mercredi, octobre 24, 2007

"Le petit chat est mort"



C’était le plus gentil chat du monde et le plus beau, aussi. Le matin, il miaulait dès qu’il entendait que j’étais réveillée et il s’amusait à une drôle de chorégraphie, dans mes pas ensommeillés, jusqu’à la cuisine où il réclamait pour le simple plaisir de réclamer. Avec de très étranges miaulements pour un Persan. Mélodiques, parfois disgracieux, toujours très drôles comme des complaintes capricieuses. Puis il me suivait dans la salle de bains car il adorait l’eau, il traquait les gouttes dans la baignoire ; et quand, sac en main, il me sentait déjà ailleurs, il allait voir Emmanuel pour recommencer le même rituel du matin qui finissait en long câlin sur le lit. Moi je sortais en général pleine de touffes rousses et on se disait qu’il faudrait finir par en faire un pull, de toutes ces touffes. Je faisais des crises de jalousie à Emmanuel car j’avais l’impression qu’il était davantage câlin avec lui mais comme tous les chats, Alphonse cultivait un opportunisme pratique, j’étais rarement à la maison, disponible, et quand c’était Emmanuel qui partait pour quelques jours, il était triste de retrouver Alphonse filant le parfait amour avec moi et le snobant un peu. On avait quelques divergences avec les diminutifs, Emmanuel et moi. Moi, j’étais pro Alphonse, voire Phonphonse. Emmanuel aimait bien Chouchou voire Chonchon. Il a également connu, grâce à Émilie, du Phonphonse-pue-lap’ les jours où on était un peu négligents sur son toilettage de Persan. Inutile de préciser que ce chat était donc le roi et qu’on se disputait son attention, tout comme les amis qui venaient nous voir se disputaient une brève visite du gros chat roux sur leurs genoux – mais il n’aimait pas rester sur les genoux, Alphonse. Il était plutôt maladroit (euphémisme) et trop paresseux pour être joueur mais il était fou d’un jouet que lui avait confectionné Céline Dancart avec un papier de paquet de cigarettes. Il le traquait, au bout d’un fil, comme une proie, et le mâchonnait en miaulant comme s’il s’était cru lion dévorant une antilope. Alphonse était très tranquille et passait de longues heures, le dos sur le parquet, ventre à l'air, les quatre pattes écartées dans l'attitude de la plus grande confiance, aux quatre coins de la maison et même, parfois, en plein milieu d'une pièce. Il fallait alors l'enjamber pour passer et il ne bronchait même pas et il poursuivait ses doux rêves jusqu'à ce que le bruit de l'ouverture d'un emballage de jambon ou d'un pot de yaourt ne le réveille. Il était fou des yaourts allégés à la pistache et de l'huile de foie de morue. C’était un chat très sociable avec les humains, il restait parmi les convives pendant les fêtes ; il aurait bien aimé être sociable avec les félins aussi mais ceux-ci ne l’aimaient guère car c’était une crème de bestiole (Maïa disait qu’il était « différent » en riant) qui ne comprenait pas grand chose aux codes de son espèce et courait sans cesse le risque de coups de griffes et de miaulements peu sympathiques. Il aimait le piano, la guitare mais était terrorisé de m’entendre chanter, il pensait que c’était un cri de douleur. Il se mettait alors à miauler très fort et cela faisait une drôle de polyphonie. Il aimait le soleil, la pluie, et tentait d’attraper les mouches et les mites – heureusement, quelques unes, mal en point succombaient à ses gestes approximatifs. Alphonse vient de mourir d’un arrêt cardiaque alors qu’on tentait de soigner une cystite qui avait dégénéré en calculs rénaux. Il n’a pas supporté l’anesthésie. C’est la vie. Je sais que c’est la vie, la mort. La mort des humains, la mort des animaux, je sais, oui. Mais je tenais à écrire ce texte brutalement sentimental, en rentrant de la clinique vétérinaire, ce texte pas relu d’enfant de dix ans, et vous l’offrir, vous qui aviez croisé Alphonse sur ce blog et ailleurs, car j’adorais ce chat, qui faisait partie de ma vie. Je voulais lui dire aurevoir, avec Emmanuel, Nathalie et tous nos amis qui aimaient la drôle de tête sans nez, la grosse touffe de poils roux toute douce dont je garderais toujours le souvenir heureux d’un compagnon fidèle qu’on aurait aimé choyer plus longtemps.











12 commentaires:

Anonyme a dit…

Il est beau en photo, p'tit père...
(bougie)

Anonyme a dit…

Je me souviens que tu m'en avais parlé dans le bureau... je crois qu'Alphonse aurait aimé ce texte... parce que les chats aiment les enfants de dix ans...
Bises Alphonse

Laure Limongi a dit…

Merci Antoine, merci Tarik, ça me touche beaucoup.
Elle fait pas trop la fière, là, Limonge-la-dure, c'est sûr. Tu as raison, Tarik, toi avec qui on a beaucoup parlé chats ; c'est la part d'enfance, la part qui ne se protège pas, qui ne se raisonne pas, qui ressurgit, dans ces cas-là.

Anonyme a dit…

je suis triste pour toi et pour la mort d'alphonse, ça nous donne toujours 1 cafard d'enfer quand une de nos bêtes adorables meurt ... á ma petite fille de 4 ans je lui dis qu'ils deviennent des étoiles et qu'elle peut les regarder la nuit, dans ce magnifique ciel étoilé de lisbonne.
biz

Anonyme a dit…

Décidément, sale période pour les rouquins magnifiques.
Une pensée. Deux pensées...

Anonyme a dit…

nous pensons toutes les trois, tristes, à toi... pensées tendres et baisers étoilés...

Laure Limongi a dit…

Merci pour tous ces gentils mots et pour les emails et coups de fil reçus, aussi. ça réchauffe le cœur.

Anonyme a dit…

On ne se connaît pas, Laure, mais j'ai déjà manifesté plus tôt mon désir d'adopter Alphonse le charoux.
Donc petite pensée.
LP

Laure Limongi a dit…

{chanson d'Emmanuel Tugny :}

Alphonse
C’est bien mieux sous les ronces
Plus ça cède plus tu t’enfonces
Plus c’est bon

Tu laisses un sourire derrière
Comme un peu le chat du Chester
Et les voix chères

Ainsi tous les gens qui s’en vont
Vont pas loin dans les horizons
Nous garder un peu la maison
Le temps d’une morte saison

Alphonse
C’est bien mieux si tu pionces
Plus ça cède, plus ça renonce
Plus c’est doux

Tu laisses un sourire derrière
Aux gens qui vont de cette terre
Passer l’hiver

Ainsi tous les gens qui s’en vont
Vont pas loin dans les horizons
Nous garder un peu la maison
Le temps d’une morte saison


© Emmanuel Tugny, 2007.

FMR a dit…

Un joli au revoir. On a tous dix ans, là. Salut Alphonse.

Anonyme a dit…

Ririe et nar6 vous embrassons (on se souvient du ventilateur)

Anonyme a dit…

La vie avec ton chat est exactement celle que j ai vecu avec mon persan ,il vient de mourir dans les memes conditons et meme mal ! il avait a peine 3 ans! Je n arrive pas a accepter ca! il etait mon compagnon ,me suivait ou j allais! j en veux au vétérinaire ,il ma pries ce que j aimais ,et mes enfants sont aussi tres triste!