Post autisme – please, beam me up…
« — Ce n’est pas ton genre, tout ça.
¬— J’essaie de ne pas avoir de genre, même pas le masculin et surtout pas le singulier. »
Jean-Jacques Schuhl, Telex n°1
Ya des moments comme ça, où l’on se sent comme si on vivait dans une machine à laver bloquée au stade essorage 1200 tours, avec le cerveau qui tourne dix fois plus vite encore, à la recherche d’une cohérence, d’une analyse un tant soit peu logique de la situation – d’où le retour de Zomig et de Biprofénid, d’ailleurs, mais la somatisation est une autre histoire…
S’il y a pourtant bien quelque chose que je déteste, ce sont les poses alarmistes, cul sur la guérite à beugler des prophéties tissées de tristes constatations d’époque du genre : c’est la chienlit/la panade/la zone/la merde/la récession/la débandade… Eheu, Eheu. La plainte, la nostalgie. Néanmoins, force est de constater que ça commence à dauber sévère, au-delà du pourri, pas plus loin que dans notre minuscule royaume à ISBN. Les mutations ne se font pas sans mal, sans doute. Et ce n’est pas la comédie imminente des prix à pots-de-sancerre/poutous mondains qui saurait nous rassurer. Certes, c’est un lieu commun de dire que dans le milieu de l’édition, tout le monde crie au loup depuis que le papier et l’encre se sont rencontrés. Mais ce coup-ci, structurellement, c’est une première puisque tous, t-o-u-s les secteurs du livre sont en crise et que l’espace de l’expérimentation, de l’édition créative, se restreint comme peau de chagrin jusqu’à devenir une utopie dans un système de distribution formatée pour les produits à potentiel de vente conséquent. (Évidemment, de nombreux éditeurs dits « expés » se créent sans cesse, mais sont-ils visibles ? correctement diffusés et distribués ?)
Je n’analyserai pas les choses chapelle par chapelle car je ne suis pas en mesure de le faire et surtout que je n’ai pas envie de passer la nuit à modérer 45 commentaires – en pleine saison 2 de Dead Wood ? impensable – mais il y a trop de fins en ce moment pour qu’on n’en soit pas atteints et surtout qu’on ne ressente pas la nécessité de penser, de toute urgence, la situation.
Il faut dribbler ce système par tous les moyens que notre imagination pourra inventer, sinon dans quelques années, on va se réjouir que Christine Angot trouve encore un éditeur dans un monde de livres hideux en corps 14, imprimés à Taiwan par des enfants mutilés, portant en quatrième de couv une pub pour Starbuck Coffee ou H&M, vendus entre les rayons condiments/épices et essuie-tout – z’imaginez le cauchemar ?
Cette édition-fiction un peu glauque pour dire que c’est sans doute le moment de s’alarmer un peu… pas de s’armer contre les moulins, bien sûr, on ne peut rien contre un courant charrié par le cynisme et l’argent. Mais de dénicher les interstices et se concentrer sur l’essentiel : la création, l’écriture, la médiation entre l’écrivain et ses lecteurs ; et peut-être d’initier quelques réflexions collectives, affinités par affinités. ( ?)
Damned, ce n’est pas mon genre, tout ça (chanter comme une sirène d’ambulance, prendre la pose du guetteur, donner des conseils, beurk). Nécessité ferait loi ? J’essaie de ne pas avoir de genre, etc.
2 commentaires:
Le problème, c'est que cela a toujours été ainsi.
"Après cela, que voulez-vous qu'il fasse, le petit troupeau des vrais artistes, qui ne savent rien du tout que frémir dans la lumière et qui ne furent jamais capables de cuisiner les gros ragoûts de la populace ? Ils ne sont pas nombreux, aujourd'hui, cinq ou six, à grand-peine, et l'immonde avalanche a peu de mérite à les engloutir."
Le désespéré, Léon Bloy (1886)
Et puis moi, j'ai un faible pour la vaticination.
Merci pour votre 1° novembre.
Bruno Lemoine
1- Oui, cela a toujours été ainsi, dans un certain sens, la pente loin d’être ascendante pour l’artiste et l’édition vouée à la création vive ;
2- On ne peut néanmoins pas nier une mutation économico-culturelle d’ampleur dont nous vivons une des phases. L’analyser est un moyen de continuer, d’en chercher les failles et les interstices, compte tenu de ces éléments nouveaux… (là je parle évidemment pour l’éditeur, l’activiste. L’écrivain, lui, écrit. Heureusement en dehors des ragoûts. Sous peine de se transformer, la plupart du temps, en inélégant cuisinier cossu…)
— You're welcome, merci à vous, on attend la suite !
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