dimanche, août 28, 2005

Petit moment poétique #1



Vache affable, la nature vous va si bien – en appartement. Le temps qui passe fait yé, yé, yé mais on le sent quand même.

La maladie de la mort

Pré aux clercs

autoportrait au mal de dos / autoportrait au manteau / autoportrait à l’inquiétude / autoportrait au grand soleil / autoportrait avec chat / autoportrait avec horloge / autoportrait au fantasme / autoportrait excédé / autoportrait en plein travail / autoportrait au souci / autoportrait au recoin / autoportrait mal cadré / autoportrait à l’euphorie / autoportrait au Sacré-Cœur / autoportrait au retour de course / autoportrait au retour de corse / autoportrait qui ne tourne pas rond / autoportrait sans famille / autoportrait il n’a pas changé / autoportrait nu vanité et pièce de genre / autoportrait aux cheveux courts / autoportrait au sentiment amoureux / autoportrait jusqu’au bout de la nuit / autoportrait au billet de 500 euros / autoportrait au doute / autoportrait à la déception / autoportrait au rouge à lèvres / autoportrait dehors il pleut / autoportrait il faut savoir raison garder / autoportrait au serment / autoportrait au ras-le-bol / autoportrait au mensonge / autoportrait à la migraine / autoportrait à l’angoisse / autoportrait demain est un autre jour / autoportrait au cheval de bois / autoportrait à la petite robe noire / autoportrait triché / autoportrait au whisky / autoportrait dieu est mort mais je n’y suis pour rien / autoportrait à l’œil sombre / autoportrait à la tête froide / autoportrait au sang chaud / autoportrait à la bibliothèque / autoportrait demain n’existe pas / autoportrait à la méduse échouée / autoportrait à la trouille / autoportrait en musique / autoportrait au jeu / autoportrait à l’amour en fuite / autoportrait au sourcil froncé / autoportrait au restaurant / autoportrait au délire de tumeur / autoportrait en attente / autoportrait qui n’y pense même plus / autoportrait sous influence / autoportrait avec amie / autoportrait au détour / autoportrait préoccupé / autoportrait avec souvenirs / autoportrait au désespoir / autoportrait au fou rire / autoportrait aux ressemblances / autoportrait au train / autoportrait à l’adversaire / autoportrait qui se souvient d’Elvis / autoportrait au pseudonyme /

mercredi, août 24, 2005

UNDERGROUNDZÉRO

Métro

Monter dans une rame remplie de passants , d'inconnus lecteurs. Leur voler des mots, des morceaux de phrases, des regards (échange). Reporter, accepter les heurts, la collision des textes, les rencontres. Sortir à la station prévue et reprendre le cours habituel de sa journée, de sa nuit avant de recommencer. Inscrire le flux – juste inscrire, sans montage ni retouche – laissant apparaître les jonctions de hasard... Ajouter la circonstance évoquant l’ « état » (météo personnelle), les fragments de phrases manqués, les titres au loin, en évocation.

lundi, août 22, 2005

To Every Man His Own Gould



... Glenn Gould analyse chaque mouvement en train de se faire ainsi qu’avant de le faire. Une architecture de muscles, de chairs et d’os. Autrefois le piano avant la tyrannie d’une vieille amante. Il fallait s’y plier. La servir. Ses caprices. Glenn Gould sourit. Le piano vous tenait. Vous parliez sa langue, plié, voûté, en retrait de ses gammes, de ses allants, de ses envolées romantiques. Des assauts entre l’instrument et vous, la sensation « tête dans les mains » de l’émotion. Le bagne suintant le rose et le bleu, les parfums lourds. Une cage dorée. Autrefois on était comme « revêtu » du piano et de ses habits trop serrés. (Glenn Gould pense à Mc Luhan). Alors qu’il faut se libérer de l’engagement du toucher. D’ailleurs il préfère jouer du piano en conduisant sa voiture. Jouer du piano les mains sur le volant. Mais cette approche est un peu perverse, non ? Se libérer de l’engagement du toucher. De toute façon c’était lui ou moi. Ou vous. D’où le refus des concerts, leurs simagrées. L’observation voyeuse de l’interprète suant. L’attente de la fausse note ou de l’envolée. Son visage, sa queue de pie, l’intervalle entre les morceaux. Un commerce qui ne s’avoue pas. Et les toussotements. Les places réservées aux VIP qui somnolent. Être là pour être là, en attente. Glenn Gould tourne le dos, multiplie les identités. D’ailleurs il préfère jouer du piano en conduisant sa voiture. Jouer du piano les mains sur le volant. Pour chaque heure passée en compagnie d’êtres humains, une multitude d’instants solitaires sont nécessaires. Histoire de réajuster son point de vue. Une hygiène. Il faut se libérer de l’engagement du toucher, des mouvements cinétiques. Une architecture de muscles, de chairs et d’os. Labyrinthe personnel. Il n’y a aucune raison de se contenter d’une seule sonorité du premier au dernier sillon. Le piano n’est pas qu’un piano. Le piano n’est pas un piano. Faut-il vraiment que vous croyiez ainsi, spontanément, au monde qui vous entoure ? À ses dénominations ? Glenn Gould travaille la posture de son corps, face au piano. Les mains sur le volant, aussi. De jour en jour, le mouvement des épaules, la position du torse, la pression de l’air, tout autour. Il n’écoute plus la mélodie mais la respiration. Sa respiration. Les battements de son cœur. Les Variations Goldberg sont une pièce d’insomnie et Glenn Gould ne donne plus de concert, s’isole dans sa maison, à l’écart. Son désert aux couleurs froides. Il chante en jouant, écoute les voix, refuse la crédulité des tonalités. Le piano n’est pas un piano. Faut-il vraiment que vous croyiez ainsi, spontanément, au monde qui vous entoure ? Au monde et à ses lois ? Faut-il vraiment vous laisser porter par la surface des choses et la violence des assauts de l’instrument ? Son romantisme gluant ? Son commerce aliéné ? Glenn Gould, dans sa maison isolée, marche. Dehors les espaces désertiques du Grand Nord canadien, le bleu du ciel. (Un diamant tranchant comme un bleu froid). Le piano est un agencement de 88 notes, une manière de faire des mondes. Le piano est un univers manichéen de blanc et de noir avec caisse de résonance. Le piano est une fiction de 88 notes à agencer. Et la fiction est le tissu imaginaire du réel. Mais l’héroïne absolue de Glenn Gould c’est Petula Clark car il peut l’écouter en voiture, rien qu’en allumant la radio, les mains sur le volant et que les mélodies sirupeuses de Petula Clark, maculées par le bruit du moteur, rythmées par sa respiration à lui (sa respiration pianistique), le changement des vitesses constituent un assez bon reflet de nos cosmogonies contemporaines, parcellaires, fascinées, sentimentales, lucides, dérisoires.

(Fragment d’un texte en cours, Dimension Gould, publié – avec un autre montage – dans Formikraft#1, association Formika.)

vendredi, août 19, 2005

« ...parce que le feu entretient à jamais la mémoire des choses anciennes... »



Où l’on a pu constater une fois de plus qu’il est des terres immobiles et que les îles sont, tout particulièrement, des lieux où le temps ne semble pas avoir la même prise qu’ailleurs. Magnétisme du quotidien, paroles mille fois entendues, histoire, histoires. Elles se cachent dans le tissu uniforme des jours. Le silence vient de très loin, du fond obscur des abîmes. La langue s’éveille comme un matériau physique, un réflexe, une donnée génétique. Coule avec le sang. Si un he qualchi cacciadori. Des milliers et des milliers de prunelles ouvertes dans la terre. Chacun devrait dire ses routes, ses carrefours. (À une certaine époque, tout ce qui avait de l’importance se disait en vers.)

Mon île.
« L’immobilisme de ceux qui ne la quittent pas, la finitude de ceux qui n’y reviennent que pour mourir, l’anéantissement de ceux qui la quittent pour jamais. »

dimanche, août 07, 2005