Le Travail de rivière #4
... Lorsque Fanette Mellier m’a proposé de participer à son projet de résidence à Chaumont, j’ai cherché ce qui, dans la ville, faisait écho en moi et choisi de m’intéresser à l’histoire de la ganterie Tréfousse. Plus précisément, j’ai voulu tisser un lien entre le travail ouvrier, concret, physique, et l’atmosphère de mystère et de merveilleux que j’ai ressentie dans cette ville entourée de contes et de légendes où la forêt est très présente. Oxymore annoncée dès le titre : “ Le travail de rivière ” malgré son apparente joliesse est une expression qui désigne le travail de mégisserie, c’est-à-dire l’opération qui consiste à préparer les peaux tout juste écorchées pour les tanner et les transformer en cuir. De la mort au luxe en quelques opérations lustrales.
Une future gantière apparaît donc à Chaumont, entre deux guerres. Elle n’a pas de nom et guère de psychologie. Un “ je ” apparaît en étant le sien, sans l’être. On la devine néanmoins à la fois mélancolique – reflétant le paysage – et déterminée – jurant dans le décor. Elle grandit, pas à pas, entre la lecture du journal intime de sa grand-mère narrant ses inquiétudes de vraisemblable veuve de guerre et la guerre qu’elle vivra, au quotidien, depuis le petit point sur la carte que représente sa ville de naissance. Ce récit n’est pas linéaire. Il se troue notamment de fragments de contes, sens dessus dessous, en échos inquiétants avec ce qui est supposé être la réalité du livre. Le petit chaperon rouge meurt sans cesse, la gantière porte un châle rouge et les loups sont dans la ville. Au centre, un bref dictionnaire technique – dont certains termes sont détournés de leur définition principale – donne naissance à un deuxième glossaire aléatoire, disséminé dans le texte, qui contamine la narration.
Au final, c’est un trajet hybride, à la fois poétique et narratif. L’histoire se déversant dans le conte, la poésie imprégnant l’histoire, le dénouement épousant les méandres de la rivière...
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