jeudi, décembre 22, 2005

« La photographie de l’automobile prise par son conducteur même »



... Se présentant – ayant à se présenter – Éric Meunié révèle l’importance de la photographie dans son écriture. Livres publiés aux Éditions Créaphis, liés à la photographie : Deux étincelles, tes aïeules, Du Temps mort, Surimpression. Mais surtout la notion de « photographie cérébrale du texte d’un fait-divers », incarnée précédemment par « le bac tue » paru dans Libération en 1983, transmuté (écrit) en L’enseignement du second degré en 1993 : « Le second degré de l’enseignement donne l’accès souterrain de la gare de Fosses, tel que négligé par le Bachelier pressé de connaître ses résultats, et devenu la descente en terre du jeune homme, lorsque, traversant la voie, un train de marchandises le happe, qui transforme la mention de son bac en mention dans Libération. »

C’est donc par une évolution sensible du cliché et du temps de pose, qu’on retrouve des stigmates photographiques dans Auto mobile fiction, développant une myriade d’éléments spéculaires : photographie/miroir d’un moi en train de s’inspecter, dans la langue.

Vitres réfléchissantes et pare-brise de l’auto de location (auto mobile fiction), surface lisse de la mer, miroir de la coiffeuse varoise, regards, surfaces lustrées, souvenirs comme figés en cartes-postales dans la conscience... autant de « tropismes » qui ne se circonscriraient pas à un genre.

D’où : l’« album » d’Auto mobile fiction (les portraits, les paysages, les autoportraits, la mention des cadrages...) dont on entendrait presque les déclics – diapos de vacances –

versus

les « tirages » de la poésie d’Éric Meunié, moyens formats (« équations verbales ») accrochés sobrement en cimaises à la chaux, tranchants (l’« ordre universel »).

De la photographie au photographe, Pierre Molinier, cité de façon indirecte, en périphrase, comme enlevé, emprunté à lui-même dans une généalogie fantasmée : « Un vieillard sec {le grand-père} à belle allure qui assume sa dernière érection, évoquant ce vieux photographe autoportraitiste travesti qui portait presque le même nom que lui, voilà quel homme scandaleusement droit la vie aura déniaisé. » (p. 100)

L’ombre presque chinoise de Pierre Molinié au sein d’un « androgynat » de principe, et la famille étouffante comme un réseau veineux, détournée comme un réseau veineux pourrait l’être – en adéquation avec sa métaphore fluviale – jusqu’à sa réinvention par les mots (Francis Ponge n’est jamais loin) : « L’écran de l’automobile suffit à cadrer le déroulement de ces journées de vacances, prélevant quelque tableaux... » (p. 17)

Et tout finit en (auto)fiction...

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Auto mobile fiction, POL, janvier 2006.
Poésies complètes, Exils, janvier 2006.
(p. 102 : « La photographie de l’automobile retournée sur le toit, en noir et blanc, prise par son conducteur même... »)

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