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Page 48, un blog de Pierre Ménard qui donne envie de passer des heures à éplucher les pages 48 de sa bibliothèque... Et d'ailleurs :
« pas pratique lui reprocha-t-elle : d’accord !; en tout cas nos voix sautillaient joyeusement devant nous./“ Qu’est-ce que tu fais à l’usine ?” : “ Ben – ” elle dodelina songeuse “ Je rédige les offres ; que j’envoie avec des coupons.” À Osnabrück donc, y avait aussi fait ses études. “ Qu’aimes-tu lire ?”. Elle me regarda avec méfiance, cherchant visiblement ce qui serait le plus important ; hésita – – : “ Gustav Freytag, Le Manuscrit perdu.” Hm. Pas mal. Mais elle voulut à tout prix donner plus de poids à sa déclaration : “ Chez nous, il y en a un qui lit toujours Kant !” rapporta-t-elle avec dévotion : “ Il faut qu’il soit fou !” tranchai-je : “ Tu ne crois pas ?! : écoute bien :…” (et je fis aussitôt le vieux test : lequel de ces passages se trouve dans Kant, et qu’est-ce qui est de la foutaise ? : a.) “ Une unité de l’Idée doit même servir en tant que motif déterminant a priori d’une loi naturelle de la causalité à une (certaine) forme de la complexité” ; ou b.) “ La causalité d’une (certaine) forme de la complexité doit servir à une unité de l’Idée même en tant que motif déterminant a priori d’une loi naturelle ” ? Elle baissa le front et ne répondit plus). / Petits rires nerveux de 2 mandolines sur la terrasse. Le cornet à glace multicolore fut servi avec un nord-est frisquet, et la robe se mit aussitôt à la tirer vers moi avec fougue, très bien la robe ; mais la pâte à gaufre quadrillée crevait justement sous ses grandes dents, tandis qu’elle m’enlaçait des yeux, coite, la bouche pleine de friandises glacées. / Montée à cru sur la proue : Pocahontas aux fins cheveux collants, avec la fente bleue de ses lèvres. Lui donna une tape des 2 mains, s’arc-bouta, et me sourit encore une fois dans l’eau. Nuée madréporique »
Arno Schmidt, Roses & Poireau, Éditions Maurice Nadeau, 1994, traduction Claude Riehl = Rosen & Porree, Stahlberg Verlag, 1959.
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