CASSE : question de fab, épisode 13
En ce moment, je travaille sur CASSE, le troisième livre de Daniel Foucard publié chez Laureli/Léo Scheer, le sixième de l’auteur après Peuplements (Al Dante, 2000), Container (Sens & Tonka, 2001), Novo (Al Dante/Éditions Léo Scheer, 2003), COLD (Laureli/Léo Scheer, 2006), CIVIL (Laureli/Léo Scheer, 2008). CASSE paraîtra le 6 janvier avec une couverture de Jean-Luc Moulène – ne vous fiez pas au brouillon de maquette qui apparaît ici. L’image sera la même, mais j’ai un peu de mal avec la composition de titrage – caser des ronds et de la typo linéale dans un rectangle, c’est plutôt coton… Le résultat final sera donc vraisemblablement un peu différent.
Je travaille aux corrections sur Word. Après avoir passé le manuscrit de Daniel en Garamond – il écrit en Arial, j’arrive difficilement à corriger en Arial… Alors on a toujours le même protocole : je passe le manuscrit en Garamond, je corrige, et puis je fais la maquette en Univers – une linéale, un peu comme l’Arial, mais en mieux. J’ai passé une demi-journée à fouiller dans les familles de linéales pour me rendre compte que décidément, l’Univers (ça m’aura en tout cas permis de bien ranger mon Suitcase par familles et de découvrir – à travers des clics digressifs – plein de typos ornementales qui serviront peut-être un jour, ponctuellement)… Et puis la plupart de ces polices sans empattement sont en général crées pour les titrages, l’affichage… pas pour du texte littéraire dense. Donc l’approche en est parfois très surprenante – c’est-à-dire qu’on peut moins facilement jouer avec l’approche qu’avec une garalde, on se retrouve avec des lignes très denses ou très blanches pour éviter une veuve, une orpheline ou une coupe hérétique… Déjà que c’est acrobatique en Univers, j’ai pas eu le courage de me casser le nez sur les quelques Linotype qui me séduisaient.
Mercredi, je vois Daniel pour qu’on bosse sur le texte. J’aime beaucoup ce moment auteur/éditeur. C’est l’un des grands cadeaux de ce métier ! Être en prise directe avec l’écriture, intégrer sa logique pour pouvoir faire des propositions, agir en maniaque du détail au service de l’auteur.
J’aimerais qu’à travers ce livre, le grand public comprenne ENFIN qui est Daniel Foucard. C’est-à-dire, disons-le sans ambages, une lecture incontournable.
Je ne doute pas que ça arrivera un jour. Je trouve juste un peu égoïste qu’on ne soit pour l’instant qu’une bande d’initiés – certes surpassionnés et hyperactifs et certes la bande grossit chaque jour de nouveaux lecteurs – à le savoir. C’est dégueulasse pour le reste du monde qui passe à côté d’un grand auteur simplement parce que l’info n’est pas assez relayée…
J’aimerais bien que ça arrive vite pour Daniel, aussi. J’en ai un peu marre qu’on s’exclame la larme à l’œil, qu’on déplore être passé à côté de, qu’on crie au mythe une fois que les vers sont en train de bouffer les intestins des écrivains. ça devient dur pour eux d’en profiter, à ce moment-là. C’est aussi mon travail de tout faire pour informer, en temps et en heure, transmettre mon enthousiasme et tenter de faire en sorte que les livres soient ouverts par la critique – ce qui n’est pas vraiment une critique envers la critique, en tout cas, pas une critique de tous les critiques ; j’ai eu l’occasion, il y a quelques mois, d’aller dans le bureau de la responsable livre d’un quotidien national et j’ai failli faire un arrêt cardiaque en constatant qu’elle travaillait derrière des murs de livres de 3 mètres de hauteur… Il n’est pas humainement possible de tous les ouvrir. Alors a fortiori, les lire… Alors c’est un combat de tous les instants. Avec une artillerie assez limitée, aussi limitée que la détermination est grande.
Je sais que c’est l’un des prix de l’« exigence », ce mot dont on nous rabat les oreilles – je ne vais pas me plaindre, c’est toujours mieux que le glacial et inapproprié « expérimental » – pour désigner une écriture qui ne donne pas dans le produit formaté. Mais avec le côté Quijote qui est le mien, ne comptez pas sur moi pour baisser les bras.
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