mercredi, septembre 26, 2007

« Sometimes I feel like I took the blue pill »

EMMANUEL RABU invité de rougelarsenrose :
« Sometimes I feel like I took the blue pill »*, sur JANDEK.




En 1978 paraît sur le label Corwood Industries dont c’est la première production, le premier album de Jandek1, c’est un vinyle tiré à 1000 exemplaires. C’est un album de « blues » atypique, porté par une voix atonale, accompagnée d’une guitare acoustique. La pochette ne comporte pas d’indication. Aucun musicien n’est crédité. En 1981, Corwood sort deux autres albums de Jandek. Le tirage est revu à la baisse (300 exemplaires). En 1982, Corwood sort trois albums de Jandek. En 1983, deux, etc. En 1985, Jandek accorde une première interview (téléphonique), ne divulguant rien de son identité, ne dévoilant rien de sa musique. À un rythme hors-norme (plusieurs disques par an et jusqu’à six en 2006…) le label Corwood sort les disques de Jandek, ne publiant aucun autre artiste. Corwood Industries n’a pas d’adresse physique, le label dispose seulement d’une boîte postale sise à Houston, au Texas. On ignore tout de Jandek, son anonymat strict prête le flan à de nombreuses suppositions de la part de ses fans. Les productions se poursuivent à un rythme effréné. En 1999, Katy Vine, une journaliste à Monthly Texas « traque » Jandek et parvient à rencontrer un « représentant de Corwood industries », elle reproduit ses propos sans donner aucune indication de l’emplacement géographique (il s’agit de sa deuxième et ultime interview). Jandek est un mystère. Les choses en étaient là, jusqu’à ce que le 17 octobre 2004, à Instal04, un festival à Glasgow (auquel jouait notamment Keiji Haino), se produise sur scène (sans que cela ait été annoncé) un « représentant de Corwood Industries », formellement identifié par David Tibet (Current 93 et organisateur du concert) comme étant Jandek lui-même2. De fait, sur les photos du concert, l’homme qui joue est la même personne, en plus âgé, que celle représentée sur les pochettes de disques.
Depuis cette date, Jandek s’est produit 25 fois, notamment à Londres et à Montréal cet été (dans un festival où jouait également Henri Chopin et Nihilism Spasm band), parfois accompagné d’autres musiciens (dont Alan Licht et Loren Conors), rompant une invisibilité publique de 26 années mais ne dévoilant pas pour autant la moindre information sur lui-même ou sur sa musique, n’ôtant strictement au mystère absolu qui entoure ce musicien.

Pour résumer et sans faire trop d’extrapolations, Jandek est le nom sous lequel Sterling R. Smith (identité vraisemblable, il est né en 1945) a autoproduit, depuis 1978, 51 albums (46 albums studio et 5 lives). Jandek joue seul (à quelques exceptions près : une chanteuse (sur Nancy sings et No break, Chair beside the window), un batteur sur John plays drum, in You turn to fall, manifestement d’autres musiciens sur The electric end, mais jamais crédités.
Jandek « chante », en s’accompagnant principalement d’une guitare acoustique ou d’une guitare électrique et sur les derniers albums d’une basse. Auxquels viennent s’ajouter parfois l’harmonica et la batterie.

Portée par une voix atonale, sa musique atypique et désolée semble à la fois témoigner de la conscience étasunienne la plus aigue et s’en départir radicalement. Si son œuvre, donc agénérique, indécidable (quelque part… entre Daniel Johnston, John Fahey, Beat Happening, le One foot in the grave de Beck, le travail solo de Lou Barlow, Robert Johnson et Harry Partch (sic)), semble bien s’ancrer dans le blues et la folk (mais une folk rugueuse, un blues primitif et déstructuré, dissonant), elle s’en émancipe pour aller vers un espace qui doit aussi à la musique savante, au noise, au free, au post-punk…

Une musique de réclusion, presque autiste et à la fois la plus ouverte qu’on puisse imaginer, une musique affranchie, détachée de toute influence, inclassable, inqualifiable, une œuvre proprement hors-norme, sans équivalent. Keiji Haino aurait dit « Jandek est le blues ». Jandek a bâti et continue de bâtir une des œuvres les plus magistrales, les plus radicales, qui soit, une des plus importantes actuellement (tous genres confondus), une œuvre réussissant réellement à balayer les notions de musiques savantes et populaires, de virtuosité et d’absence de virtuosité.

Je ne vois aucun équivalent à cette œuvre ascétique issu d’un personnage invisible et sur-représenté sur ses pochettes de disques (il apparaît sur 28 d’entre elles). Mais il ne s’agit pas ici, on l’aura compris, d’une absence de concession esthétique et au système médiatique. Il ne s’agit là que de musique, à l’état pur.

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* Jandek, propos rapportés par Katy Vine in Texas Monthly, août 1999.

1- Ce premier disque sort en réalité sous le nom collectif de The Units. Mais ce nom est aussitôt abandonné parce qu’appartenant à un autre groupe. Les rééditions de ce premier album se feront sous le nom de Jandek.


2- from David Tibet
Date: Mon Oct 18 10:24:28 PDT 2004

I can absolutely confirm it was JANDEK live at 5pm on Sunday 17th at the Instal Festival put on by Barry Esson.
He played for an hour with Richard Youngs on bass and Alex Neilson on drums.
The whole show came about after 7 months of secret negotiations and was done on the basis that Jandek’s name was not used in ANY of the publicity at ANY time.
It was absolutely amazing — JANDEK was happy and relaxed and looked great and as Godlike as it comes.

Date: Tue Oct 19 06:08:03 PDT 2004

1) JANDEK was absolutely not announced; part of the deal was that no-one would be informed who was playing, just that there was a mystery guest. People turned up at 5 and someone near my wife said: « There is someone impersonating Jandek on stage. » Then he said: « F**K! It IS Jandek.... »
2) He played for an hour, and used the lyric stand that I used (that was bought for me) the night before. The band rehearsed just once, earier the same day. They were stunning, stunning, stunning--and I do know as I am a MASSIVE fan and have every single vinyl, every CD and even the bar-code/non-bar-code variant release.
3) He never referred to himself as JANDEK — the word was not used at ANY time. He was there as « a representative from Corwood Industries. »
4) He did not stay in the same hotel as any of the bands, who did not know he was playing either.
5) He did not attend the festival, except briefly, when SIX ORGANS OF ADMITTANCE were playing. He didn’t go for meals or drinks with any of the bands, and didn’t attend the post-show party at the hotel. The only person who spoke to him was the band and the promoter and his partner.
6) There are lots of other bits I could add, but can’t as they are confidential. .. but maybe they will come out later. Or not.


Référence :
http://tisue.net/jandek/, site prodigieux d’exhaustivité.
L’interview téléphonique accordée par Jandek à un journaliste est disponible ici http://fr.youtube.com/watch?v=S87J52jXqlc.
L’article de Katy Vine est disponible ici http://web.archive.org/web/20041105103137/http://www.texasmonthly.com/mag/1999/aug/jandek.html.
Un documentaire sur Corwood a été réalisé en 2004 (Jandek n’y figure pas), le trailer est disponible ici http://fr.youtube.com/watch?v=VbjlBHl4OKk&NR=1.
Ses albums sont disponibles à partir de 4 € sur amazon…

Fragmentation

The form of a corporation is delimited
Why is it so vernacular 

When you talk to a man
How do you get through
How do you reach yourself
When it’s down to fragmentation
And you’re doing your thing
How could you be another
It’s a simple condition
It’s the time of all time
With your thought in an envelope
Traveling in my attention
I can’t get away from you
No matter what thought could ??? I try
I’m not sure I want to leave
Even if I’m waiting alone
The times have all changed for me
The space is a different place
I’m resolute as a robot
I’m a long blank stare
I tear myself to pieces



You other man


I Knew You Would Leave


Just Whisper


The Electric End


They Told Me About You


What things are

1 commentaire:

Anonyme a dit…

merci pour cette découverte !

c'est un vrai héritier de John Fahey..
http://www.johnfahey.com/