Lettre de Simone Federman
J’ai reçu cette lettre de Simone Federman il y a quelques jours. Une lettre magnifique. Que Simone a publiée sur le blog de son père : [the laugh that laughs at the laugh...]. Je lui ai demandé si elle souhaitait qu’elle soit diffusée par ailleurs. C’est son vœu. La voici donc, écrite en anglais et en français dans la tradition federmanienne :
October 6, 2009
My father died this morning. Last night I read all of The Voice in The Closet to him in one breath, 75 pages: one sentence. I stopped on page 61 to cry, and then we both cried at the end.
He had not been responsive for more than 24 hours, so this was especially magical. I thanked him for all the books, all the beautiful sentences, this being the most beautiful I had ever read. I thanked him for being the best father I could ever imagine. I told him he would always be my best friend. His eyebrows told me to stop crying. So I did. I told him I understood because he had taught me about laughter.
I went to bed on the pull-out couch next to his bed. I half heard his loud heavy breathing stop and roused to call my mom, who had already had a beautiful tearful last goodbye, and the nurse. He had died. We said kaddish for him at the mortuary, and he was cremated, as he wished, like his mother, father and sisters, at about noon.
We are planning to spread some of the ashes, maybe some noodles too, at his golf course, maybe even make a drop at the casino, and then bring some to France to spread at his former apartment and Le Cimetière Marin (the one in the Valéry poem he wanted me to read to him last week).
My mother and I, my sister Robin and brothers, James and Steve are planning a memorial celebration of his life in San Diego in the coming weeks, details to come.
We are okay, feeling strong. We had a really special last few weeks with him, not to mention a really special 47 to 49 years. I apologize for the group e-mail. I just wanted you to know.
Much love,
Simone
Le 6 octobre 2009
Mon père est mort ce matin. La veille je lui ai lu tout La Voix dans le débarras d’un seul trait, 75 pages : une phrase. Je me suis arrêtée à la page 61 pour pleurer, et ensuite on a pleuré ensemble à la fin.
Cela faisait plus de 24 heures qu’il n’avait plus réagi, c’était donc particulièrement magique.
Je l’ai remercié pour tous les livres, toutes les belles phrases, celle-ci étant la plus belle que j’ai jamais lue. Je l’ai remercié d’être le meilleur père que je puisse imaginer. Je lui ai dit qu’il serait toujours mon meilleur ami. Ses sourcils m’ont dit d’arrêter de pleurer. Donc je l’ai fait. Je lui ai dit que je comprenais parce qu’il m’avait tout appris sur le rire.
Je me suis couchée sur le clic clac à côté de son lit. J’ai entendu à demi sa respiration lourde et bruyante s’arrêter. Je me suis levée pour appeler ma mère, qui lui avait déjà dit un bel et tendre dernier adieu, ainsi que l’infirmière. Il était mort. On a dit le kaddish pour lui à la morgue et il a été incinéré, comme il l’avait souhaité, et comme sa mère, son père et ses sœurs l’avaient été, aux alentours de midi.
Nous avons pour projet de disperser certaines de ses cendres, et peut-être aussi quelques nouilles, sur son parcours de golf, de peut-être même en laisser certaines au casino, et d’en apporter ensuite en France pour les répandre dans son ancien appartement et au Cimetière marin (celui du poème de Valéry qu’il a voulu que je lui lise la semaine dernière).
Ma mère et moi, ma sœur Robin, et mes frères James et Steve allons organiser une célébration commémorative à San Diego dans les prochaines semaines, les détails suivront.
Nous allons bien. Nous venons de passer quelques semaines vraiment magnifiques avec lui, sans compter 47 à 49 années non moins magnifiques. Veuillez m’excuser pour cet email groupé. J’ai juste voulu vous mettre au courant.
Je vous embrasse,
Simone
3 commentaires:
très belle lettre d'une grande simplicité, touchante
merci
Petite précision, cette lettre a été publiée par Simone Federman sur le blog de Raymond Federman.
Cette précision me semble utile...
Merci, Steorfan, pour cette précision fondamentale que je vais d'ailleurs ajouter dans le corps du billet.
La période est tellement étrange... Je n'avais pas eu le courage de consulter le blog de Raymond...
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