Hubaut re-mix
« Perturbation nourricière, contaminante, dérangeante, politiquement incorrecte et révolutionnaire, la planète Hubaut constitue un monde à part tout en étant partie prenante du monde. Joël Hubaut en donne ici un texte à voir et à lire, à sucer colonne après colonne comme autant de bonbons au poivre qui s’ouvrent à chaque page dans le délice de la découverte d’une nouvelle machination de l’artiste. Mixées ces pages le sont à l’extrême, refusant la catégorisation et la chronologie, elles reprennent dans un désordre construit – désordre de celui qui n’a ni repère géographique ni repère idéologique si ce n’est celui de la démesure, de l’improbable et de la dispersion – un engagement de tous les instants dans la pensée artistique. Rhizomiques, elles tissent le réseau de la prise de position de l’artiste sur la scène de l’art ou de la vie. Un texte en écho à un engagement total sous les masques de la performance, de l’installation, de la poésie, du concert, du texte automatique, du banquet, de la peinture, du dessin, du remue-ménage et de la récréation. »
(Sylvie Froux, introduction à Joël Hubaut Re-mix épidémik Esthétique de la dispersion).
Le livre consacré à Joël Hubaut publié par Les Presses du réel dans la précieuse collection de Michel Giroud, L’écart absolu – qui porte bien son nom – est à consulter d’urgence. Peu d’œuvres expriment de façon aussi impérieuse la liberté sans dogmes, le refus des genres et des limites, l’évidence d’une œuvre essentielle, répandue sous toutes ses formes comme une épidémie excentrique.
Les quelques images montrées ci-dessus n’en sont pas tirées – défaut de scan oblige – mais sont simplement des traces trouvées sur le réseau ; le livre quant à lui regorge de documents inédits, de pièces, de photos…
« La Bicyclette des avant-gardes usées, 1989.
Bicyclette trouvée et ensevelie naturellement dans la végétation pour absorber les mauvaises herbes puis préparée et modifiée par un magnétophone-guidon diffusant une bande-son à chaque coup de pédale. De la roue de bicyclette comme ready made à la bicyclette fonctionnelle de Beuys pour s’évader du musée… je propose une bicyclette potiche au rebut mais bavarde et amplifiée, un rébus pour pédaler dans la choucroute tel un néo-sur-mâle digne d’Alfred Jarry ! Il s’agit là en effet d’un vélo-poubelle pour les encombrants, une ruine en roue libre et transformable en dada. Après tout, c’est dans le recyclage que chaque élément prend véritablement tout son sens. Une bicyclette transformée en cheval de TROIE devient une monture off pour une autre chevauchée, car cette monture est comme une plante… of course ! Ma bicyclette, transformée en cheval-plante pour que je devienne une amazone dans le grand manège sociétal qui tourne en rond ! Yé ! J’aurais pu évidemment grimper sur un camélia, éperonner un cactus, une mandragore… mais la bicyclette me paraissait plus juste pour dérailler dans cet esprit picaresque et me faufiler à l’aise en pédalant dans l’entrisme en roue libre gênée… » (p. 171)
« … L’épidémik, quelque forme qu’il adopte, marche en ce sens : désorganiser, produire une contre-partition, faire état du mix irréductible des vies contemporaines. Mais sans pathos, cependant. De là, cette caractéristique du Hubautwork : la propension à faire rire, la pulsion à la joke, la dimension ludique… Mais l’esprit épidémik, quoique volontiers clownesque, est redoutable, forme rusée de dépeçage symbolique… Cet art épidémik qui devait désorganiser pour finir, au niveau de la vie publique, reconstitue. Un paradoxe ! Cet art dont on eût pu attendre qu’il égare, dissémine, disperse, tout compte fait, réunit… » (Paul Ardenne, extrait de Hubaut-Théorik – ici p. 175).
+ le site de Joël Hubaut, épidémik et agité jusqu’au bout des liens hypertextes…
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