Voilà
Une pièce remarquable de Philippe Minyana au Théâtre du Rond Point, allez-y voir !
mise en scène Florence Giorgetti
avec
Hélène Foubert - Nelly
Florence Giorgetti - Ruth
Nicolas Maury - Hervé
Émilien Tessier - Betty
Entretiens à propos de Voilà
En exergue de votre pièce, vous avez placé, un peu comme s’il s’agissait de figures tutélaires, des citations des écrivains Haruki Murakami et Jane Bowles. Pourquoi ?
Philippe Minyana : J’écris entouré de livres. Quand je lis, je souligne plein de passages. C’est une façon de m’approprier des mots. J’aime beaucoup Jane Bowles qui est un auteur trop peu lu à mon avis. Quant à Murakami, je dévore tout ce qu’il publie. J’aime sa capacité à aller voir dans les coins comme s’il soulevait un voile sur des détails étranges, inaperçus. C’est un peu ce que j’ai essayé de faire avec cette pièce en travaillant sur une dimension climatique avec des variations dans lesquelles surgissent de temps à autre des détails évocateurs, qui jouent comme un déclencheur, un supplément d’imaginaire. C’est un fil que je tire entre le banal et l’extravagant.
Vous travaillez sur le détail infime en installant un rythme très particulier jouant sur la différence et la répétition qui évoque une ritournelle. Il ne se passe presque rien en apparence, mais en vérité cela se trame dans le temps de façon subtile, en profondeur...
Ph. M. : « Ritournelle », j’aime ce mot. Ce sont des petites chansons naïves en surface, mais qui en même temps convoquent quelque chose de plus grave. J’aime aussi l’art naïf, les figurines, les marionnettes, les miniatures, c’est-à-dire toutes façons destinées à styliser le réel.
Parce que la pièce se déroule sous la forme d’une série de visites où les mêmes personnages réapparaissent. Mais on ne sait pas vraiment combien de temps se déroule entre chaque visite. On a presque des doutes même quant à la chronologie. C’est voulu ?
Ph. M. : Je pense qu’entre chaque visite il y a beaucoup de temps qui passe. Les personnages sont les mêmes, mais ils changent à chaque fois comme s’ils étaient des figurines humaines. La question c’est : comment capter les rites ordinaires ? Le thème de la visite permet cela. J’ai donc pensé la pièce sous la forme de cinq suites, c’est-à-dire cinq visites. Et j’ai voulu travailler sur l’écart entre le réel et la reconstitution du réel. Dans la pièce, il y a un coucou qui à un moment se dérègle ; il y a des chiens et des chats... J’aime bien imaginer que le chien se mette à parler tout d’un coup, comme une soudaine extension du réel vers le merveilleux.
De quoi parle cette pièce de Philippe Minyana dans laquelle vous jouez et que vous mettez en scène en duo avec Robert Cantarella ?
Florence Giorgetti : À mon avis, la pièce n’est pas racontable. On pourrait dire qu’elle parle du temps qui passe. C’est une pièce sur le temps et sur les variations du temps. On pourrait appeler ça « Les Variations Minyana ». Par moments on ne sait plus si on est dans un temps réel ou un temps de cauchemar. Il y a aussi cette obscénité du mot qui revient sans cesse. Car ils disent tout, ces personnages qui se retrouvent à différents moments de leur vie en se rendant des visites. Dans le théâtre de Minyana, le mot résonne, fait du bruit. Alors je crois que nous, les acteurs, nous sommes comme des choristes, nous devons trouver comment faire sonner ces mots. Et puis à certains moments, les personnages sont gênés, ils ne savent plus quoi dire, alors ils chantent un petit air. Il y a aussi dans Voilà un aspect que l’on peut traduire sous formes de vignettes un peu comme ces illustrations qu’on trouvait autrefois dans les livres de la Comtesse de Ségur. Il y a toujours un va et viens entre ce qui est réel et ce qui ne l’est pas, comme si les personnages se demandaient à chaque fois s’ils n’ont pas tout simplement rêvé ce qui vient de se passer.
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