Noëlle Renaude lit Mademoiselle de Biche
… et fait part de sa lecture dans une lettre adressée à Emmanuel Tugny. Coïncidence, elle y évoque également le terrible silence critique que j’évoquais hier.
J’ai trouvé cette lettre si juste et belle que j’ai souhaité la faire partager. Noëlle a gentiment accepté que je la reproduise ici (et là aussi), je l’en remercie vivement :
« J’ai lu avec joie Mademoiselle de Biche, à la fois ravie par “l’invraisemblable récit” et épatée par le savant de la chose, son désordre et son empilement des références, sa jubilante construction à vue. J’y ai vu des traces, encore, de cette théâtralité ancienne, visiblement abandonnée mais qui nourrit, c’est clair, le débridé corseté des paroles.
J’ai été heureuse d’entrer dans votre écriture, car il faut y entrer, et après y vivre, se laisser faire par elle, s’y cabrer et s’y fourrer.
(…)
Je pense que la critique se trouve avec Mademoiselle de Biche devant une énigme du genre “genre” : à quel genre ce type d’ouvrage peut-il bien appartenir ? Il n’est pas correct. La fiction s’invente par à-coups. La langue échappe au sens et l’inverse. Il y a des ogres et plein de métaphysique. Ça commente en même temps que ça fabule. Il faut y entrer et se laisser faire, je le redis parce que c’est vrai, et que ça peut constituer un obstacle pour le critique pressé, rêveur, paresseux, ennuyé Qu’il faut aussi se débarrasser de tout ce qu’on croit y voir, y déceler, y retrouver, il faut s’empêcher de se dire ah tiens Musset, ah tiens on dirait Delteil, ah mais non et puis zut (je ne vous l’ai pas dit mais la fin est magique, le sol qui colle au talon et tout le fout le camp jusqu’à la page blanche…) J’ai aussi beaucoup d’amis écrivains qui publient ici ou là chez des grands, des petits éditeurs et qui souffrent eux aussi du même manque de regard. C’est une maladie d’époque. J’ai appris à faire avec. Et à ne plus lire les critiques. Mais les livres. Seulement les livres. »
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