and shine ». C’est au milieu du chaos que le winner/loser existe, et le winner/loser le chante et le crie, se reconnaît dans le miroir, aime son reflet, est heureux et malheureux, heureux encore, high, down, le winner/loser danse, donne et jouit.


Sur Oxbow :

Le site du groupe : à vous de choisir l’entrée, lumineuse ou obscure, donc…
Le site d’Eugene Robinson.
Un entretien écrit avec Françoise Massacre en juin 2007 à la Loco.
Un article de Ana C. dans Millefeuille.
Un entretien vidéo avec Françoise Massacre en juillet 2008 à la Maroquinerie (j’y étais !!!), première partie. Et deuxième partie.
Une autre vidéo.
Un livre de Samuel Rochery prenant pour titre Oxbow (+ p).
Un aperçu dans Les Cahiers de Benjy.

vendredi, novembre 14, 2008

Et quand on s'appelle Pénélope, en plus...

Je suis loin d'être la seule, mais la vie de Pénélope Jolicœur me fait bien rire, limite miroir, parfois. Pénélope Bagieu (qui en plus a des origines corses, matez son blog !) cerne les tics générationnels et autres effets d'époque avec beaucoup d'esprit.





Cliquer sur les images pour les agrandir.
© des images : Pénélope Bagieu.

jeudi, novembre 13, 2008

voilà pour la poésie ce matin, et pour la prose

Et pour la prose il y a les journaux et on est bien content quand ils donnent de bonnes nouvelles comme le Prix Décembre décerné à Mathias Enard, voilà, c'est tout ce que j'avais à dire. Ya des jours où on aime quand même pas mal ce monde ancien.

mercredi, novembre 12, 2008

Nouvelle nouvelle addiction



True Blood

La promenade ne change pas

Je travaillais pour une boîte pas très claire, mais évidemment, maintenant, je ne sais plus pourquoi. On faisait une espèce de fête pendant le tournage d’un film auquel participait Angelina Jolie et tout le monde n’arrêtait pas de répéter que j’avais de la chance, ça m’agaçait, je ne cessais de me dire qu’ils parlaient sans savoir. J’étais d’assez mauvais poil mais j’avais des raisons. Je me suis énervée face à un comportement indélicat – on me reprochait de boire trop d’eau, il fallait en laisser pour les autres, alors que bien évidemment, j’y prenais garde – et je me suis barrée. J’étais très étonnée de réagir aussi vivement moi qui généralement encaisse beaucoup, par politesse. Passant en voiture devant le goujat, j’ai même fait un doigt d’honneur. Je me suis retrouvée à Bastia, maman est venue me chercher tout au bout de la promenade le long de la mer. Les tamaris bougeaient un peu, la mer était couleur acier, comme souvent à cette époque. Maman était toujours aussi longue et mince, pas très diserte. Je lui disais que c’était formidable que rien ne change, et je me reprochais d’être trop bête : j’aurais dû me réfugier là plus tôt, j’avais mon ordinateur et mon chat, je me retrouvais dans ma maison avec maman, l’essentiel quoi, j’étais bien, je planifiais déjà les vacances de Noël. Maman me faisait remarquer que je m’y prenais tard, je lui répondais que je reviendrai même à la nage s’il le fallait. C’était si serein d’être là, maman avait un nouveau tout petit chien en plus des deux chats, je me disais que ses amis avaient dû lui offrir parce que je n’étais pas assez souvent avec elle. Je pensais que vraiment, je m’étais noyée dans un verre d’eau puisque j’avais cette île-là à laquelle m’amarrer, puisque j’avais maman. Et puis ces murs et ce paysage, le port de Bastia, que je connais par cœur. Je m’apprêtais à appeler Célia pour passer chez ses parents. Et puis évidemment, je me suis réveillée.

lundi, novembre 10, 2008

Noëlle Renaude lit Mademoiselle de Biche

… et fait part de sa lecture dans une lettre adressée à Emmanuel Tugny. Coïncidence, elle y évoque également le terrible silence critique que j’évoquais hier.

J’ai trouvé cette lettre si juste et belle que j’ai souhaité la faire partager. Noëlle a gentiment accepté que je la reproduise ici (et aussi), je l’en remercie vivement :


« J’ai lu avec joie Mademoiselle de Biche, à la fois ravie par “l’invraisemblable récit” et épatée par le savant de la chose, son désordre et son empilement des références, sa jubilante construction à vue. J’y ai vu des traces, encore, de cette théâtralité ancienne, visiblement abandonnée mais qui nourrit, c’est clair, le débridé corseté des paroles.
J’ai été heureuse d’entrer dans votre écriture, car il faut y entrer, et après y vivre, se laisser faire par elle, s’y cabrer et s’y fourrer.
(…)
Je pense que la critique se trouve avec Mademoiselle de Biche devant une énigme du genre “genre” : à quel genre ce type d’ouvrage peut-il bien appartenir ? Il n’est pas correct. La fiction s’invente par à-coups. La langue échappe au sens et l’inverse. Il y a des ogres et plein de métaphysique. Ça commente en même temps que ça fabule. Il faut y entrer et se laisser faire, je le redis parce que c’est vrai, et que ça peut constituer un obstacle pour le critique pressé, rêveur, paresseux, ennuyé Qu’il faut aussi se débarrasser de tout ce qu’on croit y voir, y déceler, y retrouver, il faut s’empêcher de se dire ah tiens Musset, ah tiens on dirait Delteil, ah mais non et puis zut (je ne vous l’ai pas dit mais la fin est magique, le sol qui colle au talon et tout le fout le camp jusqu’à la page blanche…) J’ai aussi beaucoup d’amis écrivains qui publient ici ou là chez des grands, des petits éditeurs et qui souffrent eux aussi du même manque de regard. C’est une maladie d’époque. J’ai appris à faire avec. Et à ne plus lire les critiques. Mais les livres. Seulement les livres. »

dimanche, novembre 09, 2008

Jeunes gens passionnés, devenez critiques !

Mais devenez-le bien.

(Titre alternatif : Le Blues de l’éditeur)

Laureli a publié quatre livres entre août et novembre : Bastard Battle de Céline Minard, Mademoiselle de Biche d’Emmanuel Tugny, Rouge à lèvres sur le plongeoir d’une piscine municipale de Tarik Noui et Treize mille jours moins un de Didier da Silva.

Céline a eu beaucoup de presse et c’est mérité. Les autres livres (cela ne concerne pas celui de Didier qui vient de sortir ! wait & see, donc) beaucoup moins, ce qui n’est pas, mais alors pas du tout mérité. D’autant plus que ce n’est pas un effet de mon petit bout de lorgnette éditoriale, je reçois des emails de lecteurs – écrivains ou pas, que je connais ou pas – très enthousiastes.

J’enfonce une porte ouverte, mais tant pis, parfois ça soulage : on a un sérieux problème avec la presse papier. Les espaces classiques diminuent comme peau de chagrin. C’est-à-dire, par voie de conséquence, que la témérité critique diminue également comme peau de chagrin. Moins ya de place, plus on va dans le sens du courant. C’est une sorte de mouvement naturel. Je l’ai même observé à l’échelle de La Revue Littéraire : on (les chroniqueurs) est bien contents qu’elle redevienne mensuelle à partir du mois de janvier car ainsi, on aura plus de place pour parler de livres dénichés chez de petits éditeurs, paraissant en dehors de tout calendrier institué – « rentrée littéraire », « rentrée de janvier »…
Ce n’est donc pas dénué d’une certaine logique : crise du papier = crise du papier
Malgré cette pente, j’observe que certains journalistes que je lis depuis longtemps où d’autres, que je découvre, se battent comme de beaux diables pour lutter contre ce processus. On se sent donc moins seul – autrement dit : ils souffrent du même problème que nous, auteurs et éditeurs – mais numériquement, c’est infime par rapport à la production.

Cette conjoncture a pour conséquence que des livres aussi importants à mes yeux que Mademoiselle de Biche ou Rouge à lèvres sur le plongeoir d’une piscine municipale risquent de passer à côté de leurs lecteurs par simple défaut de visibilité. Ce qui n’est pas sans me déprimer un max car quand on fait ce métier – enfin, j'imagine, c'est mon cas tout du moins – c’est pour créer des rencontres auteurs/lecteurs, pas pour se constituer sa bibliothèque idéale à ressasser sous son plaid… Et pour avoir eu une enfance provinciale très loin de tout milieu littéraire, je sais à quel point il est important d’avoir la possibilité – simplement ça : avoir la possibilité – de tomber sur une information orientant vers un livre qui peut changer une vie, faire prendre une bifurcation, créer un déclic esthétique, ou même simplement passer une bonne journée et c’est déjà ça de pris.

Un exemple personnel assez cocasse : j’ai découvert le travail d’Orlan à 14 ou 15 ans en regardant… Ciel mon mardi. Oui oui, avec Christophe Dechavanne. Elle sortait de l’une de ses opérations performances, le visage encore cerné de bandages comme un buste égyptien, et montrait des reliquaires de sa propre chair. Évidemment, le dispositif était atroce et j’en avais le cœur serré : Christophe Dechavanne brandissait un reliquaire sanglant en s’approchant du public qui poussait des « aaaaah ! », et des « beurk ! »… Bref, le cirque. Mais j’ai été marquée par la détermination de l’artiste, droite comme un i, qui ne se démontait nullement et continuait à expliquer calmement sa démarche. Et évidemment bouleversée de découvrir cette forme d'art extrême qui m'était totalement inconnue. Quand je pense que c’est comme ça que j’ai commencé à faire des recherches sur la performance et l’art action (surtout que 10 ans plus tard, je rencontrais Orlan et travaillais sur son livre paru chez Al Dante ! et tiens, j'avais oublié Le Plan du film séquence 1, dont on entend des extraits sur son site, avec la musique de Tanger – je ne vois pas comment j'ai pu oublier ça, j'ai passé des heures à assembler la jaquette, les disques, le livret, à Romainville...), je me dis que ça vaut le coup de continuer à se démener en tout sens pour faire connaître ce à quoi l’on croit, même si c’est vraiment épuisant – et puis cette impression d’être ouistiti ou danseuse nue…


Je précise que cet état des lieux assez sombre ne concerne pas la radio, qui demeure, me semble-t-il un espace ayant la possibilité de prendre des risques et de défendre ses choix. Quant à la télévision, je l’ai évoquée ci-dessus… J'exhorterais volontiers n'importe quel animateur télé à inviter Manuel Joseph, Dominiq Jenvrey, Marie Frering... Sans doute un moment difficile à passer pour eux, mais sait-on jamais ce qui se passe de l'autre côté du miroir...

Heureusement que l’effervescence du net compense la donne et j’ose espérer que cela sera un mouvement croissant. Outre les sites littéraires, je découvre régulièrement de nouveaux blogs offrant leurs enthousiasmes de lecture, et c’est terriblement exaltant (je ne les cite pas tous, j'en oublie toujours ! et après je me fais disputer). J’aurais donc dû plutôt intituler ce billet : « Jeunes gens, soyez lecteurs et faites-le savoir ! » car c’est cette fonction de partage qui importe, hors mode. La sincérité et la passion. Le reste n'est que toile de fond de crise économique et temps qui passe. Soyons souverains et fous !

Images : Orlan, Le Baiser de l'artiste, 1977 (œuvre que l'on peut voir au Frac des Pays de la Loire).

vendredi, novembre 07, 2008

Question de fab, épisode 4

Ou le dilemme de la couverture...

Ça y est, le prochain livre de Claire Guezengar, Sister Sourire, une pure tragédie est presque prêt à envoyer à l’impression après moult péripéties concernant la couverture. La couverture, c’est comme un titre, soit ça apparaît du premier coup, soit, ben c’est plus compliqué. Voire carrément propice aux hésitations.
Ce qui a été, en l’occurrence, le cas.

La donnée de départ était le dessin, fort réussi, de Ivo Provoost et Simona Denicolai. Un dessin conçu en noir et blanc, à la fois sobre et très chargé en sens. Il a donc fallu, comme à chaque fois, contextualiser l’image dans le cadre de la couverture, c’est-à-dire qu’évidemment, une image signifie autre chose dans un format particulier et associée à un titre (d'où le fait qu'il arrive qu'une bonne image fasse une mauvaise couverture...) Selon la place qu’on lui donne, également : centrée, décentrée, omniprésente, discrète… Un espèce de nombre d'or intuitif, adapté à chaque cas. Le noir et blanc absolu me semblant trop austère, nous avons beaucoup tâtonné…

Si je vais les évoquer, je ne vous montre pas la vingtaine d'essais réalisés pour plusieurs raisons. Tout d'abord, car je pense que dévoiler certaines coulisses choisies n'est pas faire assister à une séance de dissection. C'est-à-dire que la magie de la forme passe par l'évidence muette des procédés qui y ont conduit. Si on montre du doigt, en images, toutes les coutures, ça finit par prendre un goût de sirop pour la toux – tu les sens bien les antiseptiques ? Ensuite, parce que de toute façon, je n'ai pas la force de passer une demi heure à tout convertir en EPS, réimporter sur Photoshop et uniformiser à un format vignette... Et puis surtout, ça m'évitera les commentaires : « Oh mais je préférais la rouge ! » « Oh ben moi la jaune ! » « La noir et blanc n'était pas si mal... » Et la lassistude intense qui s'ensuivrait.

Donc voici LA couverture :


{Cliquer dessus pour la voir en moins dégueulasse...}

... noir + un ton direct orange seventies mais pas halloween, éclairant le titre. Le noir et blanc, donc, me semblait un peu plat, sa version en négatif presque mortuaire (je ne peux plus voir un livre noir en peinture), la typo manuelle (façon PanAmérica, mutatis mutandis) quoique réussie, tirait trop du côté de la caricature associée au dessin, nous sommes donc revenus à la fonte Laureli habituelle, le faisceau blanc façon poursuite de théâtre faisait penser à la belle charte de maquette des belles Éditions Cartouche (même si c’était en soi une bonne idée, transformant une partie de l’espace en public !), le rouge était trop classique, le rose trop rose, le violet peut-être un peu trop ecclésiastique et associé au noir, ça me faisait penser l'enterrement de mon arrière grand-mère en 1981, le bleu exclu, le vert – portant malheur, paraît-il – aussi, les nuances fluo étaient séduisantes, très séduisantes, mais risquaient de vibrer, en titrage, j’aimais bien mon jaune/anis en fond mais il écrasait le dessin, qu’on a donc repassé en noir et blanc pour garder les contrastes, flottant dans une mare de jaune, oui mais voilà, le jaune était quand même trop présent et ça manquait de relief… Ce jaune volait la vedette, c’est sûr. Bref, au final, deux essais tout de même concluants entre lesquels nos cœurs balançaient. Jusqu'à l’illumination (c’est dans la thématique !) de cet orange palpitant.
Le résultat d’encre et de papier le 7 janvier !
En attendant, vous pouvez lire des extraits de Sister Sourire, une pure tragédie ici. Évidemment, je ne parle dans le cadre de ce billet que d’éléments techniques, mais c’est simplement parce qu’ils sont au service du texte, et quel texte !

lundi, novembre 03, 2008

Les ondes silencieuses


Je découvre colleen en commençant par la fin, Les ondes silencieuses, j’appréhende donc son chemin à rebours, des instruments rares et anciens (viole de gambe, épinette…) aux boucles électroniques (à partir de sons acoustiques, il faut le préciser) alors qu’il s’agit de : des boucles électroniques aux instruments rares et anciens. Chemin diablement plus intéressant.
L’électronique est un outil.
La musique est la musique.
La physique de l’instrument est matière à émotion.
Telle est, du moins, ma conclusion d’auditeur.

Je vis donc avec elle – c’est ce qu’elle souhaite partager – ce son de viole sublime, joué sans virtuosité mais sur un tempo apaisé qui permet à l’instrument de se poser tranquillement dans la pièce et d’abolir le temps (« this place in time », je jette un œil au titre après avoir écrit cette phrase…)



J’écoute cette étrange partition du « labyrinthe », à l’épinette (qu’on pourrait décrire rapidement comme un petit clavecin), partition qui joue des décalage rythmiques infimes, des pauses, respirations profondes. S’y dessinent comme des phrases de voix humaine, des bribes de conversation davantage qu’un archétype de sarabande ou de fugue. À la moitié du morceau, la mécanique de l’instrument devient très présente et donc, le corps du musicien. L’alliance de la mécanique de l’instrument et du geste du musicien. Quand intensification il y a, elle est chromatique. Et des pluies de ritournelles achèvent la scène.



La guitare acoustique apparaît, semblant doucement jouée au doigt (j’allais dire tamisée et là encore, ça tombait bien : « sun against my eyes ») associée à la clarinette. La douceur du son n’est pas sans me rappeler (là encore, ce devrait être l’inverse, leur album date de 2008) le travail des musiciens de The Magic I.D. – dont la guitare est un chouilla plus piquante, plus guitare – ou plus exactement les deux premières minutes de « True Holiday ». Album, Till my breath gives out que je conseille également ardemment si je ne l’ai pas déjà fait. Mais revenons à « sun against my eyes ». Guitare et clarinette commencent à s’entremêler puis, au quart du morceau, décident de cheminer en mélodie et ça pourrait ne jamais s’arrêter tellement, soudain, c’est l’évidence de la musique, le rythme des doigts, le souffle comme une simple respiration qui aurait décidé de parler.

La viole joue ensuite à la drôle de guitare dans « blue sands » (comme elle le fera dans « past the long black land » et « le bateau ») en accords arpégés, toute vibrante, presque frémissante, jusqu’à l’apparition de cordes frottées en aigus naïfs, presque crissants. Et tout finit en doubles cordes.

Je m’arrêterai aux « echoes and coral », sons de verres en crystal semblant sonner dans la brume, le but de ces quelques lignes n’étant pas analytique mais engageant…

J’ajouterai seulement qu’on pourrait parler d’« apprentissage de la lenteur », pour reprendre une expression de Glenn Gould, dans ce troisième album. Jetant un œil à la définition de « lenteur », je ne trouve que des éléments négatifs, le présupposé étant que la vitesse est positive et la lenteur négative. Pourtant, l’étymologie est tout autre. « Lentus », aux origines obscures, sans doute étrusques, référant à la souplesse, à l’élasticité. Plasticité des eaux dans lesquelles on ne se baigne pas deux fois, loin des rumeurs furieuses du monde. colleen a tout compris ou plutôt senti.

Dernière parenthèse. Je ne sais pas pourquoi, pendant l’entretien avec François Bon, j’ai parlé de physique, d’un rapport physique à l’écriture – je ne l’avais jamais évoqué avant. Je crois que c’est lorsqu’il me parlait d’« idées » de livres. Je ne crois pas aux idées de livres au alors comme listes d’idées (cf. Œuvres d’Édouard Levé) Je ne crois qu’aux formes réalisées. Cette intuition se confirme à l’écoute de la musique de colleen. Il s’agit de formes à sensibles, de mélodies, d’émotion, dans son sens étymologique. Comme l’écrit Emmanuel Rabu : « une émotion est un mouvement ».

Visuel de l'album de colleen : Iker Spozio.

Outre l'entretien avec la blogothèque cité plus haut, voici quelques pages consacrées à colleen (j'ai éliminé ceux qui parlaient d'electronica ambient !) :
Autres directions
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Millefeuille
Jade

dimanche, novembre 02, 2008

Tour Cortina

Et puis sur une invitation de François Bon, il s’agissait d’« écrire la ville » ou plutôt d’en parler, lundi dernier.
J’étais ravie et terrorisée. Ravie de réaliser un entretien avec François (même sur la crème au chocolat Mont Blanc ou la différence entre une perceuse à percussion et une perceuse magnétique, ça m’aurait fait plaisir) et terrorisée car, que dire sur la ville du point de vue de l’écriture ou plus exactement de mon écriture ? Elle n’est pas un personnage très présent dans mes quelques livres.

En même temps, c’était vraiment étrange de se retrouver là, au 18e étage de l’une des tours de la BNF puisque quand je suis arrivée à Paris en 1995, c’était mon paysage quotidien : je vivais au 34e étage d’une tour des Olympiades, toute proche. Et de là-haut, la ville s’étendait comme un paysage doux avec un ciel immense qui me rappelait la mer. Les orages étaient en cinémascope et on entendait les oiseaux. J’en arrivais presque à aimer Noël ; de mes hauteurs, j’adorais compter les sapins clignotants, le soir. J’aurais pu tranquillement m’adonner au voyeurisme mais cela n’a jamais été dans ma nature – hélas ! quelle matière à romans ! D’autres voisins étaient plus équipés, on devinait des télescopes tout contre les fenêtres, pas vraiment dirigés vers le ciel. Alors, j’étais modèle. Ou objet de roman. Côté chambre, on voyait le cinquième arrondissement, jusqu’à Montmartre et au-delà – mais à l'époque, je n'identifiais facilement que Montmartre, Notre-Dame, Beaubourg... J’ai mis beaucoup de temps à comprendre pourquoi les bâtiments s’éclairaient tout à coup terriblement, successivement – les péniches ! Le chat, quant à lui, n’a jamais compris d’où il pouvait bien voir des êtres humains de la taille de fourmis. Il est vite retourné dans ses zones méditerranéennes avant de sombrer en dépression. En se penchant de la fenêtre de la chambre et en regardant en direction de la tour Helsinki (la tour de luxe aux appartements cinq pièces), on pouvait voir la Tour Eiffel mais on n’aimait guère que je me penche. Pourtant, j’ai toujours aimé regarder la Tour Eiffel. Côté salon et cuisine, c’était le XIIIe asiatique (Tang Frères en à-pic) et la banlieue, avec cette cheminée crachant en permanence une fumée blanche. Après avoir regardé pendant trois ans cette zone « Très Grande Bibliothèque » en construction, voilà qu’à présent, je cherchais la fenêtre de mon ancien appartement en ayant à parler de la ville avec laquelle j’entretiens des rapports ambivalents. À Bastia, je me définissais radicalement comme citadine – ou plutôt bastiaise, ce qui là-bas veut tout dire (une ajaccienne n’étant pas une bastiaise). J’aimais la plage, qui n’exclut pas la ville, mais la campagne m’emmerdait copieusement, rien de pire que ces interminables balades dans le maquis, la castagniccia. Je finissais toujours par me paumer et appeler mon père au secours en me retrouvant nez-à-nez avec une laie rose et noire au grognement vindicatif. En plus, je détestais l’odeur des séchoir à châtaignes qui imprégnait les cheveux et la soupe paysanne au goût très prononcé à finir absolument si on voulait espérer se lever de table ; étant astigmate, j’étais très mauvaise ramasseuse de champignons, il n’y avait guère que les oronges que je repérais à peu près – un œuf à la coque surgissant entre des feuilles de châtaigniers, ça se remarque – et comme il n’y en avait pas tant que ça… Bref, citadine. Et à présent, après 2008 – 1995 = oula, déjà 13 ans à Paris, je sature un peu de l’urbanité capitale quotidienne. J’aime Paris parce que c’est beau Paris. J’aime Paris parce que dans le quartier où j’habite, je me sens en Afrique et que c’est très agréable – le patron de café qui me sert chaleureusement la main, les passants du marché Château Rouge qui se précipitent pour m'aider à ramasser mes fruits échappés d’un sac en plastic éventré… – pourvu que ça dure en ces temps obscures de sarkozysme. J’aime Paris parce que ben depuis 13 ans, j’y ai la quasi totalité de mes amis. J’aime Paris parce qu’il s’y passe beaucoup de choses artistiques. Mais le bruit permanent, les parisiens (vous savez, ceux qu’ « il vaut mieux avoir en journal »), la pollution qui me met le cuir chevelu en sang 360 jours sur 365, le temps pourri (parisien, c’est un synonyme), le coût de la vie (5 euros – ça fait quand même dans les 32 francs, je mangeais bien, pour ce prix-là, en 1995 – une pauv’ binouse de fin de cuve, ah ! ah ! ah !), la foule permanente, l’attente permanente, l’impolitesse permanente, l’absence de citoyenneté permanente… Bref, j’aime Paris comme après 13 ans de mariage. J’aurais du mal à m’en passer mais je ne survis qu’en lui faisant des infidélités de temps à autres.

Évidemment, on s’en doute, l’entretien n’a pas porté uniquement sur la ville. Beaucoup sur le processus d’écriture. Et j’aime toujours ce genre de moment unique qui permet de formuler des choses qu’on n’avait jamais formulées ainsi auparavant. C'est un cadeau inestimable.

J’aurais bien aimé être petite souris ou mulot, tiens – remarquez, dans une tour de la Très Grande Bibliothèque, mon espérance de vie aurait sans doute été très courte – pour pouvoir assister à tous les autres entretiens. Mais j’étais détendue comme un lundi avec des documents Excell à remplir pour notre diffuseur – ce qui me fait à peu près le même effet capillaire que la pollution.

Photo : François Bon.

samedi, novembre 01, 2008

Stéphane Bérard et Stéphane Bérard

Donc, livres & hachis parmentier, c’était plutôt expo & fruits de mer mais c’était déjà la semaine passée, vernissage Stéphane Bérard à la Galerie Marion Meyer : « Architecture, chômage, design ». Stéphane Bérard et non pas Stéphane Bérard (qui mériterait d’être une invention de Stéphane Bérard), il faut le préciser.
Passant en toute hâte devant la vitrine de la galerie (sans la reconnaître, je suis souvent dans la lune), comme à mon habitude – rater le lieu du rendez-vous en craignant mon retard, ce qui m’assure toujours de l’être et de me retrouver hébétée cent mètres plus loin – je me disais qu’elle avait été salement vandalisée. Ou plus exactement, que les vandales avaient bien pris leur temps et qu’ils avaient même dû venir avec un escabeau ou des frondes. Mais c’était, bien sûr, une œuvre de Stéphane, œuvre-proposition de paysage urbain. Vitrine de galerie elle est aussi couverture de son Ce que je fiche II (Al Dante/Questions théoriques, collection Réalités non couvertes) et qui ferait, soit dit en passant, un fort adéquat cadeau de Noël à l’attention de votre neveu qui veut donner dans le Sub de Co par désespoir – peut-être finira-t-il aux Beaux arts ? Donnez-vous cette chance.
Trève de, vous savez tout le bien que je pense de ce travail salutaire, j’en ai déjà parlé, et je ne suis pas la seule.
Al Dante publie également la traduction intégrale de L’Enfer de Dante par Stéphane Bérard – qui déplace L’Enfer en le circonscrivant au plus aigu – ainsi qu’un double disque de l’artiste/auteur/traducteur/musicien : CD 1 « Erik ça tue (d’après) », CD 2 « Tour de chant ».
Alors, je rectifie, L’hiver sera Bérard, ce qui n’exclut pas de porter une adaptation française du tartan.