Jack Spicer de Nice
Dans C’est mon vocabulaire qui m’a fait ça (traduction Éric Suchère, préface Nathalie Quintane), on découvre un Jack Spicer vraiment féroce, n’épargnant rien ni personne, dont l’ironie est totalement délectable.
Ça casse.
« Ferlinghetti est une syllabe sans signification inventée par Le Poète. »
« Dis à chacun d’avoir les couilles
Fais-le toi-même
Ayez des couilles jusqu’à ce que les couilles
Pénètrent les marges »
« Merde, Robert Duncan, il y a seulement un bordel.
Un oreiller. Mais un seul tapine vers ce qui provoque la poésie
Leurs voix hautes
Leurs queues raides
Quand ils nous rencontrent.
Et c’est ça la rhétorique. L’avertissement le mien
Pas le leur.
Words-
Worth
Acquiesce
Il cumule bien
Poète gris
Département d’anglais dans son crâne. »
« Pute de Pound
S’étonna Homère »
« “Les slips de ce garçon“ est une référence évidente à Eurydice. »
Jack Spicer était un drôle de personnage qui croyait aux fantômes. Il pensait que c’était eux qui lui dictaient sa poésie. Ses fantômes n’étaient pas des substances éthérées à apparitions brumeuses mais des mots donnés. Un flux offert de langage. Dans le mystère de ce don. « Le poète est une radio. Le poète est un menteur. Le poète est une radio à contrepoing. » Les Caspers de Spicer - comme les appelle Quintane - sont des subterfuges bien pratiques qui permettent autant de prosopopées en guest stars – Federico Garcia Lorca, par exemple, en correspondant post mortem.
Les poèmes de Jack Spicer ne sont pas satisfaits d’eux-mêmes. Leur créateur avait fréquemment tendance, dit-on, à tout vouloir jeter aux orties. D’où le rapport polémique permanent qui s’instaure entre ce qui est écrit et le geste l’écrivant. La pompe et la baudruche crevée, dans une dialectique ricanante. L’auteur fait ainsi mine de livrer le poème et un supplément : une lettre l’accompagnant ou son commentaire – mais c’est pour mieux nous leurrer mes enfants. La lettre comme art poétique surjoué. Le commentaire détournant sa fonction d’explication et créant un nouveau texte d’une grande férocité parodique.
Le poème est toujours en miroir de lui-même, en interrogation permanente et instable dans une composition sérielle qui nie toute notion de grand’œuvre démiurgique. Un lieu qui dérange et déroute.
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