« et le vœu c’était simplement que les choses soient ouvertes »
… elle était brune et aimait le rouge à lèvres rouge – comme doit être un rouge à lèvres. Elle jouait avec les mots comme avec les objets, les matières. Un drôle de jeu (« je ») qui n’en était pas un, d’où le choix de la transparence, de ce qui traverse, de ce qui à l’air léger – à l’air. L’esprit des mots d’esprit, la crème superfétatoire du Banana Split. Les choses – paperolles – portées par le vent. Pour elles, pour nous, pour soi. Je ne comprenais pas toujours tout ce qu’elle me disait quand il y avait beaucoup de monde autour de nous pour deux raisons : mon extrême difficulté à comprendre quoi que ce soit quand il y a foule, sa sociabilité généreuse, excentrique parfois, quelle que soit la situation. L’inadéquation amusée, amusante de ces deux états opposés. Je ne comprenais pas toujours tout ce qu’elle me disait quand il y avait beaucoup de monde autour de nous mais toujours, c’était dit avec un grand sourire et un compliment sur un texte ou une robe bien coupée. Je comprenais trop bien ce qu’elle me disait quand nous étions peu autour d’une table et cela me dérangeait vraiment, cette manie de tâter les failles (déformation professionnelle) avec un grand rire, moi qui aime tant les armures brillantes. Évidemment, c’était gentil cette façon de mettre un doigt dans la plaie en me reservant un verre de vin, généreux, encore, une manière de dire : « hé oh, petite, tu nous l’enlèves un peu ta carapace et tu regardes le ciel bleu ? tu attends quoi ? » J’ai partagé un moment son amour des cigarillos. Elle disait : « il suffit d’avoir assez de désir ». Il suffit d’avoir assez de désir. J’admirais son être d’énergie, de force qui va, de femme, de grand cœur et je ne lui ai pas dit. J’adore sa voix en Didon – ça, je le lui ai dit. Elle était brune et aimait le rouge à lèvres rouge – comme doit être un rouge à lèvres. Elle était belle et coquette. Avec le regard qui pétille. Elle avait toujours de grands sacs qui étaient de grands foutoirs de femme et d’écrivain. Elle trichait parfois sur sa date de sa naissance ou ne la donnait pas, comme je le ferai sans doute un jour. Elle nous manque.
Installations de Josée Lapeyrère.
Photos : Litote en tête & ocontrariodotempo.blogspot.com
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