matachine
« Lecteur, vous pourriez reprendre ce texte aux endroits qui ne vous conviennent pas. Nous serions deux à parler, mais votre voix prendrait le pas sur la mienne. Vous ne connaîtriez pas le sentiment de gêne à mon égard, aucun respect d’un quelconque auteur ne viendrait vous empêcher d’écrire ici ce qui vous chante. Vous pourriez tout effacer et tout reprendre, ou ne garder que les passages qui vous conviennent et inventer une autre fin à cette histoire ; ou écrire un début à votre guise, qui change le contenu de livre, ou laisser de l’espace entre mes mots, mes phrases ou mes paragraphes pour vous donner l’impression d’écrire à deux mains. Je ne serais pas là pour vous contredire, je ne serais pas là pour débattre avec vous d’un quelconque espace littéraire ou de la solitude essentielle de l’écrivain, ou me moquer de vous en évoquant quelque élément asynchrone, quelque différé entre nous deux, ou quoi que ce soit qui puisse vous déplaire. — Après tout, si tu penses qu’il n’existe pas de frontière entre nous deux, qu’y puis-je ? »
(Roman Opalka)
Matachine de Bruno Lemoine, p. 23 (Éditions Al Dante, septembre 2006)
(écouter l'auteur aux mardis littéraires)
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